France : quand des anglaises voient des spectres
Le petit pavillon du jardin français du Petit Trianon et Marie-Antoinette
Le petit Palais du Petit Trianon, situé dans le parc du château de Versailles, à une quinzaine de kilomètres de Paris, fut construit par le célèbre architecte Ange-Jacques Gabriel (qui fit aussi entre autres la Place de la Concorde et l'Ecole Militaire) pendant les années 1760 pour le roi Louis XV, qui le destinait à sa favorite, Mme de Pompadour, qui décéda avant l'achèvement de son cadeau. Le Roi l'offrit donc à sa nouvelle maîtresse, Madame du Barry. Par la suite, il devint l'une des résidences favorites de l'infortunée Marie-Antoinette, l'épouse de Louis XVI exécutée pendant la Révolution française.
Le petit Trianon
Des années plus tard, le 10 août 1901, le Petit Trianon reçut la visite de deux touristes anglaises, Miss Charlotte Moberly, directrice d'un collège de jeunes filles d'Oxford, 55 ans, et Miss Eleanor Jourdain, son adjointe, 33 ans - deux femmes d'une grande intelligence jouissant d'une excellente réputation, filles de ministres anglicans renommés, les deux dames n’étaient guère portées sur l’occultisme et le fantastique. Elles voulaient, disaient-elles, garder intacte la foi inculquée par leurs pères.. Pendant qu'elles parcouraient ses jardins, elles y virent des gens et des aménagements qui, sur le moment, leur parurent réels quoique étranges, mais qui, par la suite, se révélèrent ne pas appartenir du tout au début du XXe siècle. Après avoir parcouru les salles du château, elles décidèrent de visiter les deux Trianon. « Elles sortirent du château par le passage habituel qui, à droite de la Cour de Marbre, mène au parc ; elles traversèrent le parterre d’eau, descendirent les marches du bassin de Latone ; elles longèrent le tapis vert et, suivant l’allée transversale qui part du bassin d’Apollon, elles tournèrent ensuite à gauche, empruntant l’allée qui passe sous le petit pont, laissant sur leur droite l’ancien Corps de Garde et l’enclos des Glacières. Elles pénétrèrent ainsi dans le domaine de la Reine par une porte voisine de la Maison du Jardinier. » (Guide de Versailles mystérieux, p. 275).
C'était une chaude journée d'août, et, selon le récit de Miss Jourdain, les deux visiteuses se dirigeaient vers le Petit Trianon lorsqu'elles prirent une allée latérale après avoir demandé leur chemin à deux hommes bizarrement vêtus de costumes verts et de tricornes. Miss Jourdain éprouva alors « une sensation d'abattement et de grande solitude » et commença à se sentir dans un « état de rêverie » très oppressant, comme si elle avait marché dans son sommeil. Les deux femmes aperçurent un bâtiment en face d'elles, sur les marches duquel était assis un homme portant une lourde cape sur les épaules et un grand chapeau rabattu. « A cet instant, écrivit Miss Jourdain, l'impression d'étrangeté que nous avions ressentie dans le jardin se transforma en un profond malaise, comme devant une chose mystérieuse et effrayante. L'homme tourna lentement la tête, montrant un visage au teint très sombre, marqué par la petite vérole. Son expression était sinistre, et même s'il ne nous apparut pas qu'elle nous était spécialement destinée, j'eus beaucoup de répugnance à passer devant lui. »
Effrayées, les deux Anglaises se retournèrent pour prendre la fuite. C’est alors qu’elles aperçurent un jeune homme semblant sortir de derrière un rocher. De par son allure, elles en déduisirent qu’il s’agissait d’un gentilhomme. Et, de fait, ce dernier, fort galamment, les mit en garde : « Mesdames ! Mesdames ! Il ne faut pas passer par là ! Par ici… Cherchez la maison », leur lança-t-il. Etrangement, ses pas firent, l’espace d’un instant, résonner le sol de l’allée déserte.
Passablement décontenancées, nos deux touristes suivirent le chemin indiqué par leur sauveur, empruntèrent un pont rustique qui enjambait le ruisseau et débouchèrent sur une prairie entourée de petites maisons. De là, elles parvinrent par le côté nord au Petit Trianon. C’est là que, sur une terrasse, elles virent une dame qui, tournant le dos aux visiteuses, semblait dessiner. Elle était blonde et portait un chapeau de paille, de même qu’une robe claire et légère. Au passage des deux Anglaises, déterminées à s’éloigner au plus vite de cette mystérieuse apparition, la dame au chapeau de paille leva la tête et les dévisagea. S’éloignant de celle-ci et évitant de lui adresser la parole, les deux visiteuses longèrent une terrasse et se retrouvèrent en surplomb de la cour d’honneur du Petit Trianon. Là, un étrange sentiment de tristesse les submergea à nouveau, et ce alors même qu’elles se sentaient entourées de « présences invisibles ».
Surgit alors un jeune homme aux allures de valet de pied, mais ne portant aucune livrée. En souriant, il dit aux deux dames d’entrer par la cour d’honneur et leur indiqua la bonne direction. Les deux Anglaises traversèrent le jardin français en sa compagnie, puis, ayant franchi une petite porte située à l’extrémité des Communs et permettant de passer du Jardin français à l’avenue des Deux Trianon, elles rejoignirent enfin le chemin qu’elles auraient dû suivre dès le début de leur curieuse promenade. Au moment précis où elles débouchèrent sur l’avenue, le sentiment de tristesse et d’angoisse qui n’avait cessé de les tourmenter, s’évanouit. Et les deux visiteuses eurent soudain l’impression d’avoir quitté un monde parallèle pour retrouver celui, bien tangible, de 1901, devant le Petit Trianon, à côté d’un groupe de promeneurs tout ce qu’il y a de vivants.
Miss Moberly et Miss Jourdain regagnèrent Paris, mais n’osèrent évoquer leur incroyable voyage qu’une fois rentrée en Angleterre. Elles admirent l’une et l’autre avoir eu l’impression d’avoir vécu une étrange expérience et conclurent en bonnes citoyennes anglaises que Trianon devait être hanté ! Pour elles, c’était évident : elles avaient vécu une expérience spatio-temporelle qui, l’espace d’un moment, avait fait se confondre le début du 20e siècle et la fin du 18e siècle. Toutefois, leurs observations différaient sensiblement : l’une avait vu la femme au chapeau de paille, mais pas l’autre, celle-ci avait vu la femme et la jeune fille vêtues de fichus blanc, mais pas celle-là. Aussi convinrent-elles de consigner par écrit, mais séparément, tout ce qu’elles avaient vu et entendu au Petit Trianon. Les deux récits, rédigés en 1901, sont conservés à la Bodleian Library. Ces récits furent publiés 10 ans plus tard sous le titre " Une Aventure". En définitive, à l’exception des deux observations précitées, toutes les autres concordent.
Le Moulin du Hameau de la Reine et le Salon de Mars au chateau de Versailles
DANS LE JARDIN CHINOIS
Elles pensaient que les scènes auxquelles elles avaient assisté dataient du temps de Marie-Antoinette. Une analyse détaillée des plans et des photos du parc montra cependant qu'elles y avaient vu huit aménagements qui ne s'y trouvaient ni en 1901 ni sous le règne de Marie-Antoinette, mais qui dataient d'une époque précédente. Les personnages qu'elles avaient croisés ne purent jamais être identifiés, mais elles avaient apparemment vu le « jardin anglo-chinois » tel qu'il existait en 1770.
Elles pensaient que les scènes auxquelles elles avaient assisté dataient du temps de Marie-Antoinette. Une analyse détaillée des plans et des photos du parc montra cependant qu'elles y avaient vu huit aménagements qui ne s'y trouvaient ni en 1901 ni sous le règne de Marie-Antoinette, mais qui dataient d'une époque précédente. Les personnages qu'elles avaient croisés ne purent jamais être identifiés, mais elles avaient apparemment vu le « jardin anglo-chinois » tel qu'il existait en 1770.
Des sceptiques ont suggéré que les deux femmes auraient pris pour des spectres du passé le comte Robert de Montesquieu et ses amis donnant un bal costumé dans les jardins au moment de leur visite. Mais Miss Moberly et Miss Jourdain n'étaient pas stupides, et qu'elles aient pu être trompées par une mascarade semble très improbable. Par ailleurs, cette « explication » ne tient pas compte du fait que les visiteuses ont vu le jardin tel qu'il était au XVIIIe siècle, ni des mésaventures semblables qui sont advenues à d'autres personnes, dans la même partie du parc, en 1910, 1938, 1949 et 1955, Eleanor Jourdain a également affirmé avoir eu des visions du passé à Oxford, en particulier celle d'une foule joyeuse, qui chantait et dansait en conduisant un condamné à mort à la potence.
Léon Rey, archiviste paléographe, et Pierre de Nolhac, spécialiste de Versailles, s’intéressèrent aussi à l’aventure des nos deux Miss. On reconnut bientôt, dans telle construction décrite par elles, le Jeu de Bague, un « kiosque de caractère chinois » effectivement construit à proximité du Petit Trianon, à la demande de Marie-Antoinette et achevé en août 1776.
D’autres témoins vinrent ensuite corroborer les dires des deux touristes Ainsi, la famille américaine Crooke, demeurant à Versailles, affirma avoir aperçu, à deux reprises, en 1908, un personnage semblant correspondre à la description de Marie-Antoinette, et avoir ressenti le même sentiment d’irréalité que les deux Anglaises. M. Crooke avait aussi aperçu un homme en costume du 18e siècle, portant un tricorne, et un autre jour, il entendit également jouer d’anciennes mélodies. Rappelons toutefois que les Crooke témoignèrent de tout cela en 1914, trois ans après la publication de An Adventure…En 1928, deux autres Anglaises affirmèrent avoir été également témoins de « manifestations étranges » au Petit Trianon. Il en fut semble-t-il de même, en 1955, pour un avoué Londonien et sa femme. Le peintre René Kuder (1882-1962) affirma quant à lui avoir aperçu Marie-Antoinette, sans tête ( !), pendant qu’il prenait des croquis à l’intérieur du Petit Trianon !
Des expériences du même genre ont été signalées en d'autres lieux. En 1916, par exemple, l'écrivain Edith Olivier, passant un soir de pluie près des mégalithes d'Avebury, dans le Wiltshire, y vit une foire battant son plein, avec des stands de tir et des balançoires, éclairée par des torches et des feux d'artifice. Ce ne fut que plus tard qu'elle apprit qu'aucune foire ne s'était plus tenue à Avebury depuis 1850, et que certaines des pierres dressées qu'elle avait remarquées n'étaient plus visibles depuis au moins cinquante ans.
LES ECHOS DE DIEPPE
Plus récemment, en 1951, une expérience du même ordre, mais nettement plus impressionnante, a été vécue par deux autres Anglaises venues passer leurs vacances d'été à Puys, un petit village côtier proche de Dieppe. Le 4 août 1951, vers 4 heures du matin, les deux belles-sœurs furent réveillées par une terrifiante canonnade, et pendant trois heures d'affilée elles perçurent distinctement les bruits d'une sanglante bataille - celle qui s'était déroulée neuf ans auparavant sur les plages de Dieppe, aux mêmes heures de la journée, le 19 août 1942. Elles entendirent le sifflement des bombardiers en piqué et les hurlements des blessés. De puissants bruits de moteurs retentirent à 5 h 07, à l'heure précise où les engins de débarquement avaient atteint la plage de Puys. A 5 h 40, au moment où le bombardement naval avait cessé, un silence se fit dix minutes plus tard, les femmes entendirent de nouveau des avions - à l'heure où étaient arrivés les renforts alliés.
Plus récemment, en 1951, une expérience du même ordre, mais nettement plus impressionnante, a été vécue par deux autres Anglaises venues passer leurs vacances d'été à Puys, un petit village côtier proche de Dieppe. Le 4 août 1951, vers 4 heures du matin, les deux belles-sœurs furent réveillées par une terrifiante canonnade, et pendant trois heures d'affilée elles perçurent distinctement les bruits d'une sanglante bataille - celle qui s'était déroulée neuf ans auparavant sur les plages de Dieppe, aux mêmes heures de la journée, le 19 août 1942. Elles entendirent le sifflement des bombardiers en piqué et les hurlements des blessés. De puissants bruits de moteurs retentirent à 5 h 07, à l'heure précise où les engins de débarquement avaient atteint la plage de Puys. A 5 h 40, au moment où le bombardement naval avait cessé, un silence se fit dix minutes plus tard, les femmes entendirent de nouveau des avions - à l'heure où étaient arrivés les renforts alliés.
après le Raid de Dieppe
Avec le recul du temps, le raid de Dieppe a été considéré comme une répétition indispensable du Jour J, sans laquelle le débarquement de juin 1944 n'aurait jamais pu réussir. Mais en elle-même, l'expédition fut un échec sanglant, au cours duquel furent tués ou blessés plus de la moitié des soldats britanniques et canadiens engagés dans l'assaut. Cette accumulation de souffrances a-t-elle laissé une trace dans l'atmosphère au lieu où s'est déroulé le drame ? Les deux femmes avaient certes lu des récits de la bataille, mais qu'elles aient pu inventer leur histoire en fournissant des détails aussi précis ne semble guère vraisemblable. La Société de recherche psychique, qui a étudié le cas, a conclu qu'il s'agissait d'une « authentique expérience psychique ».
Sources : Guide de Versailles mystérieux, Les Guides Noirs – Tchou Editeur, p. 267-284 / Les Fantômes du Trianon - Le grand livre du surnaturel, Richard Cavendish, p. 12-13, Sur Dieppe, plus complet ici : http://mystere-et-insolite.lo.gs/les-fantomes-de-la-royal-navy-a93393063
Yves Herbo, Sciences, Fictions, Histoires.com, 12,15-11-2015
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