Egypte : les Mystères des débuts
Nous revenons sur les origines de l'ancienne civilisation d'Egypte dont nous avons déjà parlé dans ces articles :
http://www.sciences-fictions-histoires.com/blog/archeologie/l-egypte-prehistorique-devoilee-petit-a-petit.html
http://www.sciences-fictions-histoires.com/blog/archeologie/egyptologie-une-momification-pre-dynastique.html
Autant certains égyptologues étaient persuadés que le peuplement de l'Egypte s'était produit via la Nubie et l'Afrique des sources du Nil, autant d'autres avaient déjà pressentis, très tôt, que si ce peuplement ne s'était pas fait via le Tchad et son grand lac, la Lybie, et le Sahara anciennement fertile, donc par l'ouest de l'Egypte, il s'était bien fait par l'est, via la péninsule arabique et même plus probablement encore, la Mésopotamie... la recherche moderne a longtemps hésité, à la fois devant les découvertes somptueuses en Nubie (dont une grande partie ont été englouties dans les années 1970 par la construction du célèbre barrage), les traces sans équivoques très ancienne du désert du Sahara et les anciennes nécropoles du nord-est du Nil. Il semble bien de nos jours que c'est ce dernier endroit qui remporte la palme des plus anciennes occupations sédentaires en Egypte, et donc des réels débuts de la civilisation des dynasties pharaoniques. Mais rappelons une partie de ces précédents textes ici pour pouvoir mieux continuer :
Des cultures dans toute l’Égypte
Une date remarquable
En 2008, une équipe dirigée par le Dr Dirk Huyge des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles (Belgique), a découvert plusieurs parois de roche d'art rupestre sur l'un des sites de Qurta. Les dépôts couvrant l'art rupestre, en partie composés de sédiments éoliens, ont été datés au laboratoire de minéralogie et de pétrologie (Luminescence Research Group) de l'Université de Gand (Belgique) en utilisant une datation à la luminescence stimulée optiquement (OSL). La datation OSL peut déterminer le temps qui s'est écoulé depuis que les grains de sédiments ont enfoui les gravures et donc quand ces dernières ont été exposées à la lumière du soleil la dernière fois.
L'art rupestre de Qurta est donc plus ou moins contemporain de l'art européen de la dernière période glaciaire, comme il est vu dans ces sites mondialement connus comme les grottes de Lascaux et d'Altamira.
En utilisant les grains de minéraux constitutifs du sédiment lui-même, cela offre un moyen direct pour établir le temps de dépôt des sédiments et de leur accumulation. Il en est résulté un âge minimum d'environ 15 000 années, fournissant la première preuve solide pour de l'art rupestre à Qurta du Pléistocène et apporte l'activité graphique la plus ancienne jamais enregistrée en Egypte et l'ensemble de l'Afrique du Nord.
Si aujourd’hui, El-Hosh et Qurta apparaissent comme des « sites vedettes », il existe de nombreux sites d’art rupestre dans les déserts de l’Est, de l’Ouest et aux bords de la vallée du Nil. La grotte de Djara est une des plus connues. Située entre Assiout et l’oasis de Farafra, elle possède de nombreuses représentations d’autruches, d’antilopes, et diverses autres espèces. Si les objets découverts dans l’environnement de la grotte remontent vers 6000-8000 av J.-C., aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur l’art de Djara.
L’autre site important se nomme Wadi el-Obeiyid, situé au nord-ouest de Farafra. Cette grotte se répartit en trois salles. Son art se compose de gravures et de peintures. On y trouve notamment plusieurs mains peintes, en plus de représentations d’animaux. Elle remonterait à 6000-5000 av. J.-C. Elle appartient à ce que les spécialistes appellent « sociétés proto-agricoles ». Ces mains sont peu communes dans l’art préhistorique nord-africain. L’autre exemple connu est le site libyen de Wadi Athal Shelter. Faut-il y voir un lien possible entre les deux sites malgré les 2000 km les séparant ? D’autre part, pour le moment, nous ne connaissons rien d’une connexion entre cette culture et les populations de l’art rupestre de la vallée du Nil.
Deux autres lieux recèlent des trésors préhistoriques : le Gilf Kebir et le Gebel Uweinat, aux frontières égypto-soudano-libyennes. Ces vastes ensembles pictographiques possèdent un style plus proche de l’art saharien (dans le style et l’iconographie) que celui de l’Égypte de cette période.
Mais la région thébaine (région autour de Louxor) recèle aussi son art rupestre. Appelée le désert thébain, située à l’ouest de Louxor, la région est ratissée depuis plus de 15 ans par les Darnell avec le projet « Theban Desert Road Survey ». Parmi les nombreux sites référencés, le plus connu est le Gebel Tjauti, découvert en 1995, avec un grand graffiti d’un combat militaire remontant, peut-être, au règne du roi Scorpion (dynastie 0, vers 3250-3300 av. J.-C.).
Interprétation et compréhension de l’art rupestre
Comment comprendre l’art rupestre égyptien ? Actuellement, il n’existe aucune réponse. En 2002, Dirk Huyge, dans son article « Cosmologie, idéologie et pratiques religieuses individuelles dans l’art rupestre de l’Égypte ancienne », émet plusieurs hypothèses :
- une symbolique magique, en particulier pour les représentations animales. Cette hypothèse est cependant aujourd’hui abandonnée ;
- une interprétation totémique : difficilement tenable à cause de la diversité de l’iconographie animale et surtout, l’iconographie de ces époques montre des espèces dont, à l’époque prédynastique, il n’y a pas de statues divines ;
- une représentation religieuse : possible mais souvent combattu. Les traces religieuses à ces hautes époques sont ténues, voire inconnues ;
- la naissance de l’idéologie : si elle se discerne aux époques prédynastiques, pour la préhistoire comme à Qurta ou El-hosh, cela est discutable.
Tout cela montre l’extrême difficulté de comprendre les motivations profondes de ce peuple que l’on ne peut qualifier d’égyptien. Il faudrait peut-être utiliser un terme plus neutre : peuple(s) nilotique(s). Les informations lacunaires, voire inexistantes, sur ces populations préhistoriques nous privent de nombreuses données sociales et historiques.
Vers l’Égypte prédynastique
Nous savons aujourd’hui que le désert de l’Ouest connaissait une période humide jusqu’à 6000-5000 av. J.-C. Un changement climatique (sécheresse) s’opéra alors poussant sans doute une partie de la population à migrer vers les bords du Nil. Il se pourrait qu’elle maîtrisa l’agriculture et l’irrigation (ou elle la connaissait déjà mais les champs cultivés sont devenus des déserts !). Coïncidence ou non, c’est à la cette même période que l’on retrouve, au bord du Nil, les premières traces agricoles, principalement dans le Fayoum (dit Fayoum A) puis dans le reste de l’Égypte. Peu après, c’est l’élevage (la domestication animale) qui va avoir lieu. Cependant, comme le note justement Béatrix Midant-Reynes, nous ne savons si cette domestication est d’origine égyptienne ou étrangère ; la même interrogation existe pour la culture céréalière. "
(...)... D'après les estimations actuelles, c'est vers 4200 avant JC que tout est déjà en place pour pouvoir produire ce qui deviendra l'une des premières et principales civilisations du monde, moins de mille ans plus tard...
Et ce n'est probablement pas pour rien que la toute première culture, civilisation organisée et populations sociales se trouvent dans ces régions du nord égyptien et sur la rive orientale du Nil. A l'Est donc, d'où sont probablement venus les apports et connaissances de Mésopotamie, via l'isthme de Suez et les côtes syro-palestiniennes... C'est là que la civilisation des Badari s'implante, entre les villes modernes d'Assiout et de Tahta sur une trentaine de kilomètres. On y a découvert des nécropoles dans le massif calcaire. Les morts sont enterrés sur le côté, en position « fœtale », la tête généralement orientée au sud. Les individus reposent dans de simples fosses, souvent enveloppés de nattes. Les objets qui les accompagnent révèlent à priori une société complexe et inégalitaire, capable de produire des biens de luxe. À côté de belles poteries rouges à bord noir et à la surface ondulée, on note des objets en ivoire de très grande précision : des figurines généralement féminines, des cuillers, peignes, épingles à cheveux. Des palettes à fard, réalisées dans une belle pierre vert-noir appelée « grauwacke », et dont les gisements se trouvent dans le wadi Hammamat, font leur apparition sous des formes simples de losanges plus ou moins allongés, prouvant le soin apporté au maquillage. Le peu qu'on connaisse des habitats (rien n'a subsisté quasiment) atteste un mode de subsistance mixte, où, à côté des espèces domestiques d'élevage et d'agriculture, l'économie de ponction – chasse, pêche, cueillette – joue encore un rôle important. Les relations avec leurs voisins de Basse-Égypte sont attestées à travers certains groupes d'outillage lithique – les pointes de flèches à base concave – et peut-être dans la technique particulière de polir les poteries. Ces populations connaissaient bien les déserts et particulièrement le désert oriental, entre Nil et mer Rouge, qu'elles traversaient en quête de coquillages marins et dont elles surent très vite exploiter les richesses pétrographiques – grauwacke, stéatite, malachite. On peut également noter ici la coïncidence - si c'en est une, de leur apparition sur les rives du Nil vers -4000 avant JC donc, au même moment où se serait produit une catastrophe au niveau de la Mer Rouge selon certains auteurs, une rupture de barrage naturel entraînant une immense inondation/tsunami ("déluge" selon certains) et engloutissement de régions entières autour de la Mer Rouge...
Nagada 1 - les premiers hommes barbus
400 ans plus tard, cette culture "orientale" s'étend plus au sud et, vers -3800 avant JC, on découvre (avec l'archéologue Petrie donc) la première civilisation de Nagada, vers Louxor (décomposée en 3 parties d'après ses datations). Les chasseurs-cueilleurs-agriculteurs sont devenus aussi des guerriers. Cela se voit dans les encore rares dessins et représentations humaines : comme des indiens des amériques, les seuls personnages dessinés sont manifestement des guerriers vainqueurs : des personnages à la tête parée de plumes, les bras levés en signe de victoire, dominent des sujets plus petits, enchaînés et aux bras entravés (vase de Bruxelles et d'Abydos). C'est considéré comme une image "exagérée" du guerrier victorieux, mais certains archéologues montrent aussi des squelettes et des tombes d'hommes de haute stature, pas des géants, mais ce qui les feraient considérer comme tels, même de nos jours, par une population méditerranéenne !... A ce titre, il est difficile de trancher aussi facilement sur une simple représentation artistique et une possible réalité ethnique : l'apport de populations de guerriers venus d'ailleurs, du nord ou de l'est plus profond...
Nagada 2 - une magnifique palette de maquillage
Nagada 2 - Vase avec dessins de bateaux
Et c'est là que la civilisation de Nagada, avec ses guerriers (de grandes statures ou non !), va faire la différence localement d'avec toutes les autres : les cultures de Basse-Egypte ont continué pendant un certain temps leur rôle de pasteurs-agriculteurs "classiques", sans trop accorder d'importances aux rites et cultes des morts par exemple - pas d'offrandes ou d'objets dans les tombes. Par contre, ils développent leurs techniques grâce aux apports et leurs relations avec le Proche-Orient voisin et sont les premiers à bénéficier du cuivre par exemple. Mais les princes nagadiens se trouvent à présent trop à l'étroit dans les cinq cents kilomètres de vallée du Nil qui séparent Assiout d'Éléphantine, aussi, les communautés agro-pastorales de Basse-Égypte vont disparaître, absorbées plus ou moins radicalement par le groupe dominant...
Nagada 3 - le magnifique poignard de Djebel el Arak
Nagada 3 - poignard de Djebel el Arak - détail de la poignée
Nagada 3 - poignard de Djebel el Arak - poignée
Et c'est ici que les mystères des premières dynasties des pharaons égyptiens apparaissent, avec notamment la représentation systématique d'un grand personnage barbu et souvent couronné, dès 4500 à 3500 Avant JC 5 (nagada 1)...
Homme barbu civilisation de Nagada I (Amratien), Ve-IVe millénaire avant J.-C., Gebelein (Haute Égypte), hauteur: 50 cm.
photo © Patrick Ageneau
photo © Patrick Ageneau
C'est en 1909 que Louis Lortet, directeur du Muséum de Lyon, déterre dans les ruines d'une nécropole de Gebelein (Haute-Égypte) deux statuettes d'hommes barbus de pierre. Ces deux statuettes sortent de l'ordinaire car elles ont une hauteur de 50 centimètres, c'est-à-dire trois fois la hauteur des statuettes d'ivoire ou de pierre jamais trouvées jusqu'alors en égypte. Ces deux figurines "géantes" par rapport à la norme sont attribuées à l'époque prédynastique de Nagada 1 de part leur art très stylisé dans l'abstrait apparenté à la civilisation amratienne. La silhouette est très schématisée et anguleuse alors que seule la tête, comportant une barbe nettement caractérisée, se révèle expressive avec son regard aujourd'hui vide, mais à l'origine peut-être animé par des incrustations de pierre précieuse ou métal. Retrouvées donc dans cette nécropole et des tombes privées, ces statuettes avaient donc à priori un rôle funéraire, sans qu'on sache le définir : il pourrait tout aussi bien s'agir d'une représentation personnelle, d'un individu que d'une divinité... Pour Louis Lortet, elle " ressemble absolument à un membre de l’Association des Pénitents " qui se couvre entièrement d’un mantelet et d’une cagoule. Désignée par lui comme représentant un prêtre ou une divinité, cette statuette conserve tout son mystère mais pourrait bien être l'une des premières représentations d'un pharaon ou d'un Prince Nagada. Un visage en losange, percé en son centre de deux trous qui forment les yeux, est souligné à sa base par deux traits marquant la barbe, la bouche ou le menton. Il est surmonté d’un bulbe évoquant pour certains égyptologues " le prototype de la couronne blanche qui devait devenir l’attribut emblématique du roi de Haute Égypte. ". Trois éléments de la statue peuvent nous faire penser au pharaon : la tête est coiffée d'une couronne qui pourrait être celle de Haute-Egypte, la barbe pointue ressemble à la barbe postiche des pharaons, le manteau, en forme de cape, pourrait être le manteau royal revêtu par le pharaon lors de la fête Sed.
(Sources Muséum de Lyon)
(Sources Muséum de Lyon)
Le 'MacGregor Man', célèbre pièce unique datée de 3500 avant JC
Cette figurine en basalte noir poli d'un homme barbu portant une capuche et arborant un pénis était autrefois dans la collection du révérend William MacGregor, et on dit qu'elle a été trouvée dans la région de Nagada. L'authenticité de cette sculpture unique a été remise en question, mais plusieurs aspects de sa robe et de sa posture trouvent des parallèles dans l'art figuratif du début, comme les ivoires d'Hiérakonpolis et les colosses Min de Coptos. Il est possible que les figurines de pierre et d'ivoire de défenses d'éléphants décorées de têtes barbues soient des précurseurs du 'MacGregor Man'. Bien que le "MacGregor Man" peut-être venu d'une sépulture prédynastique tardive, il est peut-être plus probable que, comme les ivoires Hiérakonpolis, il ait été mis en place dans un temple, ou peut-être à Nagada Hierakonpolis.
C'est l'archéologue britannique Pétrie qui découvrit les trois colosses de Min en 1894, dans le Temple de Coptos, au nord de Luxor. Elles constituent toujours depuis cette date une énigme pour les égyptologues. En fait, se sont des débris et des parties de ces statues qui ont été retrouvées. On estime que la plus grande devait faire 4 mètres de hauteur. La logique veut qu'elles datent d'avant la fin de la première dynastie égyptienne, puisque le nom de Horus Narmer (connu aussi sous le nom grec de Ménès), dernier souverain de la dynastie 0, premier roi de la 1re dynastie, est gravé sur l'un des colosses. A l'époque, on ne sait pas s'il s'agit d'une idole d'un roi ou d'un Dieu. Mais on sait que, par la suite, les anciens égyptiens en font probablement le Dieu fertiliseur Min, et ces idoles ont déjà la position et les attributs ithyphalliques, c’est-à-dire avec un sexe en érection. Mais faut-il assimiler les colosses de Coptos aux fameux "Hommes Barbus" de Nagada ?
Deux des colosses de Min, visibles au Ashmolean Museum d'Oxford, UK, où sont réunies beaucoup de pièces issues des fouilles de Pétrie
On devine certains textes et symboles sur les statues (datations -3500 à - 3150 Av. JC)
La hauteur des fragments varie de 1,55 à 1,77 mètre. Il faut imaginer des colosses de plus de 4 mètres. Deux s’admirent aujourd’hui au Ashmolean Museum d’Oxford (près de Londres) et un au musée égyptien du Caire. Deux questions se posent : la datation de ces sculptures et la forme particulière des statues.
Une reconstitution de l'un des trois colosses de Coptos
En fait, les coquillages et animaux gravés sur ces colosses les rattachent chronologiquement à la période prédynastique, la dynastie 0, voire encore plus ancien, mais probablement pas au règne de Narmer-Ménès. Les chercheurs parlent plutôt des périodes Nagada II et Nagada III (environ 3600-3150 av. J.-C.) en ce qui les concerne et même, récemment, Lucas Baqué-Manzano évoque une chronologie entre 3500-3150 av. J.-C. pour les trois statues, qui n’auraient pas été réalisées en même temps pour lui. David Wengrow pense à une chronologie aux alentours de 3300 av. J.-C., soit au début de la dynastie 0, alors que d’autres évoquent des dates au-delà de 3600 av. J.-C. Cependant, il est très difficile de donner une chronologie très précise, la pierre ne se datant pas en l'absence d'incrustations organiques.
Il s'agit donc des plus anciennes statues colossales jamais retrouvées en Égypte, cette œuvre prenant la forme d’un homme (barbu) avec un sexe en érection interroge évidemment sur sa signification et représentation. Aucune réponse claire n'a pu encore être donnée à cette question. Avant la création des dieux, qui possèdent une mythologie, une conception intellectuelle derrière le nom et son apparence, les populations vénéraient ou priaient des idoles diverses et variées, sans que l'on ait pu évidemment, en l'absence de textes et témoignages, leur rattacher une légende, une histoire et un concept (les idoles préhistoriques de "Vénus" ou "Mères" de la fertilité peuvent avoir un concept déduit de l'apparence mais les animalières ou "jumeaux" de Malte par exemples sont plus difficiles à appréhender). Les colosses de Coptos sont-ils des idoles, des dieux (ou un dieu) ou ce que l’on pourrait appeler un proto-dieu, c’est-à-dire une entité qui n’est plus une idole mais qui n’est pas encore un dieu complet ? On ne peut tout de même s'empêcher de penser à une sorte de transmission entre la "déesse" de la fertilité préhistorique et un "dieu" de la fertilité dynastique : un changement dans les dogmes et mentalités et les puissances en jeu vers cette époque...
Nous sommes en présence d’une représentation physique de la fertilité comme le sera bel et bien le dieu Min dès la fin de la dynastie 0 et au début de la 1re dynastie, et pour toute l'histoire de la civilisation ancienne égyptienne suivante. Et sa présence à Coptos, dans l'un des temples liés à Min (Coptos est le lieu d’origine de Min) n’est pas un hasard et montre que très tôt, une entité de la fertilité qui deviendra Min existait et se trouvait dans un temple. Nous serions donc confronté à un Min archaïque sans nom ? Evidemment difficile de le savoir, mais, en tout cas, Le Dieu Min n'est pas encore là car leur sculpture est très stylisé et proche du Nagada, ils sont nus, alors que Min ne l'est jamais par la suite et il n'a aucune coiffe ou hautes plumes non plus, comme le soulignent certains spécialistes. Mais on peut les rapprocher des "Hommes Barbus" Nagadiens, plus anciens et peut-être liés aux morts ou tout au moins aux cérémonies de funérailles : ces colosses en seraient en quelque sorte leur héritage.
Statue Nagada - Musée du Louvres, Paris
Un parallèle entre ces colosses et l’énigmatique statuette d’un homme barbu surnommé l’Homme de MacGregor (MacGregor man), visible plus haut et comportant un phallus apparent est assez souvent posé, bien qu'il n'y ait jamais pu y avoir une datation de cette unique statuette, seulement une estimation de 3300-3250 av. J.-C. Des points communs mais aucune certitude.
Un autre mystère apparaît au niveau des gravures visibles sur les jambes des colosses. Pétrie, dès leur découverte, parle de ces traces sur deux des trois statues puis, lors d'une mise à jour de son rapport de fouilles en 1896, il mentionne aussi l'existence de signes gravés sur le troisième colosse. Et même s'il existe une sorte de consensus sur la majorité des gravures, plusieurs symboles opposent toujours les chercheurs, même de nos jours et ont même provoqué des polémiques dans le passé. Par exemple, sur le colosse appelé Coptos 1, il y a une tête animale et certains y voient la tête d'un Oryx, d'autres d'un bovidé et même d'une gazelle. Sur le colosse Coptos 3, situé au Musée du Caire, ce sont plusieurs signes qui sont identifiés différemment par les chercheurs, ce qui offre des publications différentes...
Les chercheurs affirment y voir des coquilles de pteroceras, un harpon, des bélemnites, des frondes (ou s’agit-il de poissons-scies selon d'autres ?), un lion, un éléphant, une autruche, un taureau. Surtout, des graphologues pensent y retrouver la trace du nom (incomplet) du roi Narmer-Ménès. Cette interprétation est vivement débattue... et reste en suspens pour beaucoup de chercheurs car il se pose une question importante : pourquoi ce nom de Roi n’est-il pas placé dans un serekh, c'est-à-dire un rectangle composé de deux parties : en haut, le nom, en bas, une façade de palais, puisque depuis la seconde moitié de la dynastie 0, le nom du Roi se place dans un serekh. Sur les colosses, il n'y a aucun serekh pour le supposé nom de Narmer ou un autre…
Pour Gunther Dreyer, qui fouille les tombes royales de la dynastie 0 et de la 1re et 2e dynasties à Abydos depuis 20 ans, il s’agirait en fait de listes royales, c’est-à-dire d’une liste des rois de la dynastie 0, des souverains régnants avant Narmer-Ménès. On aurait alors un Roi Pteroceras, un Roi Élephant, un Taureau, un Lion, etc. À cette époque, les « chefs » s’identifient par des animaux, des coquillages. Cependant, nous ne retrouvons pas d’indication d’un roi Scorpion (en l’absence de toute gravure d’un scorpion), alors que nous savons qu'il en a bien existé un !
Selon Dreyer, les colosses de Coptos pourraient être datés après le règne du roi Scorpion, mais avant celui de Narmer, soit entre 3250 et 3150 av. J.-C.… Mais on pourrait aussi les dater d’avant le règne du roi Scorpion, au-delà de 3300 av. J.-C. dans ce cas ! Malheureusement, nous ne pouvons dire si les signes gravés le furent lors de la création des colosses ou quelques décennies ou siècles après. Tout est possible bien sûr à ce niveau, on sait que des pharaons ont voulu effacer toutes traces de leurs prédécesseurs, alors que d'autres ont voulu récupérer les acquis de leurs prédécesseurs en y mettant leur nom... plusieurs couches de peintures et de dessins sont effectivement visibles dans certains temples et habitations royales...
Le Dieu Min classique : difficile tout de même de ne pas faire un rapprochement avec les colosses de Coptos...
En tout cas, question datations de l'ancienne civilisation égyptienne, il ne faut jamais oublier ce qui suit :
" La datation des règnes de l'Egypte ancienne est très délicate et reste fonction de dynasties étudiées. En effet, les Egyptiens « remettaient les compteurs » à zéro chaque fois qu'un nouveau roi montait sur le trône et rapportaient les événements de son règne en fonction de ce point de départ. La datation peut donc conduire à une approximation de plusieurs dizaines, voire centaines d'années selon les dynasties. De même, l'ordre de succession des pharaons d'une même dynastie reste sujet à erreur. Les chiffres attribués aux pharaons qui portent le même nom constituent des repères d'origine récente.
Les historiens disposent de quelques grandes sources pour reconstituer l'histoire de l'Egypte ancienne : - La « Pierre de Palerme » (Musée de Palerme), dalle en basalte noir de provenance inconnue, reprend la liste des rois de Haute et de Basse Egypte depuis la période prédynastique jusqu'à la Vè dynastie (hormis la liste des rois de la IIè dynastie, disparue). Elle évoque également certains événements marquants comme les fêtes religieuses, l'édification de temples, les expéditions militaires, la hauteur de la crue du Nil...
- Les Tables de la « Chambre des Ancêtres de Karnak » (règne de Thoutmosis III, XVIIIè dynastie) mentionnent 61 noms. (Musée du Louvre).
- Les Tables du temple funéraire de Séthi I à Abydos (XIXè dynastie) reprennent 76 noms à partir de Ménès.
- Les Tables du temple de Ramsès II à Abydos (liste fragmentaire) sont conservées au British Muséum.
- La Liste de Saqqarah provenant de la tombe du scribe Tournaï, contemporain de Ramsès II, comporte 58 noms et se trouve au Musée du Caire.
- Le Papyrus Royal de Turin daté du règne de Ramsès II, fort endommagé, a été découvert à Memphis. Il comporte le nom de 300 rois depuis le règne des dieux jusqu'aux débuts de la XVIIIè dynastie ainsi que le nombre d'années de chaque règne (Musée de Turin).
- Le travail réalisé par Manéthon, très imparfait, propose des listes de pharaons classés par ordre de succession et répartis en trente et une dynasties, avec durées de règnes et totaux des années. Ce prêtre de Sébennytos (l'actuelle Samanoud dans le Delta) avait reçu de Ptolémée II la mission de rédiger en grec une histoire de l'Egypte, de Ménès à la conquête macédonienne. Son oeuvre, « Aegyptiaca », écrite en grec en 30 volumes, est parvenue de façon très fragmentaire à travers les écrits tardifs de Flavius Josèphe, historien du Ier siècle de notre ère et des chronographes chrétiens Sextus Julius l'Africain (début du IIIè siècle) et Eusèbe (début du IVè siècle).
Ces sources sont muettes sur la durée de certains règnes et incomplètes ou discordantes pour d'autres. Enfin, l'existence de plusieurs règnes simultanés et d'interrègnes ne facilite pas la cohérence historique. Les dates retenues, parfois incohérentes entre elles, ne constituent que des approximations. "
http://alain.guilleux.free.fr/hors_egypte_oxford/oxford-ashmolean-museum.php
http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article_complet.php
Alain Anselin, « Notes pour une lecture des inscriptions des colosses de Min de Coptos », in Cahiers caribéens d’Egyptologie n°2, 2001, p. 115-136.
Lucas Baqué-Manzano, « Further arguments on the Coptos colossi », in BIFAO, 102, 2002, p. 17-61.
Collectif, « The colossi from the early shrine at Coptos in Egypt », in Cambridge Archaeology Journal, 2000, p. 211-242.
Hasards ou répétitions synchronologiques d'une réelle entité "divine" ? (certains chercheurs du paranormal ou des ufologues pourraient aussi parler de démon ou même d'extra-terrestres !), nous retrouvons exactement le même symbolisme de la fertilité dans d'autres parties du monde et à d'autres périodes temporelles (on peut aussi rapprocher ces coïncidences au monde parallèle ou à la "parallèle mystérieuse" déjà débattue ailleurs !) :
Statuette Blolo Bian - Cote d'Ivoire
En Cote d'Ivoire, Afrique, les fétiches Blolo Bian et Blolo Bla, homme de l'au-delà et femme de l'au-delà. Blolo est un univers parallèle où chacun est marié dès sa naissance. Tout le thème de la transmission et de la fertilité est consacré dans ce statuaire. Imposante statue masculine de patine brune. Ces fétiches sont des représentations d'un ancêtre ou d'un époux de l'au-delà, matérialisé par une figurine correspondant au fantasme ou au rêve de l'époux ou de l'épouse terrestre. La barbiche tressée ressemble étonnamment à celle du Dieu Min égyptien... qui était aussi représenté avec une peau noire, l'un des symboles de fertilité égyptien !
Devant le Temple de Candi Sukuh à... Java ! Il manque la tête, disparue, dommage, un homme barbu aurait été encore plus étonnant, mais c'est tout de même un gaucher...
Un autre mystère existe sur l'île indonésienne de Java : une pyramide hindoux-javannaise... semblable à une pyramide Maya. Et le seul Temple et endroit de l'île ressemblant aussi aux Temples tantriques de l'Inde dédiés à l'amour et au sexe ! Pourtant, ce temple a été daté (par erreur peut-être et juste à cause d'une seule inscription trouvée sur une des portes du temple, possiblement gravée des siècles après la construction de la zone !) au 15ème siècle après JC, de la période où les Amériques étaient (re)découvertes par Christophe Colomb...
étrange pyramide à Candi Sukuh, JAVA, Indonésie
Herbo Yves, Sciences, F, Histoires, 16-03, 23-03-2015
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