Des cerveaux de cochons réanimés partiellement 4 heures après leur mort
Une étude publiée dans la très sérieuse revue scientifique Nature, explique comment des scientifiques ont réussi à restaurer une activité cérébrale sur des cerveaux de cochons abattus, 4 heures après leur mort. Des résultats qui remettent en question la vision scientifique sur l'extinction du cerveau et qui pourraient être utilisés pour mieux pendre charge des troubles cérébraux comme la maladie d'Alzheimer ou les AVC.
En effet, dans une étude publiée dans la revue scientifique Nature, le 17 avril 2019 des chercheurs expliquent comment ils sont parvenus à relancer partiellement les cerveaux de 32 cochons abattus, près de 4 heures après leur mort.
Pour cette expérience, les chercheurs ont collecté leurs sujets dans un abattoir et assurent avoir vérifié qu’aucun signal électrique dans le cerveau n’indiquait un état de conscience ou le moindre signe de vie. Ils ont ensuite connecté les cerveaux des porcs par transfusion à un système mis au point par l’université américaine de Yale qui reproduit le rythme de pulsations sanguines générées par le coeur. Ce mécanisme envoie du sang de synthèse transportant de l’oxygène et des médicaments conçus par les scientifiques pour réduire et inverser la mort des cellules du cerveau. Pendant 6 heures les cerveaux des cochons ont reçu ce traitement :
Une nouvelle façon de considérer la mort cérébrale
Résultat ? Le groupe d’étude explique avoir noté une restauration des vaisseaux sanguins et des connections entre certaines cellules responsables de la communication traduisant une activité cérébrale reprenant du service. En revanche, aucun signe d’une quelconque activité électrique n’a été signalé sur l’électroencéphalogramme, donc aucun signe de conscience. Techniquement, l’état de mort cérébrale était encore de mise.
Ces observations ont néanmoins permis aux scientifiques de reconsidérer la façon dont le cerveau s’éteint. Jusqu’ici il avait été établi que tout se stoppait une fois l’approvisionnement sanguin stoppé, sauf que cette étude montre clairement une extinction par étape, plus longue que prévue. Si ce procédé ne permet pas de ramener un cerveau mort complètement à la vie, il permet néanmoins d’envisager d’autres façons de pouvoir restaurer le cerveau en cas d’accidents cardiovasculaires cérébraux.
« Ce ne sont pas des cerveaux vivants mais des cerveaux dont les cellules sont actives », assure l'un des auteurs de l'étude, Nenad Sestan. Selon ce chercheur à l'université de Yale (Etats-Unis), ces travaux montrent « qu'on a sous-estimé la capacité de restauration cellulaire du cerveau ».
En outre, ces résultats laissent penser que la détérioration des neurones « après l'arrêt du flux sanguin pourrait être un processus de longue durée et non rapide », selon un communiqué de Nature. Les cerveaux des mammifères sont très sensibles à une diminution de l'oxygène qui leur est fourni par le sang. Quand l'afflux sanguin est interrompu, le cerveau cesse d'être oxygéné, ce qui l'endommage de façon irrémédiable.
Les résultats ont été frappants : diminution de la destruction des cellules cérébrales, préservation des fonctions circulatoires voire restauration d'une activité synaptique (signaux électriques ou chimiques dans la zone de contact entre les neurones).
Selon les chercheurs, cela pourrait aider à mieux comprendre le cerveau, en l'étudiant de façon post-mortem avant qu'il ne se dégrade. Cela pourrait aussi ouvrir la voie à des techniques futures permettant de le préserver après une attaque cardiaque par exemple. De façon encore plus lointaine, cela pourrait, théoriquement, ressusciter un cerveau mort, ce qui reste pour l'instant de la science fiction.
« Les défis immédiats posés par ces résultats sont avant tout éthiques », souligne un scientifique qui n'a pas participé à l'étude, le Pr. David Menon, de l'université de Cambridge (Royaume-Uni). « Cela remet en question notre conception de ce qui fait qu'un animal ou un homme est vivant », assurent d'autres scientifiques dans un commentaire publié par Nature pour accompagner l'étude.
« Cette étude a utilisé des cerveaux de porcs qui n'avaient pas reçu d'oxygène, de glucose ou d'autresnutriments pendant quatre heures. Cela ouvre donc des possibilités qu'on pensait jusqu'alors inenvisageables », ajoutent Nita Farahany, Henry Greely et Charles Giattino, respectivement professeure de philosophie et spécialistes de neurosciences.
L'étude pourrait selon eux remettre en question deux principes. « Premièrement, le fait que l'activité neuronale et la conscience subissent un coup d'arrêt définitif après quelques secondes ou quelques minutes d'interruption du flux sanguin dans le cerveau des mammifères. Deuxièmement, le fait que, à moins qu'on restaure rapidement la circulation sanguine, un processus irréversible s'enclenche, menant à la mort des cellules puis de l'organe. » Ils appellent de leurs vœux l'établissement de « directives sur les questions scientifiques et éthiques soulevées par ces travaux ».
Dans un autre commentaire publié par Nature, des spécialistes de bioéthique font valoir qu'un développement de la technique BrainEx pourrait à terme nuire aux dons d'organes. Pour une greffe, les organes sont essentiellement prélevés sur des donneurs en état de mort cérébrale. Si l'on se met à considérer que cet état peut être réversible, comment se résoudre au prélèvement d'organes ?
Le projet controversé de l'entreprise Bioquark annoncé en 2016 envisage de restaurer une activité neuronale chez des personnes en mort cérébrale. Cet essai clinique qui vise à « ressusciter les morts » utiliserait plusieurs techniques comme l'injection de cellules souches et la stimulation nerveuse. Or, des chercheurs ont démontré l'existence d'une certaine vie génétique après la mort : chez le poisson et la souris, des centaines de gènes seraient actifs après la mort, même au bout de plusieurs jours. Ces travaux montraient que la machinerie cellulaire ne s'arrête pas brutalement après le décès, voire que certains gènes sont activés.
Quand le cœur et le cerveau cessent de fonctionner, que la respiration et le système circulatoire s'arrêtent, l'individu est déclaré comme mort. Mais si le corps ne fonctionne plus, cela ne signifie pas forcément que toute vie s'est arrêtée... C'est ce que suggèrent deux articles parus récemment en ligne qui apportent les preuves d'une vie biologique après la mort.
Les chercheurs ont étudié une période de deux jours chez les rongeurs et de quatre jours chez les poissons-zèbres. Résultat : les gènes ne s'éteignaient pas tous progressivement après la mort ; à l'inverse, des centaines de gènes voyaient leur activité s'accélérer ! La plupart augmentaient leur activité dans les premières 24 heures mais certains gènes du poisson étaient toujours actifs au bout de quatre jours.
En tout, ils ont identifié plus de 1.000 gènes du poisson et de la souris qui fonctionnaient toujours des jours après le décès et qui avaient même une activité augmentée : 515 gènes de la souris fonctionnaient encore 24 heures après le décès et 548 étaient toujours en état de marche quatre jours après le décès chez le poisson-zèbre.
Des points communs génétiques entre la mort et le début de la vie
Beaucoup de ces gènes étaient bénéfiques dans l'urgence : ils stimulaient l'inflammation, le système immunitaire ou luttaient contre le stress. Mais d'autres étaient plus surprenants : certains gènes servaient à la construction de l'embryon et ne s'exprimaient plus à la naissance, pour finalement ne se réveiller qu'après la mort ! Les cellules de l'organisme, juste après la mort, seraient donc dans une situation proche de celles d'un embryon qui se développe rapidement. Ces tentatives désespérées pour réanimer un corps mort se rapprochent donc de la construction d'un nouvel organisme, même si le travail effectué par ces gènes ne pouvait pas ramener l'organisme à la vie.
Une machine qui permet d'injecter du sang et des médicaments dans le cerveau
Sources :
Restoration of brain circulation and cellular functions hours post-mortem, Nature, 17 avril 2019
Yves Herbo, Sciences-Faits-Histoires, 19-04-2019, 13-07-2019
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