Toutes les comètes ne sont pas des boules de neige sales
Il y a encore à peine quelques jours, la grande majorité des spécialistes et astronomes assuraient d'un air entendu que toutes les comètes n'étaient que "des boules de neige sales" lancées dans l'espace depuis l'origine du système solaire... et, encore une fois, les spécialistes ont eu tord d'affirmer des choses rien qu'en faisant confiance en leurs instruments et aux seules données connues de la physique actuelle. C'est entièrement comme ceux qui affirment toujours que les distances entre les astres sont tellement énormes que l'Homme ne pourra jamais les atteindre... jusqu'à ce que notre physique et nos connaissances évolues et nous disent le contraire...
Noyau de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko ou "Tchouri". Il mesure 5 km de diamètre. © ESA
La surprise provient de la première comète sur laquelle l'Homme a réussi à poser un robot, c'est tout dire... car les données transmises par le robot de 100 kilos Philae sont sans équivoques : la comète "Tchouri" (pour 67P/Tchourioumov-Guérassimenko) est loin de n'être qu'une "boule de neige sale".
En effet, les premiers résultats issus des données recueillies par l'atterrisseur Philae, qui s'est finalement immobilisé dans un trou à sa dimension au sommet du plus petit des deux lobes du noyau de la comète, nous révèlent qu'il y existe des molécules organiques inédites pour une comète, mais aussi une structure assez variée en surface mais plutôt homogène en profondeur et des composés organiques formant des amas (des structures regroupées) et non dispersés dans la glace...
C'est déjà un grand succès, pour une fois détenu non pas par la NASA et les américains, mais bel et bien par la mission européenne Rosetta de l'ESA, avec des travaux orchestrés par des chercheurs du CNRS, d'Aix-Marseille Université, de l'Université Joseph Fourier, de l'Université Nice Sophia Antipolis, de l'UPEC, de l'UPMC, de l'Université Paris-Sud, de l'Université Toulouse III - Paul Sabatier et de l'UVSQ, avec le soutien du CNES. Ces premiers résultats ont été publiés en huit articles le 31 juillet 2015, dans la revue Science. Ces résultats issus de données prises sur place, et non pas à distance comme auparavant sont très riches en informations inédites et mettent en évidence beaucoup de différences comparées aux observations antérieures de comètes et aux modèles en vigueur actuellement...
Les dix instruments de l'atterrisseur Philae ont complété les observations effectuées par l'orbiteur Rosetta1, toujours en orbite autour du noyau de la comète, et on peut même dire que l’atterrissage très mouvementé du module Philae a été une bonne source de données supplémentaires et non prévues à l'origine : les poussières dégagées par les rebondissements du robot, et qui se sont un peu infiltrées dans les instruments de ce dernier ont pu être analysées rapidement.
Le robot Philae tel qu'il aurait du être lors de son atterrissage... mais il est actuellement couché sur le coté avec une "jambe" en l'air sur les trois... mais fonctionne bien... (ESA (c))
Ainsi, seulement 25 minutes après le contact, les labos intégrés révélaient de ces particules, que seize composés avaient pu être identifiés, répartis en six classes de molécules organiques (alcools, amides, amines, carbonyles, isocyanates et nitriles). Parmi ces composés, quatre sont détectés pour la première fois sur une comète (l'acétamide, l'acétone, l'isocyanate de méthyle et le propionaldéhyde).
Ces molécules sont toutes des précurseurs de molécules essentielles pour la vie (sucres, acides aminés, bases de l'ADN...). Mais la présence éventuelle de ces composés plus complexes n'a pas pu être identifiée sans ambiguïté dans cette première analyse, d'autres vont suivre. Par ailleurs, quasiment toutes les molécules détectées sont des précurseurs potentiels, produits, assemblages, ou sous-produits les uns des autres, ce qui donne un aperçu des processus chimiques à l'oeuvre dans un noyau cométaire et même dans le nuage protosolaire en effondrement, lors de la création du système solaire.
Ces molécules sont toutes des précurseurs de molécules essentielles pour la vie (sucres, acides aminés, bases de l'ADN...). Mais la présence éventuelle de ces composés plus complexes n'a pas pu être identifiée sans ambiguïté dans cette première analyse, d'autres vont suivre. Par ailleurs, quasiment toutes les molécules détectées sont des précurseurs potentiels, produits, assemblages, ou sous-produits les uns des autres, ce qui donne un aperçu des processus chimiques à l'oeuvre dans un noyau cométaire et même dans le nuage protosolaire en effondrement, lors de la création du système solaire.
Les caméras de l'expérience CIVA (Comet infrared and visible analyser) utilisant l'infrarouge et le visible, ont révélé que les terrains proches du site d'atterrissage final (visible sur la photo jointe) sont nombreux en agglomérats sombres, qui sont vraisemblablement de gros grains de molécules organiques. Les matériaux des comètes ayant été très peu modifiés depuis leurs origines (à priori peu de collisions avec d'autres corps pollueurs), cela signifie qu'au tout début du système solaire, les composés organiques étaient déjà agglomérés sous forme de grains, et pas uniquement sous forme de petites molécules piégées dans la glace comme on le pensait jusqu'à présent. Ce sont de tels grains chimiquement déjà complexes qui, introduits dans des océans planétaires, auraient pu y favoriser l'émergence de la vie.
Agilkia, le premier site de contact de l'atterrisseur Philae avec le sol cométaire (mais il a rebondi ailleurs ensuite). © ESA
Le laboratoire COSAC a identifié un grand nombre de composés azotés, mais aucun composé soufré là où il se trouve, contrairement à ce qu'avait observé l'instrument ROSINA, à bord de Rosetta en orbite. Cela pourrait indiquer que la composition chimique de l'astre diffère selon l'endroit échantillonné.
De plus, l'atterrisseur a d'abord touché la surface à un endroit baptisé Agilkia, et a ensuite rebondi plusieurs fois avant d'atteindre le site nommé Abydos. La trajectoire de Philae et les données enregistrées par ses instruments montrent qu'Agilkia est composé de matériaux granuleux sur une vingtaine de centimètres d'épaisseur, tandis qu'Abydos a une surface dure.
De plus, l'atterrisseur a d'abord touché la surface à un endroit baptisé Agilkia, et a ensuite rebondi plusieurs fois avant d'atteindre le site nommé Abydos. La trajectoire de Philae et les données enregistrées par ses instruments montrent qu'Agilkia est composé de matériaux granuleux sur une vingtaine de centimètres d'épaisseur, tandis qu'Abydos a une surface dure.
A l'inverse de ces différences à l'extérieur, l'intérieur de la comète parait plus homogène que prévu par les modèles. L'expérience radar CONSERT (Comet nucleus sounding experiment by radio transmission) donne, pour la première fois dans l'Histoire, accès à la structure interne d'un noyau cométaire (peut-être atypique ?). Le temps de propagation et l'amplitude des signaux ayant traversé la partie supérieure de la "tête" (surnommé ainsi car c'est le plus petit des deux lobes de Tchouri) montrent que cette portion du noyau est globalement homogène (même matière), à l'échelle de dizaines de mètres. Ces données confirment aussi que la porosité est forte (75 à 85%), et indiquent que les propriétés électriques des poussières sont analogues à celles de chondrites carbonées (astéroïdes communs).
L'expérience CIVA-P (P pour panorama), composée de sept microcaméras, a pris une image panoramique (360°) du site d'atterrissage final de Philae, et informe que les fractures déjà repérées aux grandes échelles par Rosetta, à distance et sur des mètres, se retrouvent aussi jusqu'à l'échelle millimétrique. Ces fractures sont formées par chocs thermiques, en raison des grands écarts de température que connait la comète lors de sa course autour du soleil.
D'ailleurs, la comète est de plus en plus active avec son approche du Soleil, puisque son périhélie sera dans la nuit du 12 au 13 août prochain et on espère que Philae pourra transmettre des données le plus longtemps possible, et même survivre au passage rapproché autour du Soleil (à 100 millions de km tout de même !) et continuer à transmettre jusqu'en octobre 2015... Mais que disaient les ingénieurs de l'ESA en juin 2015 ? :
" Philippe Gaudon : Ce que nous avons reçu, ce sont des données de base qui indiquent que tout se passe bien à bord, que tous les sous-systèmes qui constituent la plateforme de l’atterrisseur (c’est-à-dire Philae lui-même, NDLR) sont toujours en état. Tout ce qui est lié à l’énergie, comme ses panneaux solaires, fonctionne bien. Il reçoit, au cours de la journée, du soleil sur tous ses panneaux. Même sa batterie secondaire se recharge partiellement. Les températures à bord sont supérieures à ce que l’on attendait, avec - 35 °C dans le compartiment principal et aux alentours de 0 °C dans le compartiment de la batterie. Ses moyens de communication, ses antennes, fonctionnent aussi parfaitement. Disons que toute la base de Philae est opérationnelle. Vu la quantité d’énergie qui arrive sur lui actuellement, loin du maximum, il devrait être capable de survivre au passage au périhélie (point le plus proche du Soleil). Ainsi devrait-il, à mon avis, pouvoir continuer de travailler jusqu’en octobre prochain." (ESA/CNES).
Souhaitons donc bonne chance au robot Philae dans sa collecte d'énergie et recueil de données très intéressantes pour l'Humanité...
Sources : ESA, CNES, Science, http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=14207
Yves Herbo, Sciences, F, Histoires, 1er août 2015
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