samedi 18 avril 2020

Chypre : Découverte d'un impressionnant bâtiment d'environ 7000 ans

Chypre : Découverte d'un impressionnant bâtiment d'environ 7000 ans


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Photo: Département des antiquités de Chypre

Le département chypriote des antiquités du ministère des Transports, des Communications et des Travaux publics vient d'annoncer l'achèvement de la mission archéologique 2019 de l'Université Aristote de Thessalonique (AUTH) dans les montagnes du Troodos. L'équipe, sous la direction du professeur Nikos Efstratiou, était composée d'étudiants de premier cycle et de troisième cycle de la section d'archéologie du département d'histoire et d'archéologie de l'AUTH et du chercheur chypriote Demetris Kyriakou.

Cette année, le site d’Agios Ioannis / Vretsia-Upper Rhoudias, situé dans la partie supérieure de la terrasse de la rivière Xeros dans une zone de hautes terres du district de Pafos (altitude: 460 m), découvert au cours de la saison de fouilles 2018, a été fouillé. Les fouilles de 2019 ont dévoilé un impressionnant bâtiment circulaire qui appartient chronologiquement à la « phase de Choirokoitian » (environ 6400 - 5600 av. J.-C.). Le bâtiment en pierre a un diamètre d'au moins 5 mètres et est extrêmement bien construit (constitué de deux lignes de pierres). Il est conservé dans un très bon état. D'autres structures plus petites ont également été révélées en association avec le bâtiment plus grand, ainsi qu'une zone réservée aux ordures. Les découvertes de l'excavation comprennent un grand nombre d'outils en pierre concassée, des outils en pierre brute et en pierre broyée, voir ci-dessous :

La découverte, dans cette région très éloignée et isolée de Troodos, de la tradition architecturale très caractéristique de la maison ronde, remet en question la notion répandue selon laquelle l'arrière-pays montagneux chypriote était une zone culturellement marginale.


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Photo: Département des antiquités de Chypre


En outre, ce nouveau site augmente le nombre de sites de fouilles sur la « Phase Choirokoitienne », qui sont peu nombreux. Les résultats des fouilles AUTH à Agios Ioannis / Vretsia-Upper Rhoudias posent un nouveau problème de recherche sur la préhistoire chypriote tout en soulignant le rôle des zones de montagne dans l'archéologie chypriote, rôle sous-estimé jusqu'à présent.


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Photo: Département des antiquités de Chypre




Yves Herbo : Données sur le néolithique chypriote :

Dès l’époque du Miocène (de -23 à -5 millions d'années), l’île de Chypre est séparée du continent où les êtres humains feront leur apparition très tôt et où on peut observer, du Xe au IXe millénaire av. J.-C., la transition des sociétés de chasseurs-cueilleurs vers les premières cultures pastorales et agricoles. On peut aussi examiner la naissance des premiers établissements, la domestication animale, et la conquête de nouvelles connaissances techniques. La première présence humaine sur l’île de Chypre (à ce jour) remonte au Xe millénaire av. J.-C. (12000 ans avant maintenant), comme en témoignent le site archéologique d’Akrotiri-Aetokremnos ainsi que les trouvailles des fouilles menées au lieu-dit Roudia, au pied du massif montagneux de Troodos. Les fouilles effectuées récemment aux lieux-dits Agia Varvara-Asprokremnos et Agios Tichonas-Klimonas ont mis au jour des données qui confirment la présence humaine sur l’île pendant le IXe millénaire av. J.-C. Jusqu’à présent, les villages néolithiques les plus anciens de Chypre datent du 8300-8400 av. J.-C. (date calibrée, c’est-à-dire date qui prend en compte les corrections apportées par la dendrochronologie aux résultats de la datation par le carbone 14). Cette période est marquée par l’apparition de communautés florissantes de villages, dont les habitants pratiquent l’agriculture et l’élevage, et exploitent des espèces animales et végétales domestiquées malgré le fait que leurs ancêtres sauvages étaient totalement inconnus jusqu’alors à Chypre (il s'agit donc d'importation).

Cette culture est connue comme Néolithique précéramique chypriote. Précéramique, parce que les habitants de Choirokoitia ne maitrisaient pas la technique de la céramique. Cette culture est représentée par Choirokoitia et encore vingt sites dispersés sur l’île : du cap Apostolos Andreas-Kastros, au bout nord-est, jusqu’à Kholetria-Ortos, à la côté sud-ouest, et de Troulli et Petra tou Limniti, au nord, jusqu’à Kalavasos-Tenta et Parekklisia- Shillourokampos au sud, sans oublier le centre de l’île avec les sites de Dhali Agridi et Kataliontas-Kourvellos pour ne citer que les sites mis au jour par les fouilles.

En ce qui concerne l’origine du nom de Choirokoitia (Autrefois orthographié Khirokitia), la Grande Encyclopédie de Chypre explique : Selon l’opinion dominante le nom du village est composé des mots χοίρος (choiros, cochon en français) et κοίτη (koiti, lit en français), c’est-à-dire lieu d’élevage de cochons. Selon une autre version, le nom initial était Sidirokitida, c’est-à-dire le site où se trouve le fer (sidiros en grec). On dit encore que le nom provient du mot choirogetia, qui évoque la pratique de chiromancie. Selon une opinion différente, le nom Choirokoitia tient son origine du nom Ierokitida (lieu sacré). Une autre opinion pleine d’imagination soutient que le nom vient des mots γύρος (tour) et οικία (habitation) du fait que les habitations préhistoriques mises au jour sont de plan circulaire. En outre, selon la légende, le nom provient de la phrase Χαίρε Κιτία (Chere Kitia) adressée par la mystérieuse et notoire rigena (reine) de Chypre à une certaine amie de Kition...

Le site de Choirokoitia a été découvert en 1934 par l’archéologue chypriote Porfyrios Dikaios. Entre 1936 et 1946, Dikaios y mena au nom du Département des antiquités plusieurs campagnes. L’exploration du site fut reprise en 1976, par la Mission archéologique française de Choirokoitia sous l’égide du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du ministère des affaires étrangères et européennes de la France, sous la direction d’Alain Le Brun. Le site se caractérise par la forte présence de données archéologiques remontant au passé le plus lointain de l’histoire de Chypre. Datant du VIIe millénaire av. J.-C. (9000 ans avant maintenant), le village néolithique de Choirokoitia est accroché aux flancs d’une colline, dans la partie est du site. Le village pittoresque de Choirokoitia est situé dans un paysage mamelonné du district de Larnaka, à environ 33 km de la ville de Larnaka.

Choirokoitia est installé sur les versants d’une colline situé sur la rive ouest de la rivière Maroni, à 6 km de la côte méridionale de l’île. Les zones construites sont traversées du nord au sud par une structure longiligne construite en pierre, long de 185 mètres. Cette structure a été mise au jour par Poprhyrios Dikaios qui la tenait pour la rue principale de l’établissement. Pourtant plus tard, la poursuite des recherches a fait apparaître une réalité toute autre : la structure en question était le mur d'enceinte du village néolithique, qui peut être détecté au périmètre de la zone bâtie à une distance de 260 mètres. Cette construction a demandé un effort collectif, ce qui implique une structure sociale complexe. Ce mur a été utilisé jusqu’au moment où le village a débordé cette limite. L’extension de l’établissement a abouti à la construction d’un nouveau mur en pierre qui peut être reconnu sur une longueur de plus de 100 mètres, dont 60 mètres sont déjà mis au jour.

Les trouvailles scientifiques indiquent un important changement climatique en Europe et au Proche Orient vers 6200 av. J.-C. Les campagnes de fouilles et la recherche hydrogéomorphologique sur le site de Choirokoitia attestent l’existence de plusieurs épisodes de cours d’eau torrentiels qui ont entrainé une forte érosion des sols. Après cette période, les conditions climatiques semblent se stabiliser pour correspondre au climat méditerranéen tempéré.

L’habitation de Choirokoitia est une construction de plan circulaire dont le diamètre externe varie entre 2,30 et 11,00 mètres, et le diamètre interne varie entre 1,40 et 7,50 mètres. La partie inférieure des murs en pierre est conservée. Pour la partie supérieure des murs, les matériaux mis en œuvre étaient le mortier, la paille, la brique crue et la pierre. Les toits étaient plats, en terrasse, et couverts de matériaux comme le bois, les branchages, la paille et la terre. Un foyer occupait le centre de l’habitation. Les fouilles ont démontré que le village se définissait comme le regroupement de plusieurs de ces constructions circulaires autour d’un espace non-couvert où se trouvait une installation à broyer les grains. La plupart des habitations néolithiques disposaient d’une soupente utilisée comme lieu de stockage. En outre, les entrées étaient étroites et le seuil était légèrement surélevé de façon à protéger l’espace intérieur des inondations. Il semble que les murs étaient ornés de décorations murales peintes. Cependant le mauvais état des murs ne permet pas aux chercheurs de constater s’il s’agit de motifs géométriques ou figuratifs.

En ce qui concerne la couverture des habitations, la toiture en coupole était la solution la plus fréquemment retenue. Cependant les recherches effectuées par la Mission archéologique française ont démontré que le toit était plat : l’un des sols d’une construction fouillée était recouvert d’une telle couverture effondrée en un seul bloc à cause d’un incendie. L’assemblage des fragments de pisé a permis de restituer la toiture originale. L’une de deux faces des fragments portait des empreintes de branchages et de roseaux recouverts de couches de pisé et soutenus par des traverses en bois. Une autre découverte importante de la Mission française, au bout nord-ouest du site qui semble aussi représenter la limite de l’établissement, est la structure circulaire composite des murs de certaines habitations qui combine un anneau intérieur de briques crues et recouvert de mortier et un anneau extérieur entièrement en pierre. Ce nouveau type architectural, qui remonte au début du septième millénaire, évoque les premières maisons palestiniennes de la culture natoufienne datant du huitième et du neuvième millénaire, à laquelle il semble être associé de manière directe ou indirecte.

Afin de rendre le site plus compréhensible aux visiteurs, le Département des antiquités, en partenariat avec la Mission archéologique française de Choirokoitia, a entrepris la reconstitution de cinq éléments d’habitation de plan circulaire ainsi que d’un tronçon du mur d'enceinte et d’un des dispositifs d'accès au village. La reconstitution a été réalisée conformément aux pratiques de construction traditionnelles et avec l’utilisation de matériaux traditionnels provenant de l’endroit et de la rivière de Maroni qui coule à côté 7 du site archéologique. À l’intérieur des habitations sont placés des répliques d’objets néolithiques.

Les pratiques funéraires dans l’établissement de Choirokoitia révèlent de façon significative la religiosité de ses habitants qui puise dans le respect et le culte des morts. Les sépultures sont des inhumations individuelles ; le corps est le plus fréquemment couché sur le côté droit, en position contractée, dans des fosses creusées à l’intérieur même des habitations. Une fois la fosse comblée, le sol de l’habitation est remis en état.

Le corps est parfois mis en terre avec des offrandes funéraires en fonction du sexe du défunt. Dans un certain nombre de cas, on place également dans la fosse des objets d’usage quotidien comme les récipients en pierre, brisés ou intacts, les colliers de coquilles marins et de perles en pierre. De plus, dans certaines fosses, une pierre brute ou travaillée est placée sur le corps. C’est ainsi que les habitants de Choirokoitia croyaient empêcher le retour du défunt dans le monde des vivants. Un autre rituel funéraire comprend une petite tête de femme en argile, dont les traits sont représentés de manière naturaliste et les cheveux de lignes ondulées verticales en relief. Cette idole en argile est unique de son genre et l’exemple le plus ancien de l’art plastique chypriote.

Les décors muraux découverts sur le site sont très rares, et en mauvais état, ce qui les rend peu compréhensibles. Pourtant on peut voir les restes d’une composition sur l'un des plus clairs décors muraux trouvé sur le site de Kalavasos-Tenta. La décoration représente au moins deux figures humaines, les bras levés, dont la posture rappelle celle d’une figure décorant un petit bol recueilli à Choirokoitia et celle des figures du site 8 de Çatal Hüyük, en Anatolie – ce qui nous permet de conclure que la représentation de la figure humaine faisait part de la thématique de l’imagerie. (Çatal Hüyük est considérée comme l'une des premières villes de l'humanité).

La figure humaine est aussi le thème dominant des figurines trouvées, ce qui met en évidence des similarités avec les cultures du Proche-Orient. Les figurines sont toutes en pierre, à l’exception d’une tête modelée en argile trouvée sur le site de Choirokoitia et exposée actuellement au Musée de Chypre, à Lefkosia. Certaines figurines humaines sont soit de silhouettes découpées sur un petit galet par des encoches latérales parfois complétées par une encoche verticale marquant les jambes, soit des représentations plus abstraites. Pourtant il y a des pièces où le travail de mise en forme est plus poussé et où on peut voir plus de détails. De tels exemples sont exposés au Musée de Chypre (salle 1), à Lefkosia, et au Musée archéologique du district de Larnaka (salle 1, à droite). Par contre, l’absence de la figure féminine dans l’imagerie du Néolithique précéramique chypriote est particulièrement frappante, étant donné qu’au Proche-Orient déjà à partir du IXe millénaire, on voit se multiplier les représentations de la figure humaine, d’abord et par prédilection sous une forme féminine.

Sur l’ensemble du site plus de 240 sépultures sont mis au jour qui, pour la plupart, contiennent les restes d’enfants et de nourrissons, ce qui indique un taux de mortalité élevé parmi les enfants et les adolescents. Les études scientifiques des squelettes et des crânes trouvés sur le site indiquent que la durée de vie moyenne des habitants de Choirokoitia était de 35 ans pour les hommes et de 33 ans pour les femmes. Les recherches craniologiques et anthropologiques ont montré que la plupart des habitants de l’établissement avaient un crâne très court. Ce phénomène, en combinaison avec la présence de l’obsidienne, de la cornaline, de l’hématite et de plusieurs pierres précieuses parmi les mobiliers, fut l’objet de nombreuses réflexions qui ont abouti à diverses théories ayant trait à l’origine des premiers habitants de l’île et le développement du Néolithique acéramique chypriote. Des théories liées à la présence de l’obsidienne, de la cornaline et des pierres précieuses (n’existant pas dans les 9 couches géologiques de l’île et provenant de la région centrale de l’Asie MineureAnatolie sud-ouest, de la Palestine et de l’île de Délos) soutiennent que les premiers habitants de Chypre sont venus notamment de Palestine, et que quelques tribus sont probablement venus de l’Asie Mineure en apportant avec eux ces matériaux. Le musée de Chypre renferme d’outils en obsidienne, provenant sans doute de l’Asie Mineure ou de Délos.

Or ces théories sont discutées, étant donné que d’autres théories attribuent la présence de ces matériaux, parmi les trouvailles du Néolithique acéramique de Choirokoitia, aux échanges commerciaux entre l’île de Chypre et les régions avoisinantes. D’après ces théories, le Néolithique acéramique de Choirokoitia, et en général de Chypre, est le résultat d’une évolution sur place d’une culture plus ancienne. La différence entre les traits essentiels et les éléments fondamentaux des cultures des régions avoisinantes de l’Asie Mineure-Anatolie et de Palestine et celle de Chypre, au cours du VIIe millénaire, vient conforter cette idée. Les habitations de plan circulaire de Choirokoitia remontant environ au VIIe millénaire ressemblent plutôt aux habitations de plan circulaire palestiniennes du Natoufien datant des VIIIe et IXe millénaires, et n’ont aucune ressemblance avec les habitations du VIIe millénaire à Jéricho ou Mallaha (Einan), qui sont de plan rectangulaire, à sol enduit, rougeâtre poli. Au cas où les premiers habitants de Chypre seraient vénus de ces régions palestiniennes pour fonder des colonies, ils auraient au moins dû construire leurs premières habitations selon leurs principes architecturaux et non selon les principes plus anciens de la période natoufienne. Il n’est pas exclu que des fouilles futures sur les sites préhistoriques chypriotes ne révèlent une période proto-néolithique qui va s’identifier sur le plan chronologique et culturel au natoufien palestinien, et que la découverte de nouveaux éléments ne jettent une lumière nouvelle sur l’identité jusqu’ici obscure des premiers habitants de l’île.

Les habitants de Choirokoitia fabriquaient des outils en silex, en calcaire, en diabase et en os animal (souvent de métatarses de chevreuil). Les outils étaient destinés à la recherche des ressources alimentaires, à la préparation de la nourriture et à des activités de transformation d’objets. En particulier, les outils mis au jour ont été utilisés pour la moisson, la fente des roseaux, le travail du bois et le grattage de peaux fraîches. Les outils osseux abondants ont été utilisés pour la transformation d’objets, qui étaient destinés entre autres à perforer. Les outils comptent aussi des meules, des marteaux et peu de molettes.

Les habitants de l’établissement maîtrisaient le travail de la diabase, une pierre dure, pour fabriquer des vases en pierre qui sont caractéristiques de la période acéramique chypriote (7500-5200 av. J.-C.). Des matières périssables (bois, vannerie, peaux) ont très certainement été employées, mais il n’en reste rien. Les récipients en pierre, en revanche, sont nombreux, de formes variées, tirés de plaques ou de blocs de brèche ou de calcaire dur. La vaisselle fine compte des bols et des bassins façonnés à partir de fragments de calcaire tendre. Une autre roche comme la picrolite, une pierre tendre de couleur verte, a été employée pour la confection d’éléments de parure. La picrolite était dérivée de galets usés par l’eau de la rivière Kouris, à l’ouest de Lemesos. Sur le site de Choirokoitia, une cache comportant un lot d’environ vingt galets non taillés atteste, selon les archéologues, l’existence d’un réseau d’approvisionnement en picrolite qui devait couvrir l’île entière, d’autant plus que des objets en picrolite ont été trouvés aussi dans le petit village de pêche du Cap Andreas-Kastros, au bout est de Chypre. Les colliers en dentales (coquilles marins), en cornaline, en hématite, en andésite et d’autres pierres précieuses témoignent du goût raffiné des habitants de Choirokoitia, comme le font également les décors qui ornent certains des récipients en pierre.

L’élevage, la chasse, l’agriculture et la cueillette de fruits sauvages fournissent l’essentiel des ressources alimentaires. En ce qui concerne la pêche, compte tenu de la taille des poissons capturés, par exemple le mérou, la daurade et le mulet, des techniques de capture élaborées impliquant l’usage de filets de bon maillage ou de lignes armés d’hameçons robustes, devaient être utilisées. L’agriculture est basée sur la culture des céréales, et des légumineuses telles les lentilles.​ Pistachiers, figuiers, oliviers et pruniers étaient cueillis. Tenus à l’extérieur du village, les moutons, les chèvres et les porcs étaient élevés. Les chypriotes néolithiques pratiquaient aussi la chasse des daims, cependant les méthodes de chasse sont inconnues. L’absence de pointes de flèche implique l’existence d’armes « rudimentaires », par exemple des hampes en bois dont la pointe est durcie par le feu, et des pièges. La découverte par la Mission archéologique française des grains de céréales carbonisés (blé amidonnier, engrain, épeautre, orge) ainsi que des légumineuses, démontre qu’à part la carne et le pain, le régime alimentaire des habitants de Choirokoitia comprend l’haricot, le petit pois, le pois chiche et les olives, cultivés dans la vallée avoisinante. La culture néolithique acéramique de Choirokoitia est marquée par une interruption soudaine au milieu du VIe millénaire ; l’établissement est abandonné pendant une très grande période, près de mille ans. L’établissement est réoccupé au Ve millénaire av. J.- C.

En même temps que Choirokoitia, la culture néolithique acéramique chypriote est développée et poursuivie à Tenta de Kalavasos, à Troulli du district de Kyrenia, à Petra tou Limniti, et au lieu-dit Kastros de Karpas, près du Cap Andreas. Pourtant, tous les établissements précéramiques de l’île sont soudainement abandonnés. Après cette période d’abandon, le site de Choirokoitia est réoccupé au cours du Ve millénaire. Il s’agit de la culture néolithique chypriote, ladite période néolithique II ou néolithique céramique qui dure jusqu’en 3900 av. J.-C.

L’architecture des maisons évolue sensiblement au cours du Néolithique céramique, pourtant à Choirokoitia aucune trace architecturale de cette période n’est préservée. La vaisselle en pierre est remplacée par les vases rouges à décor peigné (ktenisti), mis au jour notamment sur le site de Sotira. Les vases les plus représentatifs sont les grands récipients à lait munis d’un bec verseur hémisphérique. En même temps, la fabrication de vases en andésite continue conformément à la pratique acéramique. Les rituels funéraires, l’artisanat, l’agriculture et l’élevage ne présentent pas de grands changements, tandis que le niveau général, économique et culturel des habitants de Choirokoitia est à peu près le même, par rapport à celui des habitants qui avaient abandonné l’établissement depuis 1000 ans...

Aucune trace architecturale de ce nouvel établissement n’est préservée. Les données dont disposent les archéologues ne sont pas suffisantes pour expliquer son brusque abandon. Les analyses palynologiques ne laissent pas apercevoir de changement des conditions climatiques qui aurait détruit l’équilibre écologique de l’île et entraîné une diminution dramatique des ressources alimentaires. Aucune trace de catastrophe naturelle, d’épidémie ou d’un abandon à la suite d’actions ennemies. L’incertitude qui marque le début du Néolithique précéramique chypriote en marque-telle aussi la fin. En effet, aucune trace n’annonce l’émergence soudaine d’une culture si bien structurée et si différente, sur plusieurs aspects, des autres cultures connues du continent de l’Asie Mineure. Toutefois un faisceau d’indices concourt à indiquer l’existence d’un lien entre Chypre et le continent, à suggérer que la néolithisation de Chypre peut résulter d’une colonisation qui implique la traversée d’un bras de mer. D’ailleurs on sait, que déjà depuis le Paléolithique supérieur l’homme de la Méditerranée orientale maîtrisait l’art de la navigation. Donc, tout d’abord c’est la présence sur les sites chypriotes de matières premières, par exemple la cornaline et l’obsidienne, étrangères à l’île et donc importées. Un second indice c’est la faune qui est composée des espèces nouvelles sur l’île : le daim aux bois plats, le mouton, la chèvre et le porc, mais aussi le chat, le chien et le renard qui remplacent les hippopotames et les éléphants nains qui peuplaient l’île au Pléistocène.

C’est encore l’assemblage de céréales et de légumineuses que l’on trouve sur les sites chypriotes et dont on est en droit de supposer qu'il a été introduit sur l'île ; et même si les formes sauvages de certaines d’entre ces plantes existaient auparavant à Chypre, il n'en reste pas moins que ce sont les formes domestiques qui ont été retrouvées sur les sites. C'est-à-dire que, si ce ne sont pas les plantes elles-mêmes qui ont été importées sous une forme domestique, c'est du moins la pratique des manipulations amenant à leur domestication qui l'a été. Ce sont enfin l'usage de décorations murales peintes, la connaissance de la technique du polissage de la pierre et de celle du tissage qui replacent Chypre dans un contexte culturel général.

La zone A renferme à droite les vestiges du mur d’enceinte qui grimpe jusqu’au sommet de la colline. En outre on peut voir les bases des unités d’habitations circulaires. Au centre, on distingue une grande construction (IA) dont le diamètre extérieur est plus de huit mètres. Deux piliers massifs en pierre supportaient une soupente. Il faut noter que quatre constructions semblent être construites l’une sur l’autre, ce qui indique leur occupation continue. Quelques habitations abritent un foyer encore visible au centre destiné à faire cuire les aliments. En continuant sur la colline, on avance le long de la zone B où on peut voir les vestiges de la première construction (XX) qui est pareille à l’habitation précédente : elle est très grande et renferme deux piliers en pierre. De plus on peut distinguer deux meules placées sur un fondement hémisphérique. L’habitation XXIX est munie d’une aire de battage circulaire pavée dont la présence indique les activités des habitants. Un peu plus haut on entre dans la zone C, où les premières constructions ne présentent aucune particularité. Le Département des antiquités a effectué quelques interventions afin de protéger les anneaux en brique du mur des habitations. Le mur de l’habitation ΧLV était composé de trois anneaux concentriques, tandis que les deux piliers sont disposés de façon différente. Sept sépultures d’adultes ont été retrouvées dans la même unité d’habitation. Dans l’une des sépultures, l’homme enterré tenait dix outils en os de sa main droite. L’occupation continue des habitations est aussi confirmée par la construction XLVII qui renferme huit niveaux de sols.

Après la construction XXIII commence la zone D, où on peut voir l’extension du village. Les vestiges les plus impressionnants dans cette zone sont ceux d’un des dispositifs d’accès au village. Il s’agit d’un dispositif unique de son genre tant à Chypre qu’au Proche Orient. On a déjà vu une réplique du dispositif près de l’entrée du site. Il faut aussi mentionner la construction « S » qui semble avoir été occupée pendant une longue période ; on y peut aussi distinguer les restes peu visibles des décors muraux.

Le village de Choirokoitia a connu son essor pendant l’époque médiévale. D’après la Grande Encyclopédie de Chypre, Choirokoitia fut concédée par les autorités franques à l’Ordre des Templiers et puis à l’Ordre des Hospitaliers qui considéraient la région comme un fief de grande importance administrative. Le château-fort, c’est-à-dire le bâtiment principal du fief de Choirokoitia, se trouve très près de l’emplacement de l’église de Panagia tou Kambou. Du château-fort de Choirokoitia qui fut détruit par les Mamelouks après leur victoire en 1426, et fut plus tard connu sous le nom de « Seraïn », ne restent que peu de traces.

Choirokoitia est un site exceptionnellement bien préservé qui va continuer de fournir des données scientifiques cruciales. Étant donné que seulement une partie du site a été fouillée, il constitue une réserve archéologique exceptionnelle pour des études futures.




Choirokoitia


Yves Herbo : données sur les Natoufiens :




Yves Herbo et Traductions, Sciences-Faits-Histoires, 15-06-2019, up 04-2020




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