mardi 6 novembre 2012

Néanderthal savait faire de très belles parures

Néanderthal savait faire de très belles parures

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Un enfant néandertalien, une des superbes « reconstructions » réalisées par Élisabeth Daynès, qui travaille avec des paléontologues. L'Homme de Néandertal est une espèce humaine qui a vécu 300.000 ans, en Europe, en Asie et en Afrique. Son nom vient de l'endroit où le premier squelette a été découvert en 1856 : la vallée de Neander, en Allemagne. Vallée se disant thal en vieil allemand, le h est conservé dans le nom latin Homo neanderthalensis et, par certains, dans le nom francisé. © Ph. Plailly/Eurelios

Qui a façonné les superbes parures et les outils finement taillés de la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure, caractéristique de la culture dite châtelperronienne ? Néandertal, comme semblent le montrer les dents associées ? Nos ancêtres, comme pousse à le croire la sophistication de ces créations ? Deux études ont tranché : c’est Néandertal. L’une est toute fraîche et basée sur des datations. L’autre a 1 an et s’appuie sur une analyse statistique. Mais les conclusions diffèrent…

Oui, c’est l’Homme de Néandertal qui a fabriqué les parures et les outils de la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure dans l’Yonne, France. C’est bien à Homo neanderthalensis que l’on doit cet art dit châtelperronien, une culture au sens que lui donnent les paléontologues, c’est-à-dire un ensemble de techniques et de styles pour fabriquer des outils, des parures, des pigments ou des peintures pariétales. C’est le résultat de datations effectuées sur 31 objets de cette grotte (dents humaines et outils en os) et sur un fragment de tibia trouvé à Saint-Cézaire (Charente-Maritime). L’équipe internationale réunie autour de Jean-Jacques Hublin, de l’institut Max Planck (Allemagne), où figurent des chercheurs du CNRS et de l’Inrap, a réalisé une filtration poussée du collagène puis une datation au carbone 14 effectuée à Mannheim, par spectrométrie de masse par accélérateur (SMA).

Restes humains et objets façonnés à la façon châtelperronienne datent tous de -35.380 à -40.970 ans : Néandertal était bien l’artisan habile qui a créé ces jolis objets, détaille la publication dans les Pnas. En 2011, une autre équipe, formée par François Caron, Francesco d'Errico, Pierre Del Moral, Frédéric Santos et João Zilhão, travaillant sur cette même grotte, parvenait à la même conclusion grâce à une étude statistique de la répartition de tous ces restes dans les couches de terrain. La messe est dite.

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Des objets découverts dans les couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne). 1-11 : objets de parure ; 12-16 : pigments rouges et noirs avec traces d’abrasion ; 17-23 : outils en os. Image extraite de la publication parue le 29 juin 2011 dans la revue Plos One. © 1-11 Vanhaeren, 12-16 Salomon, 17-23 d’Errico/Vanhaeren

Mais cela n’empêche les paléontologues de se questionner sur les mystérieux rapports qu’entretenaient les deux Homo de l’époque, sapiens et neanderthalensis, qui ont longuement cohabité en Europe jusqu’à la disparition du second, vers -28.000 ans. Aujourd’hui, le résumé de l’article cosigné par Jean-Jacques Hublin parle d’imitation : Néandertal, fasciné par Homo sapiens, fraîchement débarqué en Europe, aurait fait comme lui.

L’explication ne convainc pas du tout Francesco d'Errico, de l'université de Bordeaux-1. Pour lui, comme il l’explique à Futura-Sciences, ces nouvelles datations confirment que Néandertal est bien l’auteur de ces techniques châtelperroniennes mais pas qu’il s’agit d’imitations car cette culture apparaît bien trop tôt. Il n'est pas facile en effet de démêler l'écheveau de la grotte du Renne...

De Néandertal à Cro-Magnon : une stratigraphie difficile à déchiffrer

L’énigme dure depuis que le paléontologue André Leroi-Gourhan a exploré cette grotte, au milieu d’un site riche, dont les falaises calcaires ont été visitées en plusieurs endroits par d’innombrables générations. Entre 1949 et 1963, l’équipe de Leroi-Gourhan a mis en évidence une succession d’occupations entre -45.000 et -28.000 ans. Dents humaines, ossements d’animaux, outils en pierre et en os, parures et peintures pariétales : on trouve une longue série de témoignages de multiples époques.

Les niveaux les plus anciens témoignent du Moustérien, une culture attribuée sans controverse à l’Homme de Néandertal. Les couches les moins anciennes, du temps de l’Aurignacien et du Magdalénien, sont, sans équivoque, celles d’Homo sapiens, c’est-à-dire l’Homme moderne.

Entre les deux, la couche de la controverse : le Châtelperronien. Intermédiaire entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur, la culture châtelperronienne a été décrite pour la première fois par l’abbé Breuil après des fouilles près du village de Châtelperron (Allier).

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La stratigraphie de la grotte du Renne, où se superposent des époques successives, témoins des activités humaines du Paléolithique : le Moustérien, le Châtelperronien, le Châtelperronien tardif (later) et le Protoaurignacien. Avec les mouvements de terrain et de matériaux qui ont eu lieu, verticalement et horizontalement, cette archive est aujourd'hui d'une lecture délicate. © J. J. Hublin et al./Pnas

Néandertal : imitateur ou créateur ?

Dans la grotte du Renne, les parures et les outils finement taillés appartiennent à cette culture mais les dents humaines, elles, sont néandertaliennes. Conclusion des uns : l’Homme de Néandertal a fabriqué ces délicats objets. Conclusion des autres : impossible : durant tout le Moustérien, ces Néandertaliens n’ont pas fait évoluer leurs techniques, restées frustres et n’ont donc pas pu améliorer brutalement son art. Si des dents se trouvent au même niveau, c’est parce que le hasard des mouvements verticaux à l’intérieur du sol a déplacé ces objets jusqu’à les rendre voisins. La réponse réside donc dans les datations précises de tous ces objets. De nombreuses fouilles ont été effectuées depuis une quinzaine d’années mais sans permettre de conclusions définitives car il reste peu de choses.

Les interprétations ont largement divergé. Jean-Jacques Hublin, par exemple, estimait déjà, en 1997, que les objets châtelperroniens découverts avec des restes de Néandertaliens pouvaient avoir été fabriqués par Homo sapiens mais échangés lors de rencontres amicales. Pour Francesco d’Errico, tout cela ne colle pas. « Les dates du début du Protoaurignacien sont trop récentes par rapport au début du Châtelperronien » nous explique-t-il. Autrement dit : Néandertal fabriquait déjà des objets sophistiqués avant d’avoir pu admirer l’art aurignacien de l’Homme moderne. Pour lui, on fait dire à des datations ce qu’elles ne peuvent pas dire. La méthode au carbone 14 n’est pas utilisable avec les outils en pierre et les restes organiques sont bien trop fragiles. « Il suffit d’un peu de matériel contaminant pour vieillir ou rajeunir une pièce de quelques milliers d’années… »

C’est pourquoi l’étude publiée en 2011 et à laquelle il a participé portait sur la répartition de tous les éléments au sein des couches stratigraphiques et analysait les probabilités pour retrouver les associations (outils, ossements, restes d’activités…) constatées sur le terrain. Le résultat étant qu'il est fort peu probable que le hasard ait réuni ces restes de la manière dont on les a trouvés.
Quoi qu'il en soit, les deux méthodes convergent : Néandertal ne s’est pas limité aux frustres silex taillés qu’on lui attribue depuis longtemps. Notre défunt cousin, dont il a longtemps été dit qu’il ne pouvait même pas parler, reste encore mal connu…


SFH 11-2012

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