Sediba : le chainon manquant ?
Les nouveaux hominidés font rarement la une des magazines scientifiques, mais lorsqu'ils le font, c'est en force. Ce ne sont pas moins de 6 articles qui étayent les études poussées sur des ossements fossiles de l'hominidé Sediba, découverts en afrique du Sud en 2008. Ces dernières confirment le caractère très mélangé et archaïque, mi-Homo mi-Australopithèque de ce possible ancêtre de la ligné humaine daté de 1,98 million d'années.
Révélé en 2011, Australopithecus Sediba est un hominidé fossile découvert sur le site de Malapa près de Johannesburg en 2008, et les récentes études précisent son anatomie. Sediba se situe chronologiquement à une période charnière entre la domination des australopithèques sur le continent africain (de - 4.2 à - 2.5 millions d'années) et l'avènement des premiers représentants connus du genre Homo en afrique de l'est, il y a 2 millions d'années environ. Selon son principal découvreur Lee Berger, paléoanthropologue à l’université sud-africaine de Witwatersrand, Sediba serait le meilleur candidat au titre d’ancêtre de toute la lignée humaine menant à notre espèce Homo sapiens.
La grande richesse du gisement de Malapa et la bonne qualité de conservation des fossiles ont été confirmées par les études des ossements d'un jeune mâle sediba âgé d'environ neuf ans et baptisé "MH1" et d'une femelle d'une vingtaine d'années, "MH2" qui étaient extrêmement bien conservés. Il faut dire que le décompte des ossements sortis du terrain à ce jour est de 220 permet de reconstituer cette espèce d'hominidé d'une façon des plus complètes connues à ce jour et que les fouilles sont loin d'être terminées : le site de Malapa contient d'épais niveaux géologiques très prometteurs en fossiles potentiels.
Les dents ont toujours été ce qui se conservait le mieux et les chercheurs ont en premier analysé les dents de Sediba et ont pu de cette façon repérer 22 traits anatomiques précis, comme l'épaisseur de l'émail, la finesse des dents et le nombre de racines par molaire. Ces analyses ont ensuite été comparées à celles sur huit autres espèces fossiles africaines, en particulier Australopithecus africanus, également présent en Afrique du sud, Australopithecus afarensis, localisé en Afrique de l’Est, Homo habilis et Homo erectus.
Les dernières conclusions sont contradictoires avec une précédente étude de juin 2012 portant sur les mêmes dentitions mais réalisées par d'autres équipes. Ces dernières avaient conclu que le régime alimentaire de Sediba se composait essentiellement de fruits, de bois et d'écorces, nettement plus proche du régime des chimpanzés actuels que de tous les hominidés fossiles connus. Du point de vue anatomique et dentaire en tout cas, Sediba est plus proche de ses cousins africanus d'Afrique du Sud que les australopithèques afarensis d'Afrique de l'Est, parmi lesquels la célèbre Lucy. Autrement dit, les dents de Sediba le rapprochent plus des espèces Homo que des autres australopithèques.
La même conclusion est faite sur les membres supérieurs et inférieurs de sediba qui semblent être un mélange de caractères primitifs et hérités des lointains australopithèques et d'autres "dérivés" ou plus moderne selon l'évolution et propre au genre Homo. « Prenez par exemple ses bras, décrit Steven Churchill, de la Duke University à Durham, aux États-Unis, la forme des articulations, la longueur, la forme et les proportions relatives entre les os qui les constituent, indiquent une capacité à la suspension aux branches et à la grimpe aux arbres proche de celle de nos cousins simiens. Mais les phalanges de ses doigts, plus longues, fines et moins courbées que celles des chimpanzés actuels, indiquent une évolution vers la main humaine. »
La même chose est constatée sur la partie inférieure du squelette, du bassin aux pieds, aux os longs et rectilignes et qui sont adaptés à la bipédie alors que les pieds sont nettement plus primitifs avec un appui au sol très différent de celui des humains à venir : sa démarche était plutôt claudicante, avec un pied pivotant latéralement à chacun de ses pas, mais bien une bipédie tout de même.
S. A. Williams révèle pour sa part que Sediba a le même nombre de vertèbres lombaires que l'homme moderne mais que sa colonne possèdait une capacité de flexion meilleure, qui pourrait être dérivée des australopithèques anciens mais similaire aussi à l'Homo Erectus de la même période.
Sediba entre Homo sapiens et chimpanzé
D'autres découvertes devraient éclaircir cet ensemble assez contrasté et voir contradictoire car, comme le dit Lee Berger lui-même, il y a tout de même une proximité importante de cette découverte avec celle des premiers représentants du genre Homo, Habilis et Erectus particulièrement qui évoluaient à la même époque en Afrique de l'Est et voir même déjà en Europe comme Homo Georgicus à Dmanissi en Géorgie... une proximité trop proche pour que Sediba puisse être l'ancêtre de tous ces hominidés mais des surprises peuvent encore surgir des profondeurs des plus bas niveaux, tels que des restes d'un Sediba bien plus ancien encore et primitif, pourquoi pas...
Yves Herbo traduction-Sciences,Fictions,Histoires-04-2013
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