vendredi 20 août 2021

France, Bretagne: une carte 3D préhistorique identifiée

France, Bretagne: une carte 3D préhistorique identifiée

 

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Denis Gliksman INRAP


Une pierre de l'âge du bronze fraîchement déterrée est peut-être la plus ancienne carte tridimensionnelle d'Europe

La dalle de 2 mètres sur 1,5 mètre (5 pieds sur 6,5 pieds), découverte pour la première fois en 1900, a été retrouvée dans une cave d'un château en France en 2014.

Les archéologues qui ont étudié les motifs gravés sur la pierre vieille de 4000 ans disent qu'ils pensent que les marques sont une carte d'une région de l'ouest de la Bretagne.

Ils disent que cela fait de la dalle la plus ancienne carte 3D d'une zone connue en Europe.

Le morceau de roche, connu sous le nom de dalle de Saint-Bélec à Leuhan, daterait du début de l'âge du bronze, entre 1900 avant JC et 1650 avant JC (2150-1600 avant notre ère selon le CNRS).

Il a été découvert pour la première fois en 1900, lors de fouilles sur un cimetière préhistorique dans le Finistère, dans l'ouest de la Bretagne, par l'archéologue local Paul du Chatellier.


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Situation du chateau De Kernuz dans le Finistère, France (BBC)


La dalle a apparemment été oubliée pendant plus d'un siècle, stockée pendant des décennies sous un fossé chez M. du Châtellier, le château de Kernuz.

Mais des chercheurs à la recherche de la dalle l'ont trouvée dans une cave du Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye en 2014.

Après avoir analysé les marques et les gravures sur la pierre, les chercheurs ont soupçonné qu'il pourrait s'agir d'une carte.

La " présence de motifs répétés reliés par des lignes " sur sa surface suggérait qu'elle représentait une région du Finistère, selon une étude du Bulletin de la Société française de préhistoire.

Yvan Pailler, chercheur à l’Inrap, mis à disposition de l’université de Bretagne Occidentale, et Clément Nicolas, post-doctorant Marie Curie/Bournemouth University dévoilent leurs conclusions sur cette exceptionnelle découverte.


Lire la suite ci-dessous :

Les chercheurs affirment que les indentations sont une représentation 3D de la vallée de la rivière Odet, tandis que plusieurs lignes semblent représenter le réseau fluvial de la région.

La géolocalisation a révélé que le territoire représenté sur la dalle avait une précision de 80% sur une zone située autour d'un tronçon de 18 milles (28,97 kilomètres) de long de la rivière.


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Photo de Paul du Chatellier de la dalle après restauration en 1901, une partie du haut manque actuellement.


" Il s'agit probablement de la plus ancienne carte d'un territoire qui ait été identifiée ", a déclaré à la BBC le Dr Clément Nicolas de l'Université de Bournemouth, l'un des auteurs de l'étude.

" Il existe plusieurs cartes de ce type gravées dans la pierre dans le monde entier. En général, ce ne sont que des interprétations. Mais c'est la première fois qu'une carte représente une zone à une échelle spécifique."

Le Dr Nicolas a déclaré que la carte avait peut-être été utilisée pour marquer une zone particulière.

" C'était probablement un moyen d'affirmer la propriété du territoire par un petit prince ou roi à l'époque ", a-t-il déclaré.

" Nous avons tendance à sous-estimer les connaissances géographiques des sociétés passées. Cette dalle est importante car elle met en valeur ces connaissances cartographiques."


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Denis Gliksman INRAP


Historique de la découverte : Clément Nicolas : " C’est Paul du Chatellier qui est le grand préhistorien de la seconde moitié du XIXe siècle en Bretagne, et plus particulièrement dans le Finistère. Cela faisait plusieurs décennies qu’il y faisait régulièrement des campagnes de fouilles de tumulus. Il explore plusieurs tertres dans le secteur des montagnes Noires, un secteur encore très peu étudié. On lui avait sans doute indiqué le tumulus de Saint-Bélec. Et il y a fait, comme à son habitude, un trou au centre pour aboutir sur la tombe principale."

Yvan Pailler : " La dalle est située dans le caveau d’un tumulus. Le défunt est inhumé dans un caveau en pierre, qui est construit pour l’occasion dans une fosse. La pierre gravée constituait l’un des petits côtés du coffre, surmontée de plusieurs niveaux de moellons, et un bloc mégalithique en quartz occupait l’autre petit côté. Une fois maçonné, l’ensemble a été recouvert d’une grosse dalle de couverture. Puis, toute la structure a été englobée dans un tumulus qui a été scellé."

Ce caveau n’a pas livré un mobilier très riche, seulement un vase biconique décoré de chevrons. Il a quand même une particularité : sa dimension qui est singulièrement importante. Sa profondeur est de 2,10 m, sa longueur est de près de 4 m et sa largeur d’un peu moins de 2 m. Ces grands tumulus sont assez rares.

Clément Nicolas : " On présume que la dalle aurait été gravée à l’âge du Bronze ancien. Avant d’être réemployée pour constituer la paroi du coffre, toute sa partie supérieure a été cassée, volontairement ou involontairement. Elle a vraisemblablement été cassée sur place parce que Paul du Chatellier, même s’il ne nous l’indique pas, a retrouvé la plupart des morceaux du bord supérieur. Il a fait transporter la dalle jusqu’au manoir de Kernuz, à Pont-l’Abbé, qui était sa propriété familiale, en même temps qu’un musée privé.

Paul du Chatellier meurt en 1911 et une décennie plus tard, ses enfants décident de vendre toute sa collection au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. La dalle y est transportée avec d’autres pierres gravées de la collection, pour être stockée, avec d’autres éléments lapidaires, dans des alcôves qui sont aménagées dans les douves du château du musée lapidaire en extérieur. C’est là que tous les éléments de mobilier de la collection Du Chatellier vont être inventoriés, sauf pour ce qui est de ces dalles gravées, dont la mémoire sera plus ou moins perdue, jusqu'à leur mention dans un article de Renan Pollès qui permettait de penser qu'elles étaient toujours présentes au MAN. Avec l’aide du conservateur, Alain Villes et d’un des gardiens du château, nous avons exploré toutes les réserves et l’on a fini par retrouver la dalle de Saint-Bélec dans une cave où elle avait été déménagée pour la mettre à l’abri."

Yvan Pailler : " Il y a des morceaux de la dalle que l’on n’a pas récupérés, mais qui existaient du temps de Du Chatellier. Celui-ci avait retrouvé des morceaux qui avaient dû tomber dans le caveau, et une fois arrivé au manoir de Kernuz, il a restauré la dalle avec du ciment, comme on le faisait à l’époque. Ce n’est pas lors du déplacement, mais plus probablement, lors du stockage dans les douves que des plaques qui ne devaient pas être très bien collées se sont de nouveau desquamées."

Clément Nicolas : " C’est un puzzle qui a été fait plusieurs fois. Au moment de la fouille, Paul du Chatellier n’avait pas prévu de récupérer la dalle, mais un fragment s’était desquamé dans la partie centrale qu' il a apporté chez lui, photographié et recollé ensuite sur la dalle. Ce fragment n’a plus bougé et y figure encore. En revanche, de la partie supérieure de la dalle, celle qui était cassée en plusieurs morceaux dans la tombe et que Paul du Chatellier a en partie recimentée, seul un fragment a été conservé dans les réserves de la collection Paul du Chatellier, que l’on a retrouvé, lui, dans les étages."

Yvan Pailler : " Paul du Chatellier se limite à peu près à la citation qui figure en exergue de notre article et qui est la suivante : « Décrire ce curieux monument avec ses cupules, ses cercles et ses diverses figurations gravées, dans lesquelles certains voient une représentation humaine informe et celle d’une bête, est chose difficile. [...] Ne nous laissons pas égarer par la fantaisie, laissant le soin à un Champollion, qui se trouvera peut-être un jour, de nous en donner la lecture ». C’est à peu près tout, ce qui est d’ailleurs assez honnête de sa part.

Le premier archéologue préhistorien qui ait fait l’analogie entre cette dalle et des gravures rappelant des parcellaires connus dans les Alpes, en tout cas des sites à gravures publiés comme étant des cartes – par exemple la fameuse carte de Bedolina en Italie –, c’est Jacques Briard, en 1994, mais au détour d’une phrase. Briard n’a pas réétudié cette dalle, il n’a pas mené l’enquête. Il s’appuie sur le document publié par Paul du Chatellier en 1901 et dit : « Oui, il y a une analogie à faire avec les parcellaires alpins protohistoriques ». Dix ans plus tard, en faisant ma thèse je tombe sur l’article de Paul du Chatellier, en me disant que cela me fait penser à une carte, mais sans connaître ce qu’avait écrit Briard. Et, dix ans après, Clément repasse sur cet article et se dit la même chose. Comme nous travaillions ensemble, nous en discutons et nous lançons une recherche approfondie..."


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Denis Gliksman INRAP


Yvan Pailler : " Il y a eu beaucoup de travaux sur les représentations cartographiques préhistoriques. On estime que l’on est devant une carte quand des motifs se répètent et qu’ils sont reliés entre eux par des lignes pour former un réseau, dans un ensemble cohérent. Toute l’importance de l’étude de la technologie et des chronologies des gravures tient au fait qu’elle a démontré qu’il n’y avait quasiment pas de superposition de motifs, hormis quelques incisions qui ont été ajoutées dans un second temps. (YH : une mise à jour probable donc). Souvent, ces incisions repassent sur des zones piquetées ou les prolongent. Ces incisions sont vraiment restées dans la logique de la composition. Nous réunissons bien les critères pour reconnaître une carte, ou plutôt une représentation à caractère cartographique.

Pour pouvoir établir la chronologie des gravures et comprendre comment elles ont été gravées, nous avons mis en place différentes méthodes. Le plus simple est ce que l’on voit à l’œil nu. Ensuite, il y a ce que l’on peut photographier avec un appareil photo par lumière rasante, ce qui permet de mieux voir certaines gravures. Puis il y a la photogrammétrie, qui consiste à recouvrir entièrement la dalle de manière à réaliser un modèle en 3D. Enfin, nous avons testé pas moins de trois scanners 3D dont l’un a permis d’avoir une grande finesse de résolution dans les gravures et de restituer les traces d’impact du tailleur.

Cela a permis de montrer avec netteté quelles zones de la dalle étaient altérées. Si l’on la positionne comme on l’a fait dans notre article, il y a une zone dans le quart supérieur à droite où les gravures sont quasiment absentes, suite à la desquamation de la surface de la roche. Dans des parties desquamées, il est possible de voir encore le fond de certaines gravures parce qu’elles ont été piquetées très profondément, mais tout ce qui était plus ténu a disparu. Dans notre interprétation, nous avons utilisé des pointillés pour ces parties desquamées."

Clément Nicolas : " Le scan 3D de précision a permis de cartographier tous les états de surface et de reconstituer toutes les étapes de la création de cette dalle. Cela a permis aussi de voir que toute une partie de la dalle a été traitée en bas-relief par les sculpteurs de l’âge du Bronze. Il y avait sans doute déjà à l’origine une dépression, dont ils ont tiré profit. Dans ce creusement en bas‑relief, il y a des parties qui sont clairement éclatées et desquamées à la suite des gravures, et d’autres parties qui ont encore une surface rugueuse ou lisse liée à la surface d’origine.

Les graveurs ont joué avec le relief, mais ils l’ont aussi modifié avec l’intention de restituer le relief environnant. C’est un élément que l’on retrouve de manière assez récurrente dans les représentations cartographiques préhistoriques. Sans doute, est-il plus facile, pour l’esprit humain, de représenter les choses qui sont en relief en trois dimensions, et non de façon purement planimétrique."

Yvan Pailler : " Il y a un motif central, au milieu de la dalle, une sorte de trapèze aux bords convexes d’où partent plusieurs traits, plusieurs lignes droites qui, globalement, dessinent un axe horizontal et sans doute un axe vertical, mais difficilement appréciable dans la partie supérieure du fait des cassures. Les quatre quarts ainsi dessinés sont remplis de différents motifs de manière plus ou moins dense. Il y a des formes récurrentes comme des cercles ou des formes quadrangulaires avec une ou plusieurs cupules à l’intérieur. Il y a également deux grandes formes ovalaires, dans lesquelles on va retrouver un certain nombre de motifs, notamment les cercles ou carrés avec des cupules à l’intérieur, mais aussi des motifs cruciformes. Dans l’autre motif ovalaire, il y a une série de petites cupules.

Tous ces motifs sont, d’une manière ou d’une autre, reliés entre eux par des réseaux de lignes. Les plus grandes cupules font 10 centimètres de diamètre et plusieurs centimètres de profondeur et elles sont inégalement réparties entre les motifs. Des lignes piquetées ont seulement 3 ou 4 millimètres de profondeur et d’autres près de 2 centimètres de profondeur. Il y a un jeu, dans la réalisation de ces motifs, selon qu’ils sont plus ou moins imprimés, comme si on avait cherché à en faire ressortir certains plus que d’autres."

Clément Nicolas : " Ce qui nous manque, c’est la légende, le décodeur. Est-ce que certaines des cupules représentent – pourquoi pas ? – des mines ? Est-ce que certaines représentent des sources ? Tout cela, c’est presque un prélude à un programme de recherche entier sur les montagnes Noires."

Vous dites que cette dalle est un réemploi. Quand a-t-elle été gravée, puis réemployée ?


Yvan Pailler : " Quand nous avons commencé à travailler sur cette dalle, en 2014, nous nous sommes tout de suite dit qu’il fallait que l’on couvre la question de l’art à l’âge du Bronze. Y en avait-il un à l’âge du Bronze ? Nous avons passé en revue toutes les dalles ornées découvertes en contexte âge du Bronze ancien dans l’ouest de la France et observé qu’elles étaient quasiment toutes en réemploi et appartenaient à l’art mégalithique du Néolithique moyen.


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Pierre ornée de dessins et de cupules, utilisée en réemploi comme dalle de couverture d'une sépulture en coffre. Nécropole néolithique de Thonon-les-Bains. Loïc de Cargouët, Inrap 


En revanche, il y avait des dallettes en micaschiste, en gneiss, avec de petites cupules, qui semblaient bien appartenir à l’âge du Bronze. Elles ont été mises en évidence lors des fouilles récentes des nécropoles de Bertheaume et de Carhaix, mais aussi sur les sites de Beg-ar-Loued et de Cruguel, mais on ne sait pas du tout à quoi cela correspond. Par rapport à ces dallettes, la dalle de Saint-Bélec nous apparaissait comme un véritable alien ne correspondant en rien à l’art mégalithique. Vu qu’elle est enterrée dans un caveau de l’âge du Bronze, nous nous sommes dit qu’elle devait probablement avoir été réalisée à l’âge du Bronze ou légèrement avant."

Clément Nicolas : " Cette conjecture est aussi fondée sur l’absence complète de météorisation des gravures. Elles sont fraîches et ne portent pas les traces d’altération des gravures exposées longtemps à l’air libre. L’art mégalithique dans la région des montagnes Noires est réalisé sur le même type de schiste que celui de la dalle de Leuhan. Ces gravures en plein air sont complètement érodées et elles n’ont pas du tout la même granulométrie. En l’absence complète d’expérimentation, il est impossible d’estimer le laps de temps qui s’est écoulé, mais on peut estimer qu’il y a eu une période très courte entre le moment où les gravures ont été réalisées et le moment où la dalle a été enfouie." YH : Pourquoi supposer que cette carte aurait été exposée à l'air libre au néolithique, si elle était importante ? Au néolithique, les gens utilisaient encore des grottes, savaient construire des habitations, des cabanes et tentes... Une carte, ce n'est pas de l'art pur, c'est technique et très utilitaire... et la civilisation des mégalithes ont bien prouvé de telles connaissances, y compris en astronomie...

Dans votre article, vous faites tout un tour d’horizon des cartes. Pourriez-vous citer deux ou trois exemples ?

Clément Nicolas : " La carte que tous les préhistoriens ont en tête, ce sont les gravures rupestres de Bedolina, dans le Valcamonica, dans le nord de l’Italie, qui sont attribuées à l’âge du Fer. Elles présentent les mêmes caractéristiques, des répétitions de motifs, des réseaux de lignes. Il y a toutefois une grosse différence avec la dalle de Leuhan. Si la gravure a été décrite par les préhistoriens depuis le début du XXe siècle comme étant une carte, on ne sait pas à quoi elle correspond. Est-ce que c’est un territoire idéel, fantasmé ou un territoire qui existe vraiment en contrebas, dans la plaine ? Ce travail n’a pas été fait.


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Bedolina 1, Capo di Ponte, Lombardie, Italie - C. Turconi, 1997


En Afrique du Sud, on retrouve une tradition d’art gravé cartographique tout à fait similaire, mais apparemment beaucoup plus récente, émanant de populations d’agriculteurs qui sont arrivées dans la région au cours du premier millénaire après notre ère. Les populations aujourd’hui dépositaires de ces gravures disent qu’elles représentent les habitats de leurs ancêtres. Même si c’est une mémoire un peu distendue, l’interprétation existe, mais la question de savoir ce que cela représente exactement, quelle portion de territoire ou si cela représente un territoire idéal, n’est pas tranchée là-bas."

Yvan Pailler : " Les exemples ethnographiques sont intéressants également, que ce soit dans la forêt équatoriale, dans le désert ou dans le bush australien. Quand il arrive que des ethnographes posent la question : « On est un peu perdu. Est-ce que vous pourriez nous représenter où sont les sources de tels fleuves, où l’on se situe par rapport à cela ? », les gens sont tout à fait capables, soit sur un support papier, du vélin ou peu importe, dans le sable, sur la terre ou sur la pierre, de dessiner leur environnement. Le cas le plus connu est celui des Touaregs qui sont capables de faire des cartes mentales sur plusieurs centaines de kilomètres. Ils ont une vision très large de leur environnement. Un autre exemple est celui des Indiens d’Amérique du Nord qui produisaient des cartes sur des supports mobiles, notamment des écorces de bouleau ou des peaux. Ils géraient leur territoire à partir de ces cartes."

Si la recherche n’a pas été vraiment menée dans le cas de Bedolina, est-ce que vous pouvez, vous, décrire des correspondances que vous avez réussi à observer entre la dalle de Saint-Bélec et le territoire environnant ?

Yvan Pailler : " Il y a des éléments, dans ce document graphique, qui sont marquants. Nous avons déjà évoqué le triangle très allongé, échancré et donc creusé partiellement en bas-relief. Nous avons parlé du motif central et de cette ligne horizontale qui coupe la pierre en deux. Ce sont ces éléments qui sont à l’origine de notre hypothèse de travail, à savoir : « La dalle a été trouvée dans cette tombe. Nous sommes dans un espace géographique. Regardons l’espace géographique qui environne le tumulus ». En allant sur place, nous avons vu très vite que la vallée de l’Odet faisait un triangle qui était fermé d’un côté par les collines de Coadri, au sud. Au nord, il y a la barre des montagnes Noires, bien rectiligne, et la vallée de l’Odet qui coule au milieu. Tout cela commençait déjà à faire sens.
Puis nous avons exploré la vallée et nous avons vu le massif assez rectangulaire de Landudal. C’est une anomalie parce que l’on est en plein milieu d’un massif sédimentaire. Et là, ce gros massif granitique semble tout à fait correspondre au petit rectangle dégagé en bas-relief que les graveurs ont creusé dans la partie la plus large du triangle volontairement ménagé. Il s’agissait déjà d’une piste encourageante
.

Puis nous avons poursuivi nos recherches. Comment se fait-il que les graveurs représentent l’Odet et non pas l’Aulne ? L’Aulne est dans la partie supérieure, c’est donc le nord de notre carte, de notre document graphique, mais c’est la partie endommagée. Il nous manquait des petits bouts. On trouvait bizarres certains de ces symboles en « U » inversé qui étaient représentés dans la partie supérieure. En observant bien l’Aulne avec tous ses méandres à cet endroit-là, nous avons constaté qu’il y avait une certaine analogie avec la dalle.


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Denis Gliksman INRAP


De même pour certaines rivières, par exemple l’Isole et le Stêr Laër. Bien que ces analogies nous soient apparues extrêmement intéressantes, nous les avons attribuées à ce que notre œil voyait. Peut-on démontrer d’un point de vue géomatique, par des statistiques, par des mathématiques, que ce que voit notre œil correspond bien au sujet de l’observation ? La machine peut-elle corroborer ce que l’on croit voir ? Cela nous a amené à faire appel à Julie Pierson, géomaticienne au LETG. Elle a fait toute une série de tests, tests de Jaccard, de Mantel, etc., par lesquels elle a obtenu des coefficients qui lui ont permis de quantifier la similarité et de confirmer par les mathématiques ce que notre œil avait vu."

(...) Clément Nicolas : " Il y a une série de gravures dans l’Europe atlantique, que l’on a, à différentes périodes, proposé de considérer comme une série de cartes, mais ces interprétations sont restées au stade de l’hypothèse. Il y a ces exemples que l’on a cités en Afrique du Sud. Aux États-Unis, il y a un certain nombre de gravures dont on pense qu’elles sont des représentations du réseau hydrographique. On en est là aussi resté au stade de l’hypothèse ou d’une analogie un peu poussée."

Yvan Pailler : " Oui, les recherches restent très embryonnaires. Prenons par exemple les cups and rings que l’on retrouve en Galice, sur la façade atlantique, sauf en Bretagne, mais beaucoup dans le monde britannique et hispanique. C’est une cupule entourée de cercles, généralement ouverts. Certains archéologues interprètent cela comme un village entouré d’enceintes. D’autres disent que c’est un tumulus entouré de talus ou de fossés. Il ne s’agit là encore que de simples analogies."


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A gauche aux Açores (Terceira), à droite en Angleterre

 

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A gauche aux Açores (Terceira), à droite en Irlande

images tirées du documentaire télévisé (RTP/Açores) avec Felix Rodrigues, professeur d'université biophysicien Université des Açores, l'anthropologue Antioneta Costa et l'historien Francisco Nogueira


Les fameuses tombes « princières » de cette période sont régulièrement distribuées dans l’espace, reliées entre elles par un réseau viaire et apparaissent comme les centres de territoires. Contemporaine du fameux disque céleste de Nebra (Allemagne), la dalle de Saint Bélec met en évidence le savoir cartographique des sociétés préhistoriques. Si la dalle de Saint-Bélec figure le territoire d’une entité politique fortement hiérarchisée et contrôlant étroitement un territoire au Bronze ancien, son bris pourrait avoir valeur de condamnation, de désacralisation. Un acte d’enfouissement, accompagné d’un geste iconoclaste, pourraient ainsi marquer la fin ou le rejet de ces élites qui auront exercé leur pouvoir sur la société durant plusieurs siècles au cours de l’âge du Bronze ancien. (CNRS)


Lire la suite de l'article très intéressant de l'INRAP, avec de nombreuses images, dans le lien en source ci-dessous, avec entre autres des photos et avis sur le menhir gravé récemment découvert à Massongy dans les Alpes, daté de 4000 à 3000 ans avant notre ère, mais réutilisé. " Cela s’intègre parfaitement dans ce qui a été décrit précédemment par les collègues spécialistes des gravures alpines. On a cette phase du IVe-IIIe millénaire où l’on retrouve régulièrement des motifs de rectangles accolés, que ce soit dans la vallée des Merveilles ou en Valcamonica. Là, c’est un peu particulier parce que, si j’ai bien compris, il y a trois phases de gravures qui se recouvrent." (...) " La logique de représentation de parcellaires au Néolithique, à mon avis, n’a pas du tout la même finalité qu’à l’âge du Bronze. À l’âge du Bronze, pour moi, l’outil cartographique va servir à administrer un territoire. Au Néolithique, Serge Cassen relève – il est très prudent – ce qui ressemble à du parcellaire avec, à côté de cela, des symboles : la crosse, la hache, le cachalot, des bateaux, etc. On a l’impression que ce sont presque des symboles juxtaposés, qui peut-être racontent une histoire, d’ailleurs. Peut-être que la carte venait appuyer un discours pour raconter une histoire ? Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait la même logique. Il faut les différencier. De toute façon, du point de vue sociopolitique, on sait très bien que c’est complètement différent.". YH : Il serait temps que les spécialistes de la préhistoire et les historiens se rendent compte que les traditions transmises n'étaient pas seulement orales, mais aussi écrites via des symboles et pétroglyphes... :


Sources : https://www.inrap.fr/la-plus-ancienne-carte-d-europe-15574

https://www.bbc.com/news/world-europe-56648055

http://www.cnrs.fr/fr/decouverte-dune-des-plus-anciennes-cartes-deurope-la-dalle-de-saint-belec-age-du-bronze


D'autres pierres gravées soupçonnées des cartes géographiques ou même du ciel :

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/ecosse-cochno-une-carte-cosmique-de-5000-ans.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/les-dalles-et-pierres-gravees-d-amerique-du-nord.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/perou-questions-sur-le-monolithe-sayhuite.html


Yves Herbo et Traductions, Sciences-Faits-Histoires, 12-04-2021

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