Les neandertaliens européens mieux outillés que les premiers hommes modernes
Depuis
les découvertes en 2005 des deux plus anciens cranes qualifiés à 100%
d'hommes modernes, en Afrique, Ethiopie et datés assez précisémment de
-195.000 ans avant maintenant (OMO1 et 2), certaines datations,
migrations et possibles interactions entre différents genre d'hominidés
et l'homme moderne est devenu évident. Ainsi, les datations de ce qu'on
appelle l'Homme de Fiorensis, descendant direct des Erectus nous
apprennent qu'il vivait encore il y a moins de 20.000 ans. La
disparition totale du neandertalien est encore un mystère, même si on
sait maintenant qu'une partie au moins s'est probablement assimilée à
l'homme moderne (moins de 4% de l'ADN des européens actuels), mais il
est maintenant certain que plusieurs sortes d'hominidés ont probablement
croisé la route de l'homme moderne. Jusqu'à encore très récemment, le
dogme scientifique (et devant effectivement tenir compte d'un soudain
développement technique vers - 40.000 ans) était que c'était l'homme
moderne qui avait eu le premier l'idée de techniques plus sophistiquées
dans la taille de la pierre, mais aussi du cuir et de la peau (par
exemple).
Une nouvelle étude parue dans les PNAS
de la célèbre Académie des Sciences Américaine vient complètement
infirmer ce dogme. Cette recherche internationale, à laquelle plusieurs
chercheurs français ont participé, dont Marie Soressi,
associée à l’institut Max Planck à Leipzig (Allemagne), prouve que
l'homme de Néandertal a façonné des outils en os bien avant que l'Homme
moderne n'ait encore posé les pieds en Eurasie. Il est impossible
d'après ces datations que ce dernier ait pu jouer le moindre rôle de
professeurs envers les néandertaliens, comme l'affirmait jusqu'à présent
un dogme tenace.
Les
lissoirs mis au jour dans deux sites néandertaliens en France. Leur
bout arrondi suggère qu'ils ont servi à travailler des matériaux tendres
et non rigides comme de la pierre. Les auteurs ont de leur côté façonné
des outils similaires qu'ils ont testés sur des peaux, et ont montré
que lorsqu'ils cassaient, ils laissaient des fragments identiques à ceux
récoltés. Cela sous-entend qu'ils devaient bien être conçus dans ce
but. © Projets Abri Peyrony et Pech-de-l'Azé
Et
ce sont des lissoirs à peaux façonnés datés de plusieurs manières de -
51.000 ans qui affirment le haut degré de technicité des
néandertaliens...
La
plupart du temps, les outils en os sont identiques à ceux fabriqués en
pierre. La principale différence provient bien sûr de la différence de
propriétés entre ces matériaux. Rarement de textures identiques, l'os à
l'avantage de pouvoir plier parfois sans rompre. C'est la raison pour
laquelle (et encore très récemment), l'os a été principalement utilisé
pour les lissoirs, des outils conçus pour lustrer et imperméabiliser les
peaux. L'os de cerf, de rennes ou d'élan sont les plus propices.
Le lien entre l'outil trouvé à Pech-de-l'Azé en Dordogne, France il y a une dizaine d'années et le métier de la peau a été établi lorsque Marie Soressi
a envoyé ce fragment pour analyse auprès d'un fabriquant de produits de
luxe parisien qui travaille le cuir. La compréhension de l'utilisation
de l'objet préhistorique bien arrondi à son extrémité a sauté aux yeux
du personnel, puisqu'il a recours lui-même à ce type d'objets pour
travailler le cuir, encore de nos jours !
Shannon McPherron,
elle aussi de l’institut Max Planck, a mené une équipe qui a déterré
trois autres fragments d'outils similaires à une trentaine de
kilomètres, sur le site de l’abri Peyrony. Pour les auteurs, il n’y a aucun doute : les lissoirs rapportés de leurs fouilles ont bien été façonnés par des Néandertaliens.
Les objets alentours sont typiques de notre cousin, tandis qu’on ne
relève aucune trace d’une occupation par les Hommes modernes. Les
analyses au radiocarbone ont permis de dater ces lissoirs. Le premier découvert remonterait à 51.000 ans. Les autres étaient situées dans des couches âgées entre 48.000 et 41.000 ans.
Mais (pour l'instant et officiellement, contesté bien sûr), le plus vieux site occupé par des Hommes modernes en Europe occidentale jusque-là mis au jour daterait de 42.000 ans, bien
que des spécialistes pensent que leur arrivée est plus ancienne de
quelques millénaires (vers -48000). Difficile malgré tout de croire
qu’ils aient pu enseigner leur technologie à Néandertal 9.000 ans plus
tôt. Sauf bien sûr si les hommes modernes et les néandertaliens se
soient en fait rencontrés bien plus tôt, en Afrique ou dès les débuts de
la première migration de l'homme moderne (dont nous ne sommes pas
sûrs)... l'homme moderne étant déjà là et bien formé il y a -195000 ans
en Afrique, on peut aussi avoir des doutes sur son manque de performance
pendant cette si longue période en Afrique... les récentes découvertes
en Afrique du Sud devraient d'ailleurs bouleverser plusieurs données
"établies" jusqu'à présent...
On peut déjà noter que Harold Dibble,
boursier à l'université de Pennsylvanie (USA), et non impliqué dans
cette recherche, était jusque ici plutôt sceptique au sujet des
capacités techniques des Néandertaliens, mais il a avoué dans Science Now que les nouvelles données étaient plutôt convaincantes. Jean-Jacques Hublin, aussi de l’institut Max Planck
et qui pense que l'Homme moderne est arrivé en Europe vers - 48000 ans,
dit que la théorie n'est pas à jeter à la poubelle et que la datation
de -51.000 ans pourrait être légèrement surestimé, ce qui permettrait
aux Hommes modernes d'être bien les professeurs des néandertaliens (un
tenace du dogme).
Quoiqu'il
en soit, les capacités techniques des néandertaliens et leur
intelligence sont bien plus évoluées qu'admis jusqu'à présent. Les
anthropologues sont aussi d'accord pour considérer maintenant que les
néandertaliens devaient posséder un langage complexe, tout comme l'homme
moderne...
Sources :
http://www.pnas.org/content/early/2013/08/08/1302730110
+ http://www.futura-sciences.com/magazines/terre/infos/actu/d/paleontologie-neandertal-aurait-il-appris-homme-moderne-travailler-os-48312/#xtor=RSS-8
Le
rapport avec de belles photos des fouilles et des schémas. Attention,
assez gros et met un moment à se charger (il y a un supplément avec les
artéfacts sur le site des PNAS) : pnas-201302730si.pdf
Yves Herbo-SFH-08-2013.
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