Le changement climatique a déjà provoqué une accélération des épisodes violents ?
Dans un article de la revue Nature Climate Change, Dim Coumou et Stefan Ramstorf, du Potsdam Institute for Climate Impact Research, affirment que changement climatique a déjà provoqué une accélération des épisodes violents.
La question de ces événements violents - néfastes pour l’homme, la production agricole et l’environnement - dans un climat transformé par l’intensification de l’effet de serre (plus de 30 milliards de tonnes de CO2 émises par le seul secteur de l’énergie chaque année) est posée depuis plus de vingt ans. Quand Jim Hansen, le climatologue du Goddard Institute for Space Studies, a déclaré en 1988 : «Le changement climatique est déjà là.» Depuis, les scientifiques ont tenté de prévoir l’évolution, suggérée par la physique, de ces extrêmes climatiques. Un climat plus chaud se traduit nécessairement par des vagues de chaleur plus intenses et nombreuses, mais dans quelles proportions ? Une atmosphère basse plus chaude intensifie l’évaporation, favorisant d’importantes sécheresses sur la partie des continents où l’air est sec. A l’inverse, une plus grande quantité de vapeur d’eau sera disponible dans l’atmosphère du fait de l’évaporation de l’eau de mer. La fréquence des épisodes de fortes pluies pourrait donc se multiplier, là où la circulation atmosphérique pousse des masses d’air humides. Enfin, des océans tropicaux plus chauds favoriseront la formation de cyclones.
Ces considérations, cependant, ne suffisent pas à faire des prévisions fiables. Les simulations du climat ne sont pas assez détaillées pour anticiper les cyclones. Et, à cette échelle, les précipitations sont moins prévisibles que les températures. Du coup, les scientifiques se tournent vers la période récente pour tenter de discerner un début d’évolution, perceptible au-delà des variations naturelles et interannuelles. Une observation qui ne se réduit pas à compter les étés chauds et les cyclones : Il faut étudier des statistiques de longue durée et modéliser avec précision le fonctionnement du climat pour vérifier que les événements observés sont liés à son évolution. Ce qui n’a rien de trivial. Plus un événement est extrême, plus il est rare… Et moins les statistiques sont fiables. Ainsi, il ne faut pas attribuer un épisode lié à une oscillation climatique, comme El Niño et La Niña dans le Pacifique, uniquement au changement général en cours.
Ces précautions prises, les deux scientifiques ont étudié les événements des dix dernières années qui dépassent les records précédents à l’aide de 86 articles scientifiques. On y trouve les canicules, sans précédent depuis 500 ans, en Europe de l’Ouest (2003) et en Russie (les grands incendies et la chute de la production de blé en 2010), les inondations dramatiques au Pakistan (20 millions de personnes affectées et au moins 3 000 morts en 2010), les pluies les plus intenses jamais enregistrées dans l’est de l’Australie (1,8 milliard d’euros de dégâts en 2010). Et les précipitations qui se sont abattues sur la Grande-Bretagne au printemps 2007, les plus importantes depuis 1766.
Pour les deux chercheurs, la fréquence et l’intensité des canicules des dix dernières années sont liées au changement climatique. Les épisodes de pluies et les inondations catastrophiques également. Une relation qui ne peut être démontrée que là où des observations météorologiques denses et fiables existent sur une longue durée (Etats-Unis, Europe et Australie).
Pour les cyclones, l’exercice est plus délicat. Année record, 2004 a vu le doublement des ouragans les plus violents (2 à 4) et un cyclone a été observé pour la première fois dans l’Atlantique Sud. En 2007, le plus puissant jamais recensé s’est déchaîné en mer d’Arabie. Autant d’épisodes amènent les scientifiques à noter que l’augmentation de ces phénomènes entre 1980 et 2005 pourrait être due au refroidissement de la stratosphère - conséquence de l’intensification de l’effet de serre. Mais ils estiment qu’il n’y a pas encore suffisamment de preuves d’un effet du changement climatique sur leur nombre et leur intensité.
Un début. C’est le futur qui est inquiétant. Car nous ne sommes qu’au début du bouleversement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, vers 2070, l’été caniculaire de 2003 en Europe de l’Ouest sera devenu un été moyen. Enfin, les deux scientifiques relèvent une mauvaise compréhension de la réponse favorite des climatologues - «Je ne sais pas» - à la question : «Tel événement est-il lié au changement climatique?» Cette réponse est souvent comprise comme un non. Alors qu’elle signifie simplement que les scientifiques «ne peuvent pas l’affirmer de manière rigoureuse». Et les deux chercheurs de conclure que les pluies et les chaleurs extrêmes, dues à notre action sur le climat, sont déjà là.
04-2012
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