Climat : de nouveaux rapports
Les glaciers de l’Himalaya résisteraient bien au changement climatique
D'après une nouvelle étude publiée le 8 février 2012 dernier dans la revue Nature, qui a provoqué la stupéfaction de la communauté scientifique, les pics les plus enneigés du monde, qui courent de l'Himalaya aux monts Tian, à la frontière entre la Chine et le Kirghizistan, n'ont pas perdu de glace au cours de la dernière décennie. Cette affirmation pour le moins surprenante, va à l'encontre de tous les derniers rapports sur les effets du réchauffement climatique.
Selon le rapport, dirigé par John Wahr, professeur à l'université du Colorado aux Etats-Unis, la fonte des glaciers de l'Himalaya et d'autres régions montagneuses d'Asie, soit 30 % des glaciers du monde, aurait été limitée à 4 milliards de tonnes par an entre 2003 et 2010, soit bien moins que les précédentes estimations qui tablaient sur 50 milliards de tonnes annuelles. Ainsi, les sommets asiatiques auraient bel et bien fondu mais la perte de glace aurait été largement compensée par de nouvelles chutes de neige, ensuite transformée en glace.
Comment expliquer une telle différence de prévisions ? Contrairement aux autres études, qui se basaient essentiellement sur des mesures au sol sur quelques centaines de glaciers censés représenter l'ensemble des 200 000 pics du monde, l'équipe de chercheurs du Colorado s'est servie des mesures effectuées par les deux satellites Grace (Gravity recovery and climate experiment), qui orbitent depuis 2002 à près de 500 kilomètres d'altitude pour détecter d'infimes variations de la masse et de la gravité terrestre. Grâce à ces données, ils ont été les premiers à étudier les changements sur l'ensemble des glaciers et calottes glacières du monde. Auparavant, dans l'Himalaya notamment, les glaciers de basse altitude, beaucoup plus accessibles pour les scientifiques, ont été plus fréquemment inclus dans les mesures alors qu'ils étaient ceux qui fondaient le plus vite.
Un biais confirmé par un récent rapport du Centre international de mise en valeur intégrée des montagnes, cité par le Guardian : "Parmi les 54 000 glaciers de la région de l'Himalaya, seulement dix ont été étudiés suffisamment régulièrement pour déterminer la perte ou le gain de glace et neige au fil des années. Cette poignée d'études montre une perte de masse, dont le taux a doublé entre 1980 et 2000, ainsi que entre 1996 et 2005."
La fonte des glaciers de l'Himalaya avait déjà suscité une controverse, relançant les climatosceptiques de tous bords, quand le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) avait déclaré à tort, officiellement en raison d'une faute de frappe, qu'ils disparaîtraient très probablement à l'horizon 2035, au lieu de 2350.
Si la question de la vitesse du recul des glaciers de l'Himalaya reste incertaine, la fonte des autres calottes glaciaires à travers le monde demeure une grave préoccupation, souligne John Wahr. "Nos résultats, et ceux de toutes les autres études, montrent que nous perdons une quantité énorme de glace dans les océans chaque année, assure le professeur de l'université du Colorado. Les préoccupations en ce qui concerne le changement climatique ne sont pas exagérées."
Au total, les glaces terrestres auraient vu leur masse diminuer de 536 milliards de tonnes entre 2003 et 2010, en particulier en raison de la fonte du Groenland et de l'Antarctique, qui s'accélère.
Conséquence : ce sont chaque année entre 443 et 629 milliards de tonnes d'eau de fonte qui se sont ajoutées aux océans de la planète, entraînant une élévation du niveau des mers d'environ 1,5 millimètre par an, soit de 12 millimètres en huit ans. Les projections de l'élévation du niveau des mers d'ici 2100 ne changeront pas de beaucoup avec nos nouvelles données qui limitent la fonte des glaciers d'Asie. Elles pourraient être inférieures de 5 cm, soit une modification très faible. Les prévisions actuelles tablent sur une hausse du niveau des océans allant de 30 cm à un 1 mètre d'ici la fin du siècle. Source : Nature
Une masse d'eau douce arctique pourrait conduire à un ralentissement du Gulf Stream
circulation thermohaline mondiale connue
Une étude britannique récemment publiée dans la revue scientifique Nature Geoscience montre que grâce aux données accumulées par deux satellites européens, Envisat et ERS-2, des chercheurs de l'University College de Londres et du Centre national d'océanographie de Southampton ont débusqué, sous la banquise, dans l'ouest de l'océan Arctique, une gigantesque et grandissante masse d'eau douce. Une sorte de piscine qui serait principalement alimentée par les cours d'eau, mais aussi par la fonte des glaces résultant du réchauffement climatique.Celle-ci aurait gagné, en une petite quinzaine d'années, 15 centimètres et pas moins de 8 000 kilomètres cubes, soit environ 10 % de l'eau douce totale contenue dans l'océan Arctique.
D'après l'équipe de chercheurs dirigée par Katharine Giles, cette étendue d'eau douce serait stockée là, sous forme de dôme, par l'action conjuguée des vents et des courants marins. Les puissants vents arctiques accéléreraient le gyre de Beaufort, un vaste système de courants océaniques qui tourbillonne dans le sens des aiguilles d'une montre, mais demeure, à ce jour, assez mal connu. Le risque est qu'un changement du régime des vents puisse à terme affecter ce processus d'accumulation de l'eau. Schématiquement, le sens actuel du tourbillon aboutit à concentrer l'eau en son centre. Mais, s'il s'inversait, (ce qui s'est produit au milieu des années 1980 et 1990) il la repousserait... de sorte que l'immense masse d'eau se répandrait jusque dans l'Atlantique nord.
La conséquence serait alors un notable ralentissement du Gulf Stream. Ce courant chaud qui offre à l'Europe, à latitudes égales, un climat bien plus doux que dans d'autres régions du monde.En outre, les scientifiques redoutent que la fonte de la banquise n'aboutisse à amplifier l'influence des vents dominants sur le gyre océanique. Dans cette hypothèse, la glace aurait jusqu'ici joué un rôle d'écran entre l'air et l'eau. Une piste à laquelle l'équipe de Katharine Giles entend désormais se consacrer. Source : Nature Geoscience
Modification de l'écoulement d'eau douce dans l'océan Arctique et dans l'Atlantique nord
Remarque : Les triangles rouges indiquent une diminution du débit d’un cours d’eau. Les triangles verts indiquent une augmentation du débit. La dimension du triangle indique l’importance du changement.
Source: Adapté de Déry et Wood, 2005
La carte accompagnant le diagramme montre les cinq bassins hydrographiques se déversant dans ces zones océaniques nordiques ainsi que la position de l’embouchure des principaux cours d’eau se jetant dans ces zones, avec un symbole indiquant si le débit a diminué ou augmenté au cours de la période étudiée. Le pourcentage de changement survenu dans l’écoulement d’eau douce est indiqué pour chaque bassin :
1) l’écoulement vers la mer du Labrador a diminué de 10,6 %; 2) l’écoulement vers l’est de la baie d’Hudson a diminué de 11 %; 3) l’écoulement vers l’ouest de la baie d’Hudson a diminué de 13 %; 4) l’écoulement vers l’océan Arctique a augmenté de 2 %; 5) l’écoulement vers le détroit de Bering a diminué de 4,8 %. De 1964 à 2003, la diminution globale de l’écoulement d’eau douce a été de 10 %.
L’écoulement dans l’océan Arctique et dans l’Atlantique nord d’eau douce provenant des cours d’eau canadiens a diminué de 10 % au cours des 40 dernières années, ce qui a été attribué à une diminution des précipitations durant cette même période. Malgré cela, il en ressort une augmentation de 5,3 % du débit fluvial vers l’océan Arctique. Cette hausse nette est attribuable à l’augmentation marquée du débit annuel des six premiers fleuves eurasiens en importance. L’écoulement d’eau douce dans les mers du Nord peut influer sur les processus océaniques, qui à leur tour influencent la dynamique des espèces marines.
Ce diagramme à barres montre le pourcentage de changement survenu de 1964 à 2003 dans l’écoulement d’eau douce vers les océans Arctique et Atlantique Nord.
Yves Herbo 02-2012
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