dimanche 18 novembre 2012

Une exoplanète errante repérée à 100 années-lumière de la Terre

Une exoplanète errante repérée à 100 années-lumière de la Terre

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Credit: L. Calçada, P. Delorme, Nick Risinger, R. Saito, European Southern Observatory/VVV Consortium

En observant avec le VLT et le CFHT, des astronomes ont identifié un corps, très probablement une planète sans étoile, errant dans l’espace. Il s’agit du cas le plus intéressant de planète errante et de l’objet de ce type le plus proche du Système solaire (détecté pour l'instant). Sa proximité relative et l’absence d’étoile brillante dans ses environs ont permis à l’équipe d’étudier son atmosphère de manière très détaillée. Cet objet a également offert aux astronomes un premier regard sur les exoplanètes qu’il sera un jour possible de photographier autour de leurs étoiles.

Les planètes errantes sont des objets de masse planétaire vagabondant dans l'espace sans aucun lien avec une étoile. Des exemples possibles d'objets de ce type ont été découverts précédemment [note 1, en bas d'article], mais sans pouvoir connaître leur âge, il n'était pas possible de savoir s'il s'agissait de planètes ou de naines brunes – des étoiles ratées qui n'ont pas assez de masse pour déclencher les réactions qui font briller les étoiles.

Mais les astronomes viennent de découvrir un objet nommé CFBDSIR2149, qui semble faire partie d'un courant de jeunes étoiles proches connu sous le nom de groupe stellaire en mouvement AB Doradus. Les chercheurs ont trouvé cet objet en observant avec le Télescope Canada France Hawaï (CFHT) et ont eu recours à la puissance du VLT de l'ESO pour étudier ses propriétés.

Le groupe stellaire en mouvement AB Doradus est le groupe de ce type le plus proche du Système solaire. Ses étoiles se déplacent en même temps dans l'espace et on suppose qu'elles se sont formées à la même période. Si l'objet est associé à ce groupe en mouvement – et par conséquent il s'agit d'un petit objet – il est possible de déduire bien plus d'informations sur lui, dont sa température, sa masse ainsi que la composition de son atmosphère [2]. Il subsiste toutefois une petite probabilité pour que cette association avec ce groupe en mouvement soit due au hasard.

Vidéo de la planète errante CFBDSIR J214947.2-040308.9. Dans la première partie de la séquence, la planète apparaît en lumière visible comme un disque sombre se profilant sur les nuages d’étoiles de la Voie lactée. Il s’agit de l’objet de ce type le plus proche du Système solaire et c’est également la plus intéressante des planètes errantes potentielles détectées jusqu’à présent. Il ne doit pas être en orbite autour d’une étoile et de ce fait ne peut pas briller par la lumière réfléchie ; la faible lueur qu’il émet ne peut être détectée que dans l’infrarouge. Dans la séquence finale, nous voyons une vue infrarouge de l’objet avec, en arrière-plan, les parties centrales de la Voie lactée vues par le télescope dédié aux grands sondages dans l’infrarouge, Vista. Dans le proche infrarouge, l’objet apparaît bleuâtre car une grande partie de la lumière dans les plus grandes longueurs d’onde infrarouge est absorbée par le méthane et d’autres molécules qui se trouvent dans l’atmosphère de la planète. En lumière visible, cet objet est si froid qu’il ne devrait briller que très faiblement d’une couleur rouge sombre quand on le regarde en gros plan. © ESO/P. Delorme/Nick Risinger/R. Saito/VVV Consortium/YouTube

Une exoplanète ou la plus petite naine brune connue ?

Le lien entre ce nouvel objet et le groupe en mouvement est l'élément clé qui permet aux astronomes de trouver l'âge de cet objet [3]. Il s'agit du premier objet de masse planétaire isolé jamais identifié au sein d'un groupe stellaire en mouvement et son association avec ce groupe en fait la planète errante potentielle la plus intéressante identifiée jusqu'à présent.

« Chercher à voir des planètes autour de leur étoile, c'est comme vouloir étudier une luciole située à un centimètre d'un puissant phare de voiture relativement éloigné » explique Philippe Delorme (Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble, CNRS/université Joseph Fourier, France), premier auteur de cette nouvelle étude.

« Cet objet errant se trouvant à une relative proximité de la Terre nous offre l'opportunité d'étudier "la luciole" de manière détaillée, affranchi de la lumière aveuglante de la voiture. » Les objets errant librement comme CFBDSIR2149 sont supposés se former soit comme une planète normale qui aurait ensuite été éjectée de son système, soit comme des objets isolés tels que les plus petites étoiles ou les naines brunes. Dans les deux cas, ces objets attisent la curiosité, en tant que planète sans étoile ou en tant qu'objets les plus minuscules possible dans une gamme allant des étoiles les plus massives aux plus petites naines brunes.

« Ces objets sont importants car ils peuvent nous aider à mieux comprendre comment des planètes peuvent être éjectées de leur système planétaire, ou comment des objets très légers peuvent résulter du processus de formation stellaire, précise Philippe DelormeSi ce petit objet est une planète qui a été éjectée de son système natif, il évoque de manière évidente l'image de ces mondes orphelins, dérivant dans le vide intersidéral. » Ces mondes pourraient être courants – peut-être aussi nombreux que les étoiles normales [4]. Si CFBSIR2149 n'est pas associé au groupe en mouvement AB Doradus, il est plus difficile d'être sûr de sa nature et de ses propriétés et il pourrait plutôt être caractérisé en tant que petite naine brune. Les deux scénarios représentent d'importantes questions sur la manière de se former et d'évoluer des planètes et des étoiles.

« Des travaux futurs pourraient confirmer que CFBSIR2149 est une planète errante, conclut Philippe DelormeCet objet pourrait être utilisé comme point de référence pour comprendre la physique de toutes les exoplanètes similaires qui seront découvertes par les futurs systèmes spéciaux d'imagerie à haut contraste tel que l'instrument Sphere qui sera installé sur le VLT. »

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Cette image, réalisée par l'instrument Sofi sur le télescope NTT de l'ESO à l'Observatoire de La Silla, montre la planète errante CFBDSIR J214947.2-040308.9 dans l'infrarouge. Cet objet, qui apparaît comme un faible point bleu au centre de l'image et qui est marqué par une croix, est l'objet de ce type le plus proche du Système solaire (à priori). © ESO/P. Delorme

Plus d'informations
Cette recherche est présentée dans un article publié sur arxiv.
Notes :
  • [1] De nombreux objets pouvant potentiellement être des planètes de ce type ont été découverts auparavant. Ces objets ont commencé à être connus dans les années 1990, quand les astronomes ont découvert que la limite à laquelle une naine brune entre dans la gamme des objets de masse planétaire est difficile à déterminer. Des études plus récentes ont suggéré qu'il devait y avoir une quantité énorme de ces petits corps dans notre galaxie, une population comptant pratiquement deux fois plus d'objets que les étoiles de la séquence principale.
  • [2] L'association avec le groupe en mouvement AB Doradus permettrait d'estimer la masse de la planète à approximativement 4 à 7 fois la masse de Jupiter, avec une température effective d'environ 430 °C. L'âge de la planète serait le même que celui du groupe en mouvement, soit 50 à 120 millions d'années.
  • [3] L'analyse statistique du mouvement propre de l'étoile, réalisée par l'équipe – ses changements angulaires de position dans le ciel chaque année – montre que la probabilité que cet objet soit associé au groupe en mouvement AB Doradus est de 87 % et que la probabilité qu'il soit suffisamment jeune pour avoir une masse planétaire est de plus de 95 %, ce qui en fait bien plus probablement une planète solitaire qu'une petite étoile ratée. Des planètes errantes potentielles plus distantes ont été trouvées auparavant dans de très jeunes amas d'étoiles, mais n'ont pas pu être étudiées en détail.
  • [4] La présence de ces objets errants peut également être révélée lorsqu'ils passent devant une étoile. La lumière de l'étoile d'arrière-plan voyageant dans notre direction est tordue et déformée par la gravité de l'objet, rendant l'étoile soudainement et brièvement plus brillante – un processus connu sous le nom de microlentille gravitationnelle. Les programmes d'observation de microlentille dans la Voie lactée, tel que Ogle, pourraient avoir détecté des planètes errantes de cette manière (par exemple voir l'article publié dans Nature en 2011).
Yves Herbo : cet assez gros objet de 4 à 7 fois la taille de Jupiter, la plus grosse planète de notre système solaire, est tout de même assez loin d'après les calculs : 100 années lumières, ce qui ne peut pas être considéré comme la banlieue de la Terre, comme il est dit en titre d'un blog scientifique ci-dessous... 


SFH 11-2012

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