Rappel 2009 : Les francs-maçons de Sarkozy
Influence. Les « frères » sont nombreux autour du président, révèle Sophie Coignard dans un livre dérangeant.
Sylvie Pierre-Brossolette -
Le Point (extrait)
" Les francs-maçons ? Ils sont partout, jusqu’au coeur de l’Etat. C’est en tout cas la conclusion de notre consoeur et collaboratrice au Point Sophie Coignard.
Dans
un livre extrêmement documenté, elle met en lumière le rôle de cette
confrérie aussi mythique que réelle, qui ne cesse d’alimenter les
fantasmes sur son pouvoir supposé. Confiant qu’elle-même a longtemps
oscillé entre deux attitudes-le scepticisme et la conviction-, son
enquête l’a persuadée que les francs-maçons exerçaient encore au
XXIe siècle une influence prépondérante, voire croissante, en
particulier dans les sphères publique et économique. Gouvernement, administration, entreprises, banques, rares sont les secteurs où ils ne sont pas présents. «
Tandis que l’autorité de l’Etat tombe en lambeaux, que les corps
intermédiaires n’existent plus, que la notion de service public a perdu
de son sens, les francs-maçons, ou du moins certains d’entre eux,
deviennent des médiateurs, des facilitateurs, voire des décideurs.
Progressivement, ils ont donc reconstitué un Etat dans l’Etat. »
Puissance
Une affirmation que tente de relativiser un des plus connus d’entre eux, Alain Bauer, ancien grand maître du Grand Orient et super-conseiller de Nicolas Sarkozy. En décembre 2007, il déclare à l’auteur : «
Ce gouvernement est le plus a-maçonnique qui soit, puisque nous sommes à
zéro franc-maçon. Même sous le gouvernement du maréchal Pétain à Vichy,
il y en avait, hélas. » Bauer sera pris à contrepied. Car, quelques semaines plus tard, Brice Hortefeux,
qui n’est pas le moins voyant des ministres, ne dément pas avoir
longtemps fréquenté les colonnes du temple. Puis l’on apprend que Xavier Bertrand est membre du Grand Orient, ce qui suscitera, dit-on, ce bon mot de François Fillon : « Je ne suis pas étonné de le découvrir maçon ; mais franc, cela m’en bouche un coin... »
A droite, même si l’on est plus discret qu’à gauche sur son
appartenance maçonnique, on est donc bien présent dans les loges. Et, si
le chef de l’Etat n’est pas de la « famille », il en prend grand soin,
sachant son poids (voir extraits pages suivantes).
« Jamais je n’aurais pensé que les francs-maçons étaient aussi puissants ! » Cette réflexion effarée de Jean-Pierre Raffarin
vient d’un épisode vécu lorsqu’il était Premier ministre. Il en garde
un très mauvais souvenir : la mobilisation fraternelle l’a en effet
empêché, malgré tous ses efforts, de nommer à la tête d’EDF, bastion franc-maçon, l’ancien ministre Francis Mer à la place de François Roussely,
qui admet être proche des frères pour les avoir beaucoup fréquentés.
Pour le défendre, un déluge de coups de téléphone s’abat sur Matignon.
Il y avait tous les jours un appel de Bauer et un autre d’Henri Proglio, patron de Veolia,
qui dément très mollement être initié. La bataille dure des semaines.
Pour finir, les ligueurs ne sauvent pas Roussely, mais ont la peau de
Mer. Raffarin en tremble encore.
Solidarité
Le poids des frères se fait également sentir dans le monde de la justice. Quand Vincent Lamanda fut nommé premier président de la Cour de cassation, ce fut une minirévolution dans cette cour suprême, « Etat maçonnique miniature » . Pour la première fois, ni le premier président ni le procureur général n’étaient des initiés. Lamanda, selon Le Monde, aurait même poussé la provocation en confiant au CSM, qui devait le désigner : « Je ne suis pas franc-maçon. »
Tempête dans le landerneau judiciaire, truffé de frères. A tel point
que Lamanda dut se fendre d’une lettre d’excuses, sans vraiment
démentir. Il est un des rares, dans ce microcosme, à détester
ouvertement les francs-maçons.
Dans
certaines institutions, on n’a carrément pas intérêt à être un profane.
Augustin de Romanet, nommé à la tête de la Caisse des dépôts en 2007,
en a fait l’amère expérience. Cet énarque catholique tout en rondeur a
le sentiment, dès son entrée en fonctions, « que l’entourage de [son] prédécesseur [Francis Mayer] compte de nombreux frères ».
Très vite, l’épreuve de force entre le catho et les initiés provoque
des polémiques au sujet des nominations ou des évictions. Ainsi, quand
Dominique Marcel, le numéro deux et ex-dir cab de Martine Aubry, est
remercié par Romanet, c’est le tollé. Commentaire au siège de la Caisse :
« C’est moins une chasse aux sorcières qu’une chasse aux frères. » La solidarité est la première des vertus maçonniques....
Fleurons
Les francs-maçons détiennent de nombreux bastions, comme les mutuelles, le « paradis des frères », ou Bouygues, ou encore Eiffage. Malgré
la privatisation de nombreuses entreprises publiques où les
francs-maçons étaient très présents, ces derniers ont conservé leur
place à tous les étages de la hiérarchie, conseils d’administration
compris. C’est le cas de La Poste et de France Télécom, qui ont succédé
au ministère des PTT, véritable pépinière fraternelle. Idem pour Air
France, où les dirigeants comme les pilotes connaissent un taux
d’initiation bien supérieur à la moyenne nationale.
Sophie Coignard nous fait ainsi découvrir tout au long de son livre les dessous de nombre de nominations ou d’opérations.
On est parfois sidéré, voire choqué, que de tels réseaux puissent
exister à l’heure de la modernité et de la transparence. Certes,
d’autres puissants lobbys ont partout leur mot à dire. Mais les
francs-maçons auront réussi le tour de force d’être à la fois le plus ancien et le plus secret des réseaux. Son mystère a fait sa force. Le voici aujourd’hui en partie dévoilé.
Extraits : « Un Etat dans l’Etat », de Sophie Coignard (Albin Michel, 336 pages, 20e)
« Même s’il avait voulu, il n’aurait jamais tenu ! »
s’amuse un de ses plus anciens amis, selon lequel Nicolas Sarkozy
nourrit une incompatibilité quasi physiologique avec le statut de
franc-maçon. « Vous l’imaginez demeurer pendant un an, à raison de
deux réunions par mois, au milieu d’une assemblée où il est tenu au
silence le plus absolu ? » Le voeu-provisoire-de silence en loge
s’applique en effet à tous les nouveaux venus, à l’exception de quelques
chefs d’Etat africains auxquels la GLNF offre une formation accélérée. A
ces rares exceptions près, il fait partie des exigences non négociables
de l’initiation.
Pendant
sa traversée du désert, après la défaite d’Edouard Balladur, Nicolas
Sarkozy a fréquenté, comme intervenant extérieur, plusieurs loges de
Neuilly, dont La Lumière, celle de l’ancien sénateur Henri Caillavet,
une des figures les plus marquantes du Grand Orient. Certains croient
se souvenir de quelques appels du pied du maire de Neuilly, redevenu
avocat, après la répudiation chiraquienne, pour approfondir les
relations et aller plus loin si affinités. Ils assurent ne pas avoir
donné suite, car Nicolas Sarkozy, déjà à l’époque, n’avait pas le profil
pour recevoir la lumière. Il n’est pas interdit de voir dans cette
évocation une sorte de rêve rétrospectif.
Cependant,
à défaut d’avoir expérimenté personnellement le cabinet de réflexion
préalable au passage sous le bandeau, Sarkozy sait appliquer aux frères
le traitement « segmenté » qu’il réserve à toutes les « communautés ». Cette vision de la société, où l’on ne s’adresse pas à l’ensemble des citoyens mais à chacun de ses sous-ensembles, marque très fortement sa communication avec les maçons.
Un paraphe à trois points
En
1996, à l’époque de sa disgrâce, personne ne s’intéresse vraiment à son
sort. Mais quelques-uns de ses confrères avocats sont assez intrigués.
Certains parlent beaucoup entre eux de courriers qu’ils ont reçus et au bas desquels la signature de Me Sarkozy est très nettement agrémentée de trois points.
L’histoire court dans Paris, où plus d’un analyste des réputations se
répand sur une appartenance certaine à la grande confrérie.
Le
temps passe. Le maire de Neuilly gravit un à un les échelons qui le
mènent, en 2002, au ministère de l’Intérieur. [...] Et voilà que les
trois points de sa signature, dont personne ne parlait plus depuis des
années, redeviennent un sujet de conversation.
Peu
de temps avant de quitter la Place Beauvau, Nicolas Sarkozy doit faire
face à la grogne des syndicats policiers, las de devoir intervenir en
banlieue sans avoir toujours le sentiment d’être soutenus par le
gouvernement. Sans se faire prier, le ministre écrit à plusieurs patrons
de syndicats, notamment au secrétaire général d’Alliance, classé à
droite, pour les assurer que tout le ministère est derrière eux dans les
opérations de maintien de l’ordre souvent difficiles qu’ils ont à
mener. En dessous de sa signature : trois points très ostensiblement dessinés en triangle.
Alliance, il est vrai, compte de nombreux maçons parmi ses dirigeants. Jean-Claude Delage,
son secrétaire général, un flic sympathique qui a gardé de sa Marseille
natale un accent chaleureux, est le premier à défendre, avec véhémence
et conviction, le secret de l’appartenance. Nicolas Sarkozy, engagé dans
la campagne présidentielle, distribue-t-il les-trois-points en fonction
des destinataires de ses missives ? En tout cas, l’histoire fait
parler. Et, comme toujours, Alain Bauer, l’ancien grand
maître du Grand Orient devenu le spécialiste chargé de la sécurité et
de la police auprès du président, a sa petite anecdote pour banaliser
cette amusante histoire. « J’ai plusieurs lettres de lui sur un mur de mon bureau, s’amuse-t-il. Il n’y en a pas deux qui sont signées de la même manière. » Alors, pourquoi le fantasme collectif aurait-il vu trois points là où il n’y avait rien à signaler ? «
C’est d’autant plus idiot que les francs-maçons savent que Nicolas
Sarkozy ne l’est pas, tandis que les autres, au mieux, n’en ont rien à
faire », poursuit Bauer.
C’est
bien essayé, de la part de l’ancien grand maître du Grand Orient, qui
sait mentir avec un entrain plaisant, mais ce n’est pas vrai. Dans le
paysage morcelé de la maçonnerie française, toutes les obédiences
n’entretiennent pas des relations mutuelles d’une grande courtoisie. Elles
se communiquent, certes, chaque année, depuis le temps des affaires, la
liste des personnes radiées pour mauvais comportements, afin que
celles-ci ne puissent pas frapper à la porte d’un temple où elles ne
sont pas encore défavorablement connues. Mais c’est bien la preuve que tous les maçons ne se reconnaissent pas entre eux, notamment entre membres du Grand Orient de France et de la Grande Loge nationale française,
puisque la seconde interdit toute relation avec le premier. La
signature « trois points » peut donc, à la marge, susciter quelques
sympathies fraternelles. « Et si le ministre était un des nôtres ? » ont
rêvé les plus naïfs, tandis que les autres trouvaient plutôt agréable
ce clin d’oeil dans leur direction.
Itinéraire d’un non-initié
Et
d’ailleurs, l’illusion fonctionne. Au cours de l’enquête destinée à
nourrir ce livre, plusieurs maçons ont soutenu mordicus que le président
avait été initié. Leurs arguments n’emportent pas la conviction,
puisque ceux de la GLNF soupçonnent Alain Bauer de l’avoir embrigadé au
GO, tandis que quelques antisarkozystes de la rue Cadet-et ils sont
assez remontés depuis les discours sur la « laïcité positive » prononcés
au cours de l’hiver 2007-2008 !-verraient bien le chef de l’Etat à la
GLNF, qui compte, il est vrai, une solide implantation dans les
Hauts-de-Seine.
Il
faut toutefois faire preuve d’une candeur touchante pour imaginer
Nicolas Sarkozy, une fois président, rejoignant une obédience. « Pour lui, dit un de ses proches, c’est
un réseau parmi d’autres. Et quand on est le chef, c’est bien d’avoir
des membres du réseau autour de soi. Pour qu’ils puissent décoder et
envoyer des messages. »
Le président a d’ailleurs côtoyé intimement des frères dès le berceau politique. Son parrain, l’ancien maire de Neuilly Achille Peretti,
auquel il a succédé à la hussarde en 1983, était à la GLNF, que l’on
appelait alors « Bineau », car son siège était situé boulevard Bineau, à
Neuilly, justement. Ce personnage haut en couleur avait pistonné au
parti gaulliste l’un de ses compatriotes corses, Charles Ceccaldi-Raynaud,
un ancien de la SFIO, avocat puis commissaire de police. Cet homme
habile qui savait renvoyer l’ascenseur est allé loin. Il a conquis la
mairie de Puteaux et a régné sur cette ville richissime, grâce aux
revenus fiscaux générés par la Défense, pendant trente-cinq ans. La SFIO
étant historiquement l’un des vecteurs de recrutement de la Grande Loge
de France-tandis que les radicaux allaient au GO-, c’est auprès de
cette obédience que Charles Ceccaldi-Raynaud a fait ses classes. Dans
une lettre adressée en 2007 à la chambre régionale des comptes, où il
vantait avec enthousiasme l’excellence de sa gestion municipale,
l’ancien édile, qui fut le suppléant de Nicolas Sarkozy à l’Assemblée
nationale en 1993-il y siégea grâce à l’entrée de celui-ci dans le
gouvernement Balladur-, n’hésitait pas à comparer Puteaux à une « nouvelle Carthage », une référence maçonnique transparente. Il a eu pour conseiller municipal puis comme adjoint un frère très apprécié, l’ancien fonctionnaire de la DST Roger Latapie. Sa
popularité en loge n’était peut-être pas étrangère au fait qu’il a mis
pendant des années un temple gratuit à la disposition de la GLNF !
Faire le tour des maçons dans les Hauts-de-Seine serait long et fastidieux. A Rueil-Malmaison, le frère Patrick Ollier a succédé au frère Jacques Baumel. A
Suresnes, le maire Christian Dupuy est le fils de l’ancien grand maître
de la Grande Loge Richard Dupuy, qui avait demandé un point de chute
pour son fils avant les municipales de 1983. Le jeune avocat, alors âgé
d’à peine plus de 30 ans, avait réussi l’alternance en succédant à un
autre franc-maçon, le socialiste Robert Pontillon.
Mais
tous les frères des Hauts-de-Seine ne sont pas les amis de Sarkozy.
Ainsi de Patrick Ollier, dont la cote d’amour n’a jamais été bien
élevée. C’est en revanche sur ces terres que le futur président a
rencontré de nombreux amis initiés. Patrick Balkany ne peut être cité à
ce titre, car il dément fermement appartenir à la Grande Loge, ce qui
provoque toujours quelques sourires amusés. Brice Hortefeux, lui,
assistait aux Journées nationales pour la jeunesse de l’UDR en 1976.
C’est lors de cette manifestation que le jeune Sarkozy est monté pour la
première fois à la tribune. La légende raconte qu’un grand étudiant
blond, alors tout juste majeur, s’est présenté dès le lendemain à la
permanence du parti gaulliste à Neuilly, où il résidait. C’était
Hortefeux. [...] Très discret, il refuse de confirmer ou de démentir son
ancienne appartenance, pourtant confirmée par plusieurs témoignages.
Brice
a été témoin du premier mariage de Nicolas et parrain de son fils Jean,
aujourd’hui conseiller général des Hauts-de-Seine. Pour Manuel
Aeschlimann, c’est l’inverse. Nicolas Sarkozy, qui a été témoin à son
mariage, est le parrain de l’un de ses enfants, un garçon prénommé
Lohengrin. Mais avec Aeschlimann, Nicolas Sarkozy a sûrement fait moins «
bonne pioche » qu’avec Horfefeux. Après avoir pris la mairie d’Asnières
en poussant vers la sortie le maire de l’époque, le compagnon de la
Libération Michel Maurice-Bokanowski, en 1991, il a été désavoué par les
électeurs aux municipales de 2008. Depuis, il n’est plus que député. Et
n’a plus la même proximité avec son ami. Il fut, pendant la campagne
présidentielle de 2007, dans le premier cercle, avec un beau titre de «
conseiller opinion » du candidat. Manuel Aeschlimann est entré à
la GLNF peu après son arrivée à la mairie d’Asnières. A l’époque, il
racontait avec amusement à ses collaborateurs son initiation, un
passeport de plus pour la carrière. Mais, lorsqu’on l’interroge
aujourd’hui, il fait démentir avec un aplomb remarquable par l’un de ses
collaborateurs.
Reste le cas de Patrick Devedjian,
qui dément appartenir au club alors que des frères peu suspects de
mythomanie se souviennent du jeune avocat en tablier. Avec Patrick
Devedjian et Brice Hortefeux, Christian Estrosi
représentait au début du quinquennat l’avant-garde du canal historique
sarkozyste au gouvernement, qu’il a quitté après les municipales de
2008. Une éviction à laquelle les francs-maçons n’étaient d’ailleurs pas
étrangers. Il est lui aussi passé sous le bandeau à la GLNF, qu’il a
fréquentée dans une loge de la Côte d’Azur, France 7, dont l’ancien
maire de Cannes, Michel Mouillot, le fera évincer pour cause de dilettantisme.
Si
l’on récapitule, les frères ont jalonné le parcours du président et
sont encore nombreux autour de lui : dans le premier cercle, si l’on
excepte Patrick Balkany, qui assure ne pas être concerné, on compte
Brice Hortefeux, Christian Estrosi et bien sûr Xavier Bertrand, qui a
montré, en révélant son appartenance au Grand Orient dans L’Express, en 2008, que l’on peut se montrer transparent sur ce sujet sans le moindre inconvénient.
Au
total, les instances dirigeantes de l’UMP comme le gouvernement (2009)
comptent donc dans leurs rangs quelques personnalités formées dans les
colonnes du temple.
Le
cabinet du président de la République aussi compte plusieurs
personnalités qui ont fréquenté les loges, à commencer par son plus
proche collaborateur, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.
Celui-ci ne confirme ni ne dément cette appartenance, qui remonte
d’ailleurs à quelques années.On n’a pas non plus vu depuis longtemps
dans les couloirs de la GLNF Pierre Charon, surnommé le
conseiller « rire et chansons » du président, chargé de mille choses,
des contacts avec le show-business au chaperonnage de Carla en passant
par la surveillance à distance de la villa de Christian Clavier en
Corse. Il reste qu’il fait aussi partie des sarkozystes historiques.
Ancien conseiller de Jacques Chirac pour la presse, il a été écarté, à
l’époque, par la jeune Claude, qui voulait le job pour elle toute seule.
Pierre
Charon assure à tous ses amis depuis des années qu’il n’est pas
franc-maçon, et c’est une occasion de plus de les faire rire. Il est
pourtant formel : il a certes côtoyé dans sa prime jeunesse des
personnes qui ont par la suite reconnu leur appartenance, mais elles
n’avaient pas encore été initiées. Charon est un précoce. En 1974, il
n’a que 23 ans mais est déjà fou de politique. Il préside alors, avec Michel Vauzelle-un frère qui codirigea la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981 et est aujourd’hui président de la région Paca-, le comité de soutien des jeunes à Jacques Chaban-Delmas, en compagnie d’un autre franc-maçon de choc qui fera parler de lui dans les pages « faits divers » au début des années 80 : Didier Schuller, l’ancien directeur de l’office HLM des Hauts-de-Seine.
Une bataille perdue, mais le jeune Charon reste un fidèle de Chaban. En
1978, il se rend pour la première fois à l’Elysée. Il a rendez-vous
avec le préfet Riolacci, conseiller de VGE, pour lui demander que le
parti du président ne présente pas le candidat contre son mentor pour la
présidence de l’Assemblée nationale. Chaban bat Edgar Faure de quelques
voix et tient le « perchoir » de l’Assemblée nationale de 1978 à 1988. A
l’hôtel de Lassay, Pierre Charon fait partie du cabinet.
C’est
à cette époque qu’il fonde sa fraternelle à lui, qui, assure-t-il, n’a
rien de maçonnique. Le Club de la cravate, puisque tel est son nom,
compte dix-sept membres fondateurs dont de nombreux policiers de haut
rang, tels Ange Mancini, aujourd’hui préfet de la Martinique, Jacques Poinas, inspecteur général et ancien patron de l’Uclat, ou encore Claude Cancès, lui aussi inspecteur général et ancien patron de la police judiciaire, quelques hommes de médias comme Pierre Lescure, ainsi que des profils plus improbables comme le pilote automobile Hubert Auriol.
On compte quelques frères dans la bande ? Charon répète que ce n’est
pas l’objet, qu’il s’agit juste d’une bande de bons copains qui
s’entraident et se reçoivent. Pourquoi le Club de la cravate ? Parce que
Pierre Charon, président à vie, a fait fabriquer dix-sept cravates club
identiques, à bandes verticales, rouges et jaunes avec des points
noirs.
Aujourd’hui,
les anciens copains ne se réunissent plus comme avant, même si l’on a
vu certains d’entre eux dans un restaurant de Clichy, à l’automne 2008.
Le conseiller du président, lui, occupe un bureau avec vue sur cour à
l’Elysée. Il est le coach, le confident, le « conseiller de Carla » et
se charge de déminer toutes les sales histoires pour « Nicolas ». Un
poste stratégique qu’il trouve manifestement bien plus exaltant que la
fréquentation des loge. "
Un grand maître à l’Elysée
Avant
même de devenir président et de pratiquer l’ouverture politique,
Nicolas Sarkozy s’est rapproché d’un franc-maçon venu de la gauche. Elu
grand maître du Grand Orient à 38 ans, en 2000, Alain Bauer cumule plusieurs vies, qu’il se plaît parfois à enjoliver. S’il assure avoir appartenu au cabinet de Michel Rocard à Matignon entre 1988 et 1991, les conseillers qui y travaillaient quotidiennement, eux, ne gardent pas ce souvenir. « Depuis
longtemps gravitaient dans l’orbite de Rocard trois jeunes gens très
intelligents et très carriéristes, se souvient un collaborateur de
toujours de l’ancien Premier ministre. Alain Bauer, Manuel Valls,
aujourd’hui député maire d’Evry, et Stéphane Fouks, le seul des trois à
n’être pas franc-maçon. Ils s’étaient partagé le marché. Au premier
l’influence, au deuxième la politique, au troisième le monde des
affaires. [...] »
(...)
" Mais
l’ancien grand maître du Grand Orient n’est pas seulement devenu
l’inspirateur du ministre de l’Intérieur. Il a fait aussi fonction, à
l’occasion, de tour operator. Entre le discours de Marseille et celui de
Périgueux, le futur président s’envole pour les Etats-Unis. Une visite
très symbolique. Depuis le discours de Dominique de Villepin à l’Onu, en
mars 2003, pour s’opposer à la guerre en Irak, la cote de la France est
au plus bas. Il s’agit de la faire remonter, de se montrer gracieux
avec toutes les incarnations de l’Amérique éternelle. La date du voyage n’a pas été choisie par hasard : Nicolas Sarkozy sera sur place le 11 septembre, tout un symbole.
Qui peut mettre du liant entre le ministre de l’Intérieur et l’administration de George Bush ? L’ambassadeur à Washington Jean-David Levitte, bien entendu. Surnommé « diplomator »
, on le dit capable de réconcilier les pires ennemis. Mais un autre
gentil organisateur se mêle de recoller les morceaux après la grande
fâcherie de 2003. Alain Bauer a vécu aux Etats-Unis, où
il a travaillé pour une entreprise de sécurité. Ses détracteurs
assurent même qu’il s’agissait d’une couverture de la CIA ou, plus
piquant encore, de la NSA, la très secrète National Security Agency. Le
principal intéressé balaie ces allégations avec un amusement théâtral.
Dans
le cadre de ses activités de consultant spécialisé dans la sécurité, il
a en revanche un contrat avec la police de New York, le célèbre NYPD.
Il planifie donc une rencontre avec remise de médaille à Raymond Kelly,
patron de la police new-yorkaise, le samedi 9 septembre, tandis que le
10, veille de la date anniversaire, une visite est prévue à la caserne
des pompiers. Il laisse aussi entendre que ses contacts à la
Maison-Blanche n’ont pas été inutiles.
(...)
Présidentielle : jamais sans mes frères
«
C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que les deux
principaux candidats ont autant de francs-maçons dans leur entourage le
plus proche », se réjouit Pierre Mollier, directeur de la
bibliothèque et du musée de la Franc-Maçonnerie au Grand Orient de
France, pendant la campagne présidentielle. [...] Mais s’il se montre si
satisfait, c’est que même dans l’entourage de Nicolas Sarkozy on trouve des frères du GO, traditionnellement ancrés plutôt à gauche. [...] Côté Ségolène, l’un de ses soutiens de la première heure a été le sénateur maire de Lyon Gérard Collomb [...] Le codirecteur de campagne François Rebsamen [...] a conservé un réseau très vivace au sein des loges ; tout comme le Marseillais Patrick Mennucci [...] Sans ce maillage, le ralliement de Jack Lang à la présidente de Poitou-Charentes n’aurait pas été aussi rapide. [...] la politique, même au plus haut niveau, est parfois simple comme une tenue en loge ! "
« Un Etat dans l’Etat », de Sophie Coignard (Albin Michel, 336 pages, 20 E)
Yves
Herbo : Bien sûr, il est certain que la grande majorité des loges de
bases consistent en réseaux d'entraides, parfois même familiaux et au
minimum d'amis auxquels ont ne peut rien reprocher, à part
éventuellement une certaine volonté de non-partage envers l'ensemble de
la collectivité, mais seulement envers une fraternité de proches ou
d'élites (les secrets sur l'architecture et techniques par exemple pour
les anciens franc-maçons et compagnons), mais qui participent tout aussi
naturellement au fonctionnement des groupes d'influences et lobbying
faisant fonctionner un système olligarchique : après le tri des
intelligences qui ont réussi à s'adapter le mieux à la façon de
penser/fonctionner du système économique via l'éducation, le tri continu
avec le choix et recrutement de futurs adeptes et participants actifs,
dirigeants ou exécutifs importants du même système. On peut également
dire que les partis politiques et syndicats, en grande majorité,
fournissent des frères à différentes loges, tout comme ces différentes
loges fournissent également de nouvelles recrues politiques aux
"couleurs" et "étiquettes" adéquates des époques concernées... mais le
but est bien sûr avant tout d'entretenir une illusion de démocratie
cachant une véritable olligarchie antique... et bureaucratique... ce
rappel de 2009 m'a paru nécessaire à la vue de certains écrits de
certains qui semblent avoir perdu la mémoire... ah, et suivant toutes
les prévisions, non seulement la "crise économique" (surtout celle du
sytème) n'est pas finie, mais le plus gros est toujours à l'évidence
devant nous...
Yves Herbo-SFH-07-2013