Les généticiens sortent l'ADN de la poubelle
Comme quoi les découvertes s'enchaînent et semblent de plus en plus confirmer certaines choses sur notre propre ADN : c'est un vrai programme informatique sophistiqué qui enregistre même les problème de stress sur plusieurs générations... on disait encore récemment que 80% de l'ADN humain ne "faisait" rien, n'étaient que des débris... tout faux car il s'agit au contraire des contrôleurs de ce programme incroyable qui se loge dans les 20 autres pourcents. Une découverte qui confirme celle-ci et certaines théories... : http://www.sciences-fictions-histoires.com/blog/sciences/l-adn-sera-t-il-le-support-de-stockage-ultime-de-l-humanite.html
En réalisant une encyclopédie du génome humain, une équipe internationale de chercheurs met en évidence que l’ADN non-codant, dit « poubelle » et qui constitue 80% du matériel génétique, joue un rôle fondamental dans l’expression des gènes.
Le linguiste a le nez fourré dans son dictionnaire, le chimiste ne se sépare jamais de son handbook, le juriste est toujours prêt à dégainer son Code civil. Le généticien, lui aussi, vient d’acquérir sa « bible » grâce au travail d’une équipe internationale de 442 chercheurs. Ces derniers viennent de réaliser la première version d'une encyclopédie du génome qui permet de préciser les fonctions biologiques des trois milliards de paires de bases qui composent l’ADN humain. Une trentaine de publications, parues le 5 septembre dans Nature, Science et d’autres revues, font la synthèse de ces données accessibles sur les sites Nature ENCODE Explorer et Encodeproject.org.
« ADN-poubelle », un concept à la corbeille
Le séquençage complet du génome humain, réalisé en 2003 dans le cadre du Human Genome Project, avait laissé aux scientifiques pléthore de données brutes à traiter et à interpréter. Sur les milliards de bases de l’ADN, moins de 2% sont utilisées pour la production des protéines. Cette faible portion du génome, appelée « ADN codant », s’organise en 21 000 gènes. À chaque gène correspond une protéine qui remplit des fonctions bien spécifiques : le gène de la dopamine, par exemple, code pour la protéine du même nom.
Quid du génome restant ? « En examinant les séquences de l’ADN, on s’est aperçu que 80% du génome est constitué de régions très conservées, avec les mêmes enchaînements de bases d’un individu à l’autre. On se doutait que ces séquences jouaient un rôle de régulation des gènes, mais pas plus », explique Jean-François Prudhomme, chercheur au génopole d’Evry. Encombrés par tant de matériel génétique sans fonction apparente, les chercheurs avaient laissé de côté cette portion du génome non-codant et l’avaient surnommée « ADN poubelle ».
Or, les données du projet Encode, issues de quelque 1 640 génomes extraits de 147 tissus cellulaires distincts, montrent que ces séquences sont bien plus utiles qu’elles n’y paraissent. Mieux : elles interviennent chacune dans au moins un processus biochimique. Plus précisément, l’ADN poubelle est traduit en micro-ARN et autres objets biologiques qui agissent comme des régulateurs de l’expression des gènes et donc contrôlent la production des protéines.
Pascal Soularue, chercheur en génomique sur le site d’Evry, compare le mode de fonctionnement de ces régulateurs à celui d’une lampe halogène : « On peut non seulement mettre l’interrupteur sur On et Off, mais aussi réguler la luminosité de la lampe. Avec l’ADN non-codant, c’est la même chose. Il produit des régulateurs biologiques capables de faire varier l’expression d’un gène ».
Pas un dépotoir mais un chantier immense
Ce nouveau rôle attribué à l’ADN-poubelle offre une vision à la fois plus complexe mais aussi plus fine du génome, « qui restitue la logique et l’architecture des réseaux de transcription de l’ADN », explique Wendy A. Bickmore dans la revue Nature. « Etablir comment les régulateurs agissent sur les gènes ouvre des pistes pour mettre en place de nouvelles thérapies», ajoute Pascal Soularue. Plutôt que d’agir sur le gène lui-même comme en rêvait les pionniers de la thérapie génique, on agirait plutôt sur ces « interrupteurs biologiques » pour contrôler la production de protéines intervenant dans certaines maladies génétiques.
L’ « encyclopédie » fournie par les généticiens est vouée à devenir une gigantesque plateforme publique où les laboratoires échangeront leurs informations. Le chantier est immense. « À nous de comprendre maintenant comment les régulateurs agissent sur les gènes, estime Pascal Soularue. Ce n’est que le début de l’aventure ! »
SFH 09-2012
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