lundi 14 juin 2021

Mélusine: affinités avec les déesses-mères de l’Asie Mineure?

Mélusine : quelles ressemblances avec les déesses-mères de l’Asie Mineure ?


Melusine lusignan vienne

Le sentier de Mélusine vous conduit sur les lieux de la rencontre entre Mélusine et Raymondin. Mélusine-Lusignan-Vienne


A la suite de sa proposition, voici un texte de l'auteure Lousiné Terteryan, qui constitue sa première contribution à une collaboration entre écrivains partageant des passions proches. Auteure du livre "La Plume magique" aux Editions Edilivre, un conte pour enfants et adultes restés jeunes dans leur tête, je partage les messages de ce conte qui sont, comme elle le dit dans son interview : " Il y a trois messages dans cette histoire : le premier, l’écologie , la Mère Nature, il faut l’aimer, la respecter et la protéger, le deuxième ne pas couper les liens entre son enfance et sa vie d’adulte, donc rester toujours un peu un enfant et enfin le troisième croire à la magie de la vie. "

https://www.edilivre.com/rencontre-avec-lousine-terteryan-auteur-de-la-plume-magique/

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Mélusine, un personnage féminin légendaire très ancien, pour les mythologues est la “mater lucina" romaine qui présidait aux naissances, ou une divinité celte, protectrice de la Font-de-Sé (fontaine de la soif). Il pourrait également s’agir de la Lyké des Grecs, de la Mélugina des Ligures ou de la Milouziena des Scythes, dont le peuple serait issu d’Héraclès et d'Echidna, elle-même a une queue de serpent et des ailes de chauve-souris. Pour les Gaulois, elle serait plutôt une sorte de Parque du nom de Mélicine (la tisseuse), d’où le thème de la destinée, très présent dans le mythe de Mélusine. (https://mythologies.blog4ever.com/melusine-ancienne-terra-mater)

Mais ce personnage semble être plus ancien car elle ressemble plutôt à celles de divinités mésopotamiennes telles qu’Ishtar (vénérée chez les Akkadiens, Babyloniens et Assyriens), Inanna (déesse sumérienne), Sémiramis (déesse assyrienne). Toutes ces déesses incarnaient la fécondité, l’amour et la beauté dans les panthéons respectifs.

Selon certains spécialistes Mélusine signifie “merveille" ou “brouillard de la mer”. Pour les Lusignan, on l’appelle “Mère Lusigne” (la mère des Lusignans), fondatrice de leur lignée. Dans le dictionnaire Littré, elle est appelée “Merlusigne”, ce qui pourrait faire penser à une connotation aquatique. (https://mythologies.blog4ever.com/melusine-ancienne-terra-mater)

Enfin, Mélusine possède des traits qui la rendent encore plus ancienne : elle possède des caractères de la déesse-mère remontant à la période du matriarcat.

Pour quelqu’un qui connais le folklore et la mythologie arménienne, Mélusine rappelle la légende de Sémiramis la fameuse reine bâtisseuse assyrienne, transmise dans “L’histoire d’Arménie” de Moïse de Khorène (historien arménien du Ve siècle).

Pour révéler les ressemblances entre Sémiramis et Mélusine, il suffit de connaître la légende d’Ara le Beau et de Sémiramis. Dans les légendes, issues de l’historiographie médiévale arménienne, Sémiramis est une reine assyrienne amoureuse d’Ara le Beau - le roi d’Arménie.


Jpg ara le beau et semiramis

couverture du livre (ARA AND SEMIRAMIS - Book 20 in the Baba Indaba Children's Stories – Anon E. Mouse)


Quelle est l’histoire de la légende d’Ara le Beau et de Sémiramis ?


Ara était un roi arménien et très beau. La rumeur de sa beauté parvint aux oreilles de la reine Sémiramis, femme de Ninos qui se met alors à le désirer en secret. Celle-ci profite de la mort de son mari pour le courtiser (selon une autre version, elle demande de son mari le règne pour une seule journée. Ce jour-là, elle ordonne qu’on exécute le roi).

Alors, Sémiramis envoie des messagers chargés de cadeaux pour faire venir Ara à Ninive auprès d'elle et en faire son époux. Mais Ara était fidèle à sa femme. Sémiramis, folle de rage qu'il repousse ses avances, déclare la guerre à Ara le Beau, tout en enjoignant à ses généraux de l'épargner.

Au cours de la bataille, Ara trouve la mort. Quand elle découvre son cadavre, elle ordonne de le mettre sur la terrasse de son palais. La reine Sémiramis avait une réputation de magicienne, elle ordonne aux dieux nommés aralez (créatures mythiques - chiens-ailés) de lécher ses blessures pour le ramener à la vie. Le cadavre commence à se putréfier, alors elle le fait enterrer en secret et monte une supercherie en déguisant un autre homme qu'elle désigne au peuple en disant : « Les dieux ont léché Ara, l'ont ramené à la vie ».

Il faut souligner que l’historien chrétien du Moyen Âge, Moïse de Khorène présente cette légende en tant qu’histoire vraie. C’est-à-dire, il rédige tout ce qui lui semble invraisemblable. La légende ne nous est pas parvenue dans sa forme initiale où Ara le Beau devrait revenir de l’au-delà, c’est-à-dire, renaître. (YH : selon d'autres mythographes, la reine assyrienne Sémiramis plaça le cadavre d'Ara le Beau sur une haute montagne afin que les Aralez viennent lécher ses blessures de guerres pour le guérir. En attendant sa résurrection, Sémiramis déguisa un homme qui lui ressemblait et l'habilla comme Ara).


Lire la suite ci-dessous :

Cette rumeur lui permet d'affirmer le pouvoir de ses dieux dans les esprits et d'asseoir son pouvoir sur l'Arménie. C'est ainsi que Sémiramis règne sur l’Arménie. Elle devient par la suite une bâtisseuse et une modernisatrice du pays arménien, en construisant villes, palais et aqueducs. Selon cette légende, c’est Sémiramis qui fonde la ville de Van (nommé Shamiramakert, c’est-à-dire : « bâtie par Sémiramis »). Le fameux canal du roi Ménoua (roi urartéen) est également prescrit à Sémiramis. (voir la photo Ara le beau et Sémiramis, Rubik Kocharyan ci-dessous:)


Jpg rubik kocharian

la photo du tableau Ara le Beau et Sémiramis par Rubik Kocharyan


Quelques lignes caractéristiques entre Mélusine et Sémiramis

Plusieurs lignes caractéristiques lient ces deux légendes. Premièrement, les deux femmes ont un rapport à la magie : Sémiramis est une magicienne renommée, Mélusine est une fée.

Dans la légende de Mélusine, l’initiative du mariage vient de Mélusine et non pas de Raymondin. Juste après avoir rassuré son futur époux sur sa foi, Mélusine lui prédit une destinée hors du commun à la condition qu’il l’épouse et s’en remette entièrement à elle. Telle que Sémiramis qui proposait tout l’empire assyrien si Ara accepte l’épouser.

La fée Pressine, mère de Mélusine, jeta un sort à ses trois filles pour avoir offensé leur père, Elinas, roi d’Albanie. Elle attribua à Mélusine la malédiction suivante : chaque samedi, ses longues jambes se revêtiront d’écailles et prendront l’aspect d’une queue de serpent. Si on la surprenait dans cet état, jamais plus elle ne reprendrait la forme humaine. Pour contrer le maléfice, l’homme qu’elle épousera ne devra point chercher à la voir ce jour-là.

Quant à la mère de Sémiramis, les légendes sur elle, nous sont parvenues par le biais de l’historien grec Ctésias (IV siècle av. notre ère) qui mentionne qu’en Assyrie il existait une ville Askalon près de laquelle se trouve un lac riche de poissons. À côté du lac, un temple dédié à la déesse Dercéto est érigé. Cette déesse possédait une queue de poisson. Selon la légende, Aphrodite étant fâchée contre Dercéto, l’inspira un amour forcé avec un des prêtres de son temple.

Après ce rapport, Dercéto devient mère d’une fille - la fameuse Sémiramis. Dercéto assassine son amoureux ayant honte de sa propre tentation. Ensuite, elle éloigne sa fille et l’enferme dans une grotte dans un désert. L’enfant survit dans la grotte grâce aux pigeons qui la nourrissent. Pourtant Dercéto souffre beaucoup d’avoir commis tant de mal et dans la souffrance se jette dans ce lac et devient poisson. Sa statue est érigée avec la forme de poisson qui se trouve dans ce fameux temple. D’ailleurs, la vénération du poisson sacré a été répandue en Arménie également. (Մ. Աբեղյան Երկեր Հայկական ՍՍՀ ԳԱ Հրատարակչություն, Երևան 1975 հ Է, էջ 163 –164/ Manouk Abeghyan, “Œuvres”, Maison de publication de l’Académie de sciences de la République socialiste d’Arménie, volume 7, p.p. 163-164, Erevan 1975)


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Dercéto - Illustration pour l'œuvre d'Athanasius Kircher Dipus Ægyptiacus


Sémiramis est connue en tant que bâtisseuse, un caractère qui rassemble ces deux personnages.

Pendant que Raymondin parcourt la Bretagne, Mélusine se fait bâtisseuse. La légende veut que Mélusine soit à l'origine de la construction de nombreux bâtiments médiévaux poitevins et lorrains. En Lorraine, elle est à l'origine du château ou palais mythique de la colline du Felsberg de Saint-Avold qu'elle confie à un prince de sa parenté pour protéger les habitants de la vallée de la Rosselle et qu'elle détruisit car il ne tenait pas ses engagements. (https://mythologies.blog4ever.com/melusine-ancienne-terra-mater)

Elle fonde les villes de Parthenay, Tiffauges, Talmont, édifie les murailles de La Rochelle, les chateaux de Châteaumur, Mervent, Vouvant et fait construire nombre d'églises (comme celles de Saint-Paul-en-Gâtine et de Clussais-la-Pommeraie) et d'abbayes. Quelques ornées de pierres et une goulée d'Ève lui étaient nécessaires à l'élévation des plus imposantes forteresses. Si quelqu'un la surprenait dans son ouvrage, qui avait généralement lieu la nuit, elle cessait immédiatement ses travaux. C'est ainsi qu'il manque une fenêtre à Ménigoute, la dernière pierre de la flèche de Niort et de l'église de Parthenay.

Comme cela avait été évoqué, Sémiramis a bâti la ville entière de Van (actuelle Turquie) et beaucoup d’autres cités.

Les protectrices des pays et des châteaux étaient toujours considérées comme des déesses qui à leur tour furent des personnages historiques déifiés. Les reines adoptaient les images des déesses dans le but de perpétrer leur nom dans l’avenir. Ces personnages devenaient très souvent des symboles de pays et de règnes.

Ces deux légendes possèdent la double nature féerique et historique, à l’image de la double nature de leur héroïne. Sémiramis est la reine de l’Assyrie. La reine Sammuramat vivait au sein de l'empire assyrien entre le VIIIe et le IXe siècle av. notre ère, était mariée au roi Shamshi-Adad V, lequel a régné de 823 à 811 av. notre ère, et était la mère du roi Adad-nerari III.

L'hypothétique existence de Mélusine comme dame du Moyen Âge fut revendiquée par de nombreuses familles, autres que les Lusignan. On en trouve des traces dans les seigneuries bas-poitevines (vendéennes), le long de la Loire et en Gironde.

En Belgique également, Mélusine se fait présente en tant que protectrice de la maison de Gavre. De nombreux lieux et châteaux du Poitou historique se rattachent à la présence de Mélusine comme dame locale, notamment à Mervent, Vouvant, Saint-Maixent, Talmont ou encore Parthenay. (https://mythologies.blog4ever.com/melusine-ancienne-terra-mater)

Certains écrivains soutiennent l'appartenance du personnage de Mélusine à une véritable identité dont l'histoire aurait été romancée. Des historiens y voient la reine Sibylle de Jérusalem, en rapport avec une certaine Mélusine de Hierges. D'autres, comme Michelet, y voient Aliénor d'Aquitaine. Le prince Raymondin est parfois apparenté à Hugues VII de Lusignan, dont la femme sarrasine ramenée des croisades, habillée de voiles comme une fée et prenant de longs bains de vapeur bouillants préfigure bien Mélusine. Les comtes de Toulouse et les Plantagenêts disent aussi descendre de Mélusine, tout comme la famille de Saint-Gelais, dont l'un des descendants, poète du XVIe siècle, portait le prénom de Mellin, en hommage aux revendications de sa famille.


Mélusine – une déesse-mère ?


Au-delà des savoirs surnaturels, la fée possède des connaissances dans les domaines agraires, urbains et de la maîtrise d’œuvre.

Il faut souligner que la version arménienne de Sémiramis ressemble à son tour aux déesses-mères mésopotamiennes telles qu’Inanna. Cette dernière, selon certains spécialistes, est associée à la déesse-mère du panthéon arménien Anahit.

Le nom d’Anahit n’est pas déchiffré jusqu’au bout : il existe plusieurs hypothèses sur ce sujet. L'avis qui domine depuis longtemps est celui qui atteste que le nom Anahit dérive d’Anahita perse. Anahita signifie impeccable, immaculé, c’est un adjectif qui est composé de la racine “ahita” ce qui signifie “crasseux” avec le préfixe “an” qui a le sens de négation. Pourtant les spécialistes de la langue perse confirment que ce prénom n’a pas son étymologie en perse. (K. V. Melik-PashayanVénération de la déesse Anahit”, Erevan, 1963, L’Académie des sciences d’Arménie, l'Institut d’Archéologie et d’Ethnographie, p. 46 /Կ. Վ. Մելիք-Փաշայան «Անահիտ դիցուհու պաշտամունքը» Երևան, 1963, Հայկական ՍՍՌ Գիտությունների ակադեմիա, Հնագիտության և Ազգագրության ինստիտուտ, էջ 46)

Selon plusieurs spécialistes, le nom Anahit dérive des noms sémitiques tels que : Anunitu (déesse babylonienne), Anatu (ce sont des versions pour nommer la déesse Inanna sumérienne).

L’académicien B. Touraev écrit : “Cette vénération qu’on rencontre durant la période Achéménide et plus tard, était largement répandue. Elle a, sans doute, la base sémitique ou occidentale et est l’adoration de la déesse Anahit. Ce culte correspond absolument à celui d’Ishtar, d’Astrata, d’Aphrodite etc., et avait les mêmes fonctions. Sa vénération était répandue surtout en Cappadoce et Arménie. Anahit est un élément étranger dans la religion perse”. (B. Touraev, “L’Histoire de l’Orient ancien”, vol. I, Léningrad 1935, p. 147/ Б. Тураев, История Древнего Востока т I, Ленинград 1935, стр. 147)

Ces déesses par leurs fonctions ainsi que leurs noms sont plus proches de l'Anahit arménienne que de l’Anahita perse. Il faut également souligner que l’adjectif anahita en perse est l’épithète de la déesse nommée Ardwi. Cette dernière n’est qu’un esprit de l’eau et ne tient pas un rôle et position comme Anahit dans le panthéon arménien où sa vénération est plus forte que celle d’Aramazd (dieu principal).


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Buste en bronze (1er siècle avant notre ère), appartenant autrefois à une statue. Elle a été trouvée au 19ème siècle près de Satala, situé à proximité du quartier arménien d'Erez / Yerznka (actuelle Turquie). Il est généralement interprété comme représentant Anahit ou Aphrodite. Maintenant conservé au British Museum.


Donc Anahit fut la déesse-mère et la divinité la plus vénérée en Arménie ancienne. Elle est connue en tant que protectrice et défenseure de son pays. Le mythe de Mélusine semble remonter aux temps d’anciennes croyances où les principaux dieux étaient toujours conjoints à des divinités féminines. Par exemple, le panthéon du royaume d’Urartu connu par le biais de l’inscription cunéiforme de la porte de Mher (près de la ville de Van (actuelle Turquie)), a été composé de 70 divinités : 35 dieux accompagnés de 35 déesses. (Zimansky P. E. Ancient Ararat, A Handbook of Urartian Studies. — New York : Caravan books, 1998. — С. 86. — 332 с); (Пиотровский Б.Б. Ванское царство (Урарту) / B.B. Piotrowski le royaume de Van –Urartu); (Орбели И.А. — Москва: Издательство Восточной литературы, 1959. — С. 220—231. — 286 с. — 3500 экз/ I. A. Orbelli- Moscou, Maison de publication de le Littérature Occidentale, 1959, p.p. 220-231_286-tirage-3500 ).

Dans le panthéon arménien le dieu principal Aramazd est accompagné de la déesse-mère Anahit. La déesse Astghik (Aphrodite arménienne) est accompagnée de Vahagn (dieu de l’orage et de la guerre). Son temple est nommé « la chambre de Vahagn » car c’est ici que leurs rencontres amoureuses se passaient. Ce temple était dans la ville sacrée d’Achtichat.

Ces déesses incarnaient la terre et l’abondance, mais avaient aussi en charge la sécurité des territoires. C’est donc ce rôle de gardienne du territoire, hérité des déesses-mères, qui semble justifier l’intérêt et la volonté des Lusignan. C'est aussi caractéristique aux déesses-mères de l'Asie Mineure.

Pourquoi convoquer une figure « maternelle » plutôt qu’un père fondateur pour glorifier le lignage des Lusignan ? En convoquant la figure chthonienne d’une déesse-mère, le personnage se rapproche des déesses créées durant la période du matriarcat.


Mélusine femme-serpente ou femme-dragonne


L'ambiguïté du personnage de Mélusine, d’un côté une mère éducatrice, aimante et une dirigeante bâtisseuse, de l’autre côté, une femme possédant le pouvoir magique, montrent qu’elle dérive d’un personnage beaucoup plus ancien modifié selon les critères de l’idéologie des religieux médiévaux. Ce qui prouve que c'est un personnage très ancien et très complexe.

Le personnage de Mélusine est dramatique : la fée est divisée entre le monde réel et celui des mythes.

Les déesses-mères citées précédemment, ne possédaient pas de queue de serpent, ni de dragon. Mélusine pourrait-être une divinité principale mais surtout aquatique, car le rapport avec la vénération de l’eau est évident.

Son prénom pourrait également signifier “mer de brouillard ”comme cela avait été évoqué. La scène où elle est prise en surprise par son mari lorsqu’elle prenait son bain, rappelle une autre légende, cette fois purement arménienne.

La déesse de l’amour, de la beauté et de l’eau était nommée Astghik (une autre version de la déesse Anahit) ce qui signifie petite étoile. Selon une des légendes, Astghik avait l’habitude de prendre son bain dans les eaux de la rivière Aratsani (en arménien-Արածանի). Cette dernière traversait la vallée nommée Moushe (en arménien-Մուշ) ce qui signifie le brouillard en arménien. Astghik couvrait toute la vallée par un brouillard épais pour être cachée des regards insolents des jeunes-hommes qui venaient admirer la beauté nue de la déesse. Cette déesse est nommée l’Aphrodite arménienne chez les historiens médiévaux arméniens et cette légende la rapproche de l'Aphrodite. (Moïse de Khorène). (Գ. Մուրադյան «Հին հունական առասպելների արձագանքները հայ միջնադարյան մատենագրության մեջ/ 2014 G. Mouradian « Les Échos des légendes grecques dans la bibliographie médiévale arménienne » 2014).

À cause de ce brouillard constant, la vallée porte le nom du brouillard, c’est-à-dire, Moushe. D'ailleurs, toute la région porte ce nom.

Mais Astghik pourrait être une déesse-dragonne comme Mélusine.

D’ailleurs dans la mythologie arménienne, le serpent et le dragon sont très souvent identiques comme dans la France médiévale. Les deux représentent les divinités liées à l’eau. Pourquoi ? Le dragon avait été vénéré en tant qu’un esprit qui procure de l’eau, de la pluie et de la richesse. Le dragon désignait avec sa queue les endroits pour creuser des canaux. Ensuite, il se transforme en un monstre qui défend les sources d’eau et des trésors.

Leurs principaux lieux d’habitat sont les mers ou les montagnes. Dans la tradition des croyances arméniennes, le dragon se transforme en monstre marin, prenant la forme féminine. Ce qui rappelle la transformation de Mélusine comme chaque samedi ainsi que sa dernière transformation où elle devient une dragonne ailée.

Quant aux dragons vivant dans les montagnes, selon les légendes arméniennes, ils peuvent prendre l’allure humaine à chaque moment et aller chercher une femme pour s’accoupler et donner descendance. Ces derniers vivaient avec les hommes et donnaient leur lignée nommée Vishapazounes (en arménien-վիշապազուն) ce qui signifie descendants de dragon.

Enfin, les preuves que l’eau a été vénérée sous la forme de dragon, sont les monuments appelés vishaps (en arménien-Վիշապ) qui signifie dragon en arménien. (N. Marr et J. Smirnov "Les Vichaps" Leningrad, 1931)

Ces monuments se trouvent principalement dans les montagnes Gégham, dans le bassin du lac Sevan, au pied du mont Aragats, à Garni, au bord de la rivière Thorokh et ailleurs. Ce sont des menhirs de plus de 5 mètres de hauteur, sculptés d’un seul morceau de pierre. Ils ont la forme de poissons avec des gravures de serpents, de taureaux, d’oiseaux etc. Ils sont abondants aux alentours des sources d’eau, de rivière, de lacs etc. Ce sont des cultes dédiés à la vénération de l’eau. Selon le scientifique de la littérature et du folklore arméniens Manouk Abeghyan, ces monuments ont été dédiés à la déesse Astghik. Selon l’historien G. Ghapantcyan, les vishaps avaient été dédiés à la divinité d’Ara le Beau.

Selon Arsen Bobokhyan de l’Institut d’Archéologie et d‘Ethnographie d’Arménie, en tant que monolithes, les Vishaps ressemblent aux menhirs européens par leur forme ainsi que leur fonction. Pourtant, ils se distinguent par leur iconographie claire et canonique qui les classent en trois types authentiques à la forme de taureau, à la forme de poisson et d'hybride.

Les trois types de vishaps ont été sculptés et travaillés de tous les côtés sauf la “queue” ce qui laisse deviner qu’ils avaient autrefois été positionnés debout.

Principalement les Vishaps se trouvent dans leur emplacement initial, allongés et à 3000 m d’altitude. Initialement la grande partie des vishaps devraient avoir une position verticale, l’autre-horizontale. “La position verticale des vishaps fait penser aux certains spécialistes d'éléments de phallus dans leur interprétation ce qui ne correspond pas à la réalité”- Arsen Bobokhyan Institut d’Archéologie et d‘Ethnographie d’Arménie.

Les Vishaps sont toujours en groupe avec de rares cas lorsqu’ils sont seuls. En 2012-2019, les travaux réalisés dans le cadre de l’expédition ont révélé que ces derniers se trouvent principalement sur des espaces à côté des eaux parmi les structures telles que des cromlechs étant entourés par des tombeaux, des pétroglyphes ou des structures à la forme de tour.

Dans les pétroglyphes, trouvés sur le territoire d’Arménie, les femmes sont très souvent représentées accompagnées avec des objets astraux ou des animaux (tels que des chèvres ou des dragons).


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Statue de vishap exposée dans un parc à Erevan (capitale d’Arménie), dans le quartier Nor Nork.


La légende de Mélusine et l’Arménie


En dehors de ces ressemblances, l’Arménie est mentionnée dans la légende de Mélusine à plusieurs reprises. La première mention fut lorsque les trois sœurs ont été condamnées par leur mère Présine. Une des sœurs Mélior fut condamnée à garder un épervier merveilleux dans un château en Arménie. Ensuite, c’est par rapport à un des dix fils que Mélusine donne naissance. Guyon a un œil plus haut que l'autre, il devient roi d'Arménie.

Au XIVe siècle, plusieurs Lusignan ont également porté le titre de roi d'Arménie ; parmi eux, le dernier Léon V dont le tombeau est toujours visible dans la nécropole royale de la basilique Saint-Denis.


Texte de Lousiné Terteryan, qui prépare en ce moment un livre sur la mythologie arménienne. Merci Lousiné.


YH : Notons que, en ce qui concerne les dragons arméniens (Vishap), les découvertes et certaines datations ont pour l'instant prouvé que cette pratique existait au 2ème millénaire Avant JC, jusqu'à éventuellement le 13ème siècle de notre ère (ou bien les croix chrétiennes gravées sur certaines sont une récupération)En 1963, un dragon a été fouillé dans la région de Garni, sur laquelle figurait l'inscription cunéiforme du roi Argishti ICe dragon est daté du Début du 2ème millénaire avant JC...


Vishap armenia1

Vishap arménien - dragon - By Hayk - I created this image, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1906203


Vishap armenia2

Pierre de dragon dans les montagnes de Geghama, Arménie - By Lusnyak93 - Բեռնողի սեփական աշխատանք, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=62332859


En rapide, la légende de la Mélusine de Lusignan : Raymondin, neveu du Comte de Poitiers et fils du Comte de Forez, tue accidentellement son oncle en forçant un sanglier féroce. Aveuglé par la douleur, il chevauche dans la forêt et à minuit, rencontre à la fontaine de Soif (ou « fontaine fée ») trois femmes dont Mélusine.

Elle le réconforte et lui propose de l’aider et de faire de lui un très puissant seigneur, à condition de devenir sa femme. De plus, elle lui fait jurer de ne jamais chercher à la voir le samedi. En gage, elle lui offre deux verges d’or qui « ont moult grand vertu ».

« La prospérité comble le couple. Mélusine en est l’artisan très actif, défrichant et construisant villes et châteaux forts, à commencer par le château de Lusignan. Ils ont aussi beaucoup d’enfants, dix fils dont plusieurs deviennent rois par mariage, tel Urian, roi de Chypre, Guion, roi d’Arménie, Renaud, roi de Bohême. Mais chacun a une tare physique au visage, comme Geoffroy à la grande dent, le sixième.

Jean d’Arras s’étend sur les prouesses de ces fils, notamment sur leurs combats contre les Sarrasins. »

Cependant, un samedi, alors que Mélusine et Raymondin vont à Mervent, le comte de Forez, frère de Raymondin, leur rend visite et s’étonnant de l’absence de Mélusine, l’accuse de déshonorer son mari ou d’être « un esprit fée ». Aveuglé par la colère et la jalousie, Raymondin perce de la pointe de son épée la porte de la salle où sa femme est enfermée et la voit en train de se baigner dans une grande cuve de marbre « qui était jusques au nombril en figure de femme et peignait ses cheveux et du nombril en aval était en forme de la queue d’un serpent ».

Comme il garde le secret de sa découverte, Mélusine peut encore rester avec lui comme avant. Raymondin, empli de remords, chasse son frère en le menaçant et disculpe Mélusine.

Peu après, Geoffroy à la grande dent brûle l’abbaye de Maillezais et son frère Fromont qui était moine. Raymondin, furieux, s’emportant contre Mélusine, lui reproche publiquement d’être « une très fausse serpente » responsable des tares et des méfaits de sa progéniture.

Mélusine, dont la nature est dévoilée, doit quitter le château. Après des adieux émouvants et des recommandations prophétiques (don d’anneaux), elle s’envole par la fenêtre, se mue en serpente et va survoler la tour poitevine de Lusignan en poussant des cris déchirants. Elle reviendra pour s’occuper de ses enfants nuitamment et à l’insu de tout le monde (excepté les nourrices) et pour annoncer, trois jours avant, la mort d’un des siens.

Désespéré, Raymondin se fait ermite à Montserrat. Quant à Geoffroy, il rebâtit Maillezais après s’être confessé au pape."


Yves Herbo, Sciences-Faits-Histoires, 21-03-2021

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