Géologie et refroidissement climatique : limites du taux d'érosion dépassées
Une nouvelle étude publiée dans la revue Science
vient de remettre en cause un postulat bien admis en géologie, disant
que les taux d'érosion des roches de la planète, produisant donc les
sols, sont très limités et d'autant plus, selon les spécialistes, là où
ils sont lessivés, comme sur les pentes raides d'une haute montagne. En
effet, cette étude vient de prouver que les pentes abruptes des jeunes
montagnes, toujours en cours de formation, situées dans les Alpes du Sud
de la Nouvelle-Zélande détenaient un record d'érosion, et même jusqu'au double de la limite théorique fixée. Cette étude est importante car elle concerne aussi notre climat.
Les jeunes
montagnes ont toutes les mêmes caractéristiques : sommets pointus,
élévation continue et pentes abruptes. Mais leurs roches subissent
également dès leur apparition à l'air libre des éléments érodeurs comme
le vent, l'eau et les interactions chimiques. Des pentes abruptes
régulièrement lessivées par les éléments participaient moins à la
création des sols selon les théories.
Andre
Ege, l’étudiant qui a accompagné Isaac Larsen, se balade sur un sommet
des Alpes du Sud néo-zélandaises en attendant que le brouillard se lève
dans la vallée, car il restreint les vols de l’hélicoptère censé venir
chercher les scientifiques ou leurs prélèvements. © Isaac Larsen
Isaac Larsen,
un post-doctorant de l’université de Washington (États-Unis), vient de
démentir ces théories. Il a passé plusieurs semaines dans les Alpes du Sud néo-zélandaises pour mieux caractériser leur érosion et la formation des sols. En raison de mouvements
tectoniques actifs, cette région s’élève encore de nos jours (environ 1
cm par an), ce qui signifie qu’elle expose de plus en plus de roches
aux actions des éléments. D’autres arguments en font un site d’étude de
choix. Par endroit, il tomberait plus de 10 m de précipitations par an,
sur des pentes raides d’environ 35°.
Pour
mesurer la vitesse d’érosion des reliefs de cette chaîne montagneuse,
le chercheur et un acolyte ont été déposés par hélicoptère sur plusieurs
sommets, au-dessus de la limite supérieure des arbres. À chaque fois,
et durant trois jours, ils sont descendus à pied vers des sites propices
à la récolte d’échantillons de sol, avant d’en remonter 9 à 10 kg au
camp de base. Les prélèvements ont ensuite été rapportés en laboratoire,
où leur concentration en béryllium 10 (10Be) a notamment été mesurée.
Or, la production de cet isotope, qui est généré par le passage d’un
rayon cosmique, dépend de la vitesse d’érosion. Résultat : elle est par
endroit deux fois plus importante que la limite théorique précédemment établie à partir de mesures réalisées ailleurs dans le monde.
L’importante
production de sols dans les Alpes du Sud néo-zélandaises est également
liée à la végétation luxuriante fixée sur les pentes de certaines
montagnes, selon l’altitude. En effet, les racines peuvent fracturer la
roche. © Isaac Larsen
Les montagnes jeunes, des puits de carbone ?
Le taux d’érosion des sommets étudiés oscille entre 0,1 et 2,5 mm par an. À l’échelle des temps géologiques, il s’agit d’une vitesse considérée comme importante. Notons par ailleurs qu’elle diminue proportionnellement à l’épaisseur des sols. Concomitamment à ce phénomène,
les résultats démontrent également que le taux d’altération chimique
des roches est lié au taux d’érosion, ce qui a son importance dans des
problématiques climatiques.
Le réchauffement climatique en cours est entre autres lié à la présence d’importantes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Or, l’altération chimique des roches et la formation des sols s’accompagnent d’une capture progressive de ce gaz. Puisqu’elles seraient jusqu’à deux fois plus importantes que ce que l’on a cru par le passé, on peut s’interroger sur le rôle de puits de carbone des jeunes montagnes en cours de formation.
À l’avenir, des climatologues pourraient ainsi chercher à déterminer ou préciser le rôle de l’érosion des montagnes dans le refroidissement de notre planète. S’il s’avère qu’il n’est pas négligeable, il sera alors intéressant de se pencher sur le cas de l’Himalaya ou des monts Taïwanais, puisque ces montagnes présentes de nombreux points communs avec les Alpes du Sud néozélandaises. Par exemple, ces édifices sont eux-aussi toujours en cours de formation, tout en étant rapidement érodés.
Sources : http://www.sciencemag.org/content/early/2014/01/15/science.1244908 + http://www.futura-sciences.com/magazines/terre/infos/actu/d/geologie-record-erosion-montagnes-neozelandaises-51729/#xtor=RSS-8
YH
: notons que ces nouvelles données concernent aussi les archéologues
qui se servent parfois aussi des limites connues d'érosion sur certains
sites.
Yves Herbo-Sciences-F-H-01-2014
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