Des éclaircissements sur une période de 6000 ans en Alsace

Archéologie : Obernai lève le voile sur 6.000 ans d’histoire en Alsace
Dans le cadre de fouilles préventives menées à Obernai, l’Inrap
 a exhumé de nouveaux trésors archéologiques. Le site a fourni des 
informations qui devraient faire date sur l’évolution culturelle et 
différents mouvements de populations qui ont eu lieu en Alsace durant 
près de 6.000 ans. Un crâne déformé témoigne par exemple de la présence de Huns dans la région à l’époque mérovingienne.

Crâne
 volontairement déformé mis au jour dans une nécropole du Bas-Empire à 
Obernai (Bas-Rhin), en 2013. Au Ve siècle de notre ère, cette pratique 
est d'abord associée aux Huns. La déformation intentionnelle intervient 
dès le plus jeune âge, et nécessite l'utilisation de planchettes ou de 
liens qui compriment la tête. © Denis Gliksman, Inrap
Dans
 le cadre de l’aménagement d’un parc d’activités économiques à vocation 
industrielle par la communauté de communes du pays de Sainte-Odile, 
l’Inrap vient d’achever, sur prescription de l’État (Drac Alsace), une 
importante fouille à Obernai. Sur plus de 7,5 hectares se succèdent des sociétés néolithique, gauloise, gallo-romaine, mérovingienne.
 La fouille archéologique de ce site apporte de nouveaux éclairages sur 
l’évolution culturelle et les mouvements de population sur près de six 
millénaires, mais aussi sur l’organisation territoriale de l’Alsace.
Dans
 le sud-est de l’emprise de la fouille, les archéologues ont mis au jour
 un ensemble funéraire comptant une vingtaine d’inhumations. Elles 
datent, pour les plus anciennes, de 4.900 à 4.750 ans avant notre ère (presque 7000 ans donc pour la plus ancienne). Un autre secteur a livré une quinzaine d’autres sépultures néolithiques. La plupart des défunts arborent des colliers et des bracelets composés de petites perles de calcaire ou de nacre. L’un d’eux porte deux anneaux-disques en pierre.
Une nécropole du Néolithique vieille de 6.900 ans à Obernai
L’outillage en silex et la céramique abondent. Des céramiques décorées permettent d’attribuer cette occupation à la fin de la culture Grossgartach, première grande entité du Néolithique moyen, vers 4.750 avant notre ère. À
 cette époque, les vastes nécropoles « danubiennes » disparaissent au 
profit de petits ensembles sépulcraux. Cette période transitoire est peu
 documentée en Alsace ; la nécropole d’Obernai en est désormais une 
référence.

Dépôt
 de deux enfants et de plusieurs chiens au fond d'un silo, entre 450 et 
350 avant notre ère. Ces restes ont été découverts à Obernai (Bas-Rhin) 
en 2013. © Nicolas Loew, Inrap
Dans le nord du site se trouvent les vestiges d’une ferme gauloise.
 Elle se compose d’abord d’un enclos de 8.000 m2, au plan peu commun, 
avec deux portes aménagées dans les angles. L’une d’elles était 
surmontée d’un porche monumental. L’intérieur de l’enclos livre des 
traces de bâtiments, de fosses de stockage et beaucoup de mobilier qui 
permet d’attribuer l’occupation à la Tène finale (150 à 130 avant notre 
ère). Ce mobilier (fibules, parure en verre, céramique, amphores, 
monnaies, etc.) marque l’importance de l’exploitation et la richesse du 
propriétaire.
Ferme gauloise vieille voilà 2.160 ans
L’occupation gauloise
 se développe également hors de ce grand enclos, par delà ses fossés. 
Dans le sud, les archéologues ont mis au jour un petit enclos 
contemporain aux fonctions encore indéterminées. À une cinquantaine de 
mètres à l’est se trouve un ensemble de structures d’habitat (des 
bâtiments excavés et des fosses de stockage).

Ensemble
 balnéaire romain, Obernai (Bas-Rhin), 2013. Au premier plan apparaît 
une structure de chauffe, reconnaissable à sa forme et à la terre 
rubéfiée. © Clément Feliu, Inrap
La
 découverte de fragments de crânes humains, d’armes et de quelques 
sépultures d’enfants et d’animaux, sur l’ensemble du site, laisse 
supposer un contexte culturel, peut-être même la présence d’un 
sanctuaire. Une fosse, en particulier, a livré des umbos de bouclier 
(les parties centrales) portant des traces de coups. Ces données et la 
situation de cet établissement à la frontière des peuples médiomatrique 
et rauraque font de ce site un des plus importants pour la période en 
Alsace.

Rouelle en bronze de l'époque gauloise, entre 150 et 30 avant notre ère, Obernai (Bas-Rhin), 2013. © Denis Gliksman, Inrap
Les peuples de l’est, 1.650 ans en arrière
Archéologues
 et anthropologues ont étudié une nécropole mérovingienne, de 18 
sépultures, orientées ouest-est, comme l’impose le rituel de l’époque. 
Quatre tombes contiennent des objets, dont trois des boucles d’oreilles 
en argent. La défunte la plus richement ornée porte deux petites 
épingles en or maintenant un vêtement ou un voile sur sa poitrine. Deux 
pendants, appelés « châtelaines », étaient reliés à sa ceinture. Divers 
objets y sont attachés : un miroir en argent, analogue à ceux utilisés 
par les populations alano-sarmates (Caucase), plusieurs
 grandes perles de verre coloré et d’ambre, un nécessaire de toilette 
(une pince et un cure-oreille). Cette femme dispose notamment d’un 
peigne triangulaire en bois de cerf, orné de motifs géométriques, et de 
têtes de chevaux aux extrémités.
Outre le mobilier funéraire, l’origine orientale des individus est attestée par la présence d’un crâne volontairement déformé. Durant l’époque mérovingienne, cette pratique est d’abord associée aux Huns,
 célèbre groupe ethnique d’Asie centrale. La déformation intentionnelle 
nécessite l’utilisation de planchettes ou de liens qui compriment la 
tête dès le plus jeune âge. Cette pratique permet à une élite de se distinguer et d’affirmer son champ social. (YH
 : ceux qui y survivaient développeraient une intelligence supérieure, 
voir des pouvoirs suivant les chamans, atteignaient surtout une élite 
respectée - mes déductions actuelles m'amènent à penser que cette élite 
aux crânes déformés - pas tous de la même manière - ETAIENT les magiciens ou sorciers mentionnés dans toutes les légendes (le fameux chapeau pointu cachant le crane déformé)).
De telles sépultures, habituellement isolées, ont été découvertes en Gaule du Nord, en Germanie et en Europe orientale. Elles comprennent souvent un
 mobilier très riche. Elles seraient donc des sépultures de hauts 
dignitaires d’origine orientale, incorporés dans l’armée romaine au 
temps de « grandes migrations », et de leur famille. La nécropole d’Obernai est l’un des rares ensembles importants découverts en France. Elle
 témoigne pour la première fois de l’installation prolongée d’une 
communauté orientale en Alsace à la fin de l’Empire romain.
Yves Herbo-SFH-11-2013
 
 
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