Une dent humaine de 2 millions d'années à l'ouest du Rift africain annule des théories
© Isabelle Crevecoeur / IRSNB
En
examinant la centaine de fossiles d'Homo Sapiens trouvés à Ishango, en
République démocratique du Congo, Les archéologues ont fait une
découverte très inattendue : une molaire identifiée parmi tous ces
fossiles appartient en réalité à un humain archaïque ayant vécu entre
2.5 et 2 millions d'années avant maintenant. C'est la première fois que
la preuve de l'existence d'un hominidé aussi ancien a été trouvée en
Afrique Centrale.
Les analyses par imagerie (en bas) le confirment :
la molaire de la collection d'Ishango présente les caractéristiques morphométriques
d'une dent appartenant à un Homininé de la période de transition Plio-Pléistocène
(entre 2,5 millions et 2 millions d'années). © Isabelle Crevecoeur / IRSNB
la molaire de la collection d'Ishango présente les caractéristiques morphométriques
d'une dent appartenant à un Homininé de la période de transition Plio-Pléistocène
(entre 2,5 millions et 2 millions d'années). © Isabelle Crevecoeur / IRSNB
Jusqu'à
présent, les spécialistes favorisaient la théorie selon laquelle les
premiers hommes se seraient mis en position debout dans la savane, à
l'est du rift africain. Mais cette molaire invalide en grande partie
cette théorie dans la mesure où cet hominidé ancien vivait bien en
Afrique centrale, sur le bord ouest du rift et en lisière de la jungle.
La découverte bouleverse un peu la communauté scientifique, surtout
quand l'on sait que ce site a été exploré dès les années 1950 et encore
dans les années 1980, en République démocratique du Congo donc, a
précisé Isabelle Crèvecoeur, paléo-anthropoloque du CNRS, qui est à
l'origine de la découverte publiée dans PLOS ONE.
Cette
découverte a donc été faite en Belgique, à l'Institut royal des
sciences naturelles de Belgique, où la chercheuse s'était attelée à
établir un rapport détaillé sur la collection de fossiles des Homo
Sapiens trouvés à Ishango et datés de entre -25.000 à - 20.000 ans avant
maintenant. Cette unique molaire ne correspondait à aucune dent d'Homo
Sapiens, mais plutôt éventuellement à un Australopithèque. " La
conformation des dents est un marqueur génétique fort dans la lignée
humaine ", explique Isabelle Crèvecoeur, qui décide alors de mener avec
les meilleurs spécialistes une étude de morphométrie géométrique de la
molaire.
Aucun
doute sur les résultats d'analyses, l'imagerie de la jonction
émail-dentine (la zone de contact entre l'émail qui recouvre la dent et
les tissus internes) et sa comparaison avec 68 dents d'hominidés, des
plus anciens à l'homme moderne, confirment que cette molaire a appartenu à un hominidé de type inconnu ayant vécu il y a entre 2.5 et 2 millions d'années.
"
La présence du fossile dans la couche de 25 000 ans serait liée au
remaniement géologique d'une couche plus ancienne sous-jacente ", pense
la chercheuse. Impossible, en revanche, d'attribuer la dent plus
précisément : " ni vraiment Australopithèque, ni Paranthrope (un
Homininé ayant vécu en Afrique entre 2,7 millions et 1 million
d'années), ni clairement attribuable aux premiers représentants du genre
Homo, ce fossile suggère que la diversité des premiers représentants de
la lignée humaine était probablement plus complexe que celle imaginée
jusqu'à présent ", conclut Isabelle Crevecoeur.
First early hominin from Central Africa (Ishango, Democratic Republic of Congo), publié dans PLOS ONE
le 10 janvier 2014 par I. Crevecoeur, M. M. Skinner, S. E. Bailey, P.
Gunz, S. Bortoluzzi, A. S. Brooks, C. Burlet, E. Cornelissen, N. De
Clerck, B. Maureille, P. Semal, Y. Vanbrabant et B. Wood
Yves Herbo-Sciences-FHistoires, 01-2014
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