Des datations de pétroglyphes changent la préhistoire humaine
Des symboles maintenant attribués aux Néandertaliens...
Ce sont deux nouvelles publications scientifiques qui viennent de toute façon confirmer de précédentes données ou même bouleverser notre réalité en ce qui concerne la préhistoire du genre Homo Sapiens. Ces publications sont lisibles dans Science Advances : Symbolic use of marine shells and mineral pigments by Iberian Neandertals 115,000 years ago et dans Science : U-Th dating of carbonate crusts reveals Neandertal origin of Iberian cave art.
Pour mémoire, historiquement parlant, les néandertaliens ont reçu au 20ème siècle l'appellation "Homo sapiens neanderthalensis" pour le distinguer de l'homme moderne, appelé "Homo Sapiens sapiens". Ces appellations ont été délaissées quelque peu depuis les dernières années car on ne considère plus néandertalien comme étant de la même espèce, mais néandertalien est toujours considéré comme l'un des plus proches "parents" de l'homme moderne (avec Homo Sapiens Idaltu, découvert en 2003 ?), un cousin issu du même ancêtre génétique. Notons tout de même qu'il a fallut attendre 2014 et 2017 pour avoir enfin un génome complet de Neandertal, ce qui a confirmé que 16 variantes génétiques de Neandertal se retrouvent chez l'Homme. Jusqu'à 2,6% de notre génome peut provenir de Néandertal, les Asiatiques en ayant la plus grande part. Encore à noter, alors que ces mêmes spécialistes semblaient donner comme ancêtre à Neandertal (et à nous !) Homo Heidelbergensis, ses tests ADN démontrent que ce n'est pas obligatoire : Les paléogénéticiens ont été surpris de constater que le génome mitochondrial d'Homo heidelbergensis était différent de celui d'Homo neanderthalensis, mais proche de celui de l'homme de Denisova...
Les scientifiques ne peuvent s'empêcher de constater que les études génétiques, au lieu d'éclairer et affiner les choses, découvrent plutôt des migrations plus anciennes que prévues, des branches génétiques inconnues ou insoupçonnées, des croisements de peuplades qui ne sont pas sur les mêmes continents d'après les données historiques... les choses sont beaucoup plus complexes en fait avec ces résultats génétiques.
Pour rappel également, de nombreuses études précédentes (voir en bas de l'article) amènent à penser que néandertalien était beaucoup plus proche, intellectuellement parlant, de l'homme moderne que soupçonné auparavant. De plus en plus de rapports vont dans le même sens : Neandertal était un artiste, mais aussi probablement un bâtisseur, un navigateur et un tisseur... et il se pourrait bien que lui et l'homme moderne (nous), tirions ces capacités intellectuelles d'un ancêtre commun, qui existait il y a 1 million à 600.000 années...
Une peinture symbolique/ figurative réalisée manuellement par des néandertaliens dans une grotte espagnole il y a 68 000 ans (grottes de La Pasiega, Maltravieso et Ardales). (CD Standish/ AWG Pike/ DL Hoffman)
Des peintures rupestres trouvées dans des grottes espagnoles ont été datées (les pigments) à au moins 68 000 ans avant maintenant, ce qui signifie qu’elles ont été faites 20 000 ans avant l’entrée (d'après les datations actuelles connues) des humains modernes en Europe. Par conséquent, selon une équipe dirigée par Dirk Hoffmann de l’Institut Max Planck pour l’anthropologie évolutionniste à Leipzig, en Allemagne, les artistes étaient néandertaliens. Les peintures, situées dans des grottes de La Pasiega, Maltravieso et Ardales en Espagne, ont fait l’objet d’une nouvelle étude.
Hoffman est également l’auteur d’une deuxième étude, qui analyse une collection de coquillages peints et perforés datant de 120 000 ans avant maintenant et trouvés dans un autre endroit d’Espagne, appelé Cueva de los Aviones.
Des coquilles peintes et percées de 120 000 ans, façonnées par des néandertaliens. (J. Zihao)
Les preuves de datation révèlent que les objets, comme les peintures, ont été façonnés plusieurs millénaires avant l’arrivée (supposée actuellement d'après les plus anciennes datations connues) de l’Homme Moderne, ce qui signifie qu’ils étaient également l’œuvre de Néandertaliens.
Hoffman et ses collègues notent que des découvertes similaires en Afrique, attribuées à des humains modernes, ont été acceptées sans controverse comme “des proxies pour un comportement symbolique (figuratif)”.
Hand stencil GS3b in Maltravieso cave (minimum age 66.7 ka). - (Left) Original photo. The inset shows where the overlying carbonate was sampled for MAL 13. (Right) Same picture after application of the DStretch software (25) (correlation LRE 15%, auto contrast) to enhance color contrast. See (20) for details.
Avec quelques exceptions contestées, ces symboles, des objets et des peintures par exemple, n’ont jamais été découverts en Europe datant d’avant 45000 ans. Ainsi, il a été supposé (par erreur) que la pensée et le langage symboliques (figuratifs) étaient du domaine exclusif de l’humanité moderne.
Les chercheurs affirment que les grottes d’Espagne contredisent de telles suppositions. La pensée symbolique semble aussi avoir été présente chez nos lointains cousins. Cela, selon eux, fait qu’il est «possible que les racines de la culture figuratives se retrouvent parmi l’ancêtre commun des Néandertaliens et des humains modernes, il y a plus d’un demi-million d’années».
Les peintures rupestres attribuées à Néandertalien comprennent des représentations en rouges et noirs d’animaux, des signes linéaires, des dessins en forme d’échelle (scalariformes) et des pochoirs à main.
peintures rupestres dans la grotte de La Pasiega. (C.D Standish/ A.W.G. Pike/ D.L. Hoffmann)
Afin d’établir leur âge, Hoffman et son équipe ont utilisé une méthode connue sous le nom de datation par l’uranium-thorium, qui établit l’âge sur la base des taux de désintégration fixes entre deux isotopes radioactifs : le thorium-230 et l’uranium-234. L’équipe a utilisé des carbonates récupérés directement au-dessous et au-dessus des peintures, révélant ainsi les dates les plus récentes de la mise en place du pigment. Dans les 3 localités, la plus récente date révélée remonte à environ 68 000 ans.
D’autres peintures connues ailleurs, remontant à 25 000 ans, montre que la peinture figurative pour les Néandertaliens n’était pas une mode de passage, mais une longue tradition établie.
Symboles néandertaliens peu interprétables - Un dessin fait en 1913 par Breuil de la paroi 78 à La Pasiega. Le scalariforme rouge, ou symbole de l’échelle, a au moins 64 000 ans, mais on ne sait pas si les animaux et les autres symboles ont été peints plus tard. (Breuil et Col.)
La datation des coquillages marins à Cueva de los Aviones présentait quelques problèmes, en grande partie parce qu’ils étaient intégrés dans un système rocheux qui avait été sujet à un affaissement il y a plusieurs milliers d’années. Certains coquillages ont été découverts en 1985 et laissés en place. Une étude menée en 2010 par João Zilhão de l’université de Barcelone en Espagne (un coauteur de la présente étude), les a identifiés comme étant d’origine néandertalienne, mais les datait d’il y a seulement 50 000 ans.
En établissant soigneusement la relation entre les couches de sédiments sur le site, puis en appliquant des techniques de datation thorium-uranium, l’équipe de Hoffman a proposé une date beaucoup plus fiable et beaucoup plus ancienne. Les coquillages datent tous d’une période de 5000 ans, située entre 115 000 et 200 000 ans avant maintenant...
La plage de dates est significative. Elle montre clairement que les objets ont été fabriqués avant l’arrivée des humains modernes dans la région. Cependant, elle les rend plus anciens que les premières œuvres figuratives humaines trouvées n’importe où dans le monde.
Hoffman et ses collègues notent que les premiers objets sud-africains découverts (et attribués à l'Homme Moderne) remontent à environ 79 000 ans. Une perle de coquillage trouvée dans la Grotte des Pigeons, au Maroc, est estimée à 82 000 ans et on pense que les coquilles perforées, trouvées dans la grotte de Qafzeh en Israël, ont 92 000 ans.
La découverte espagnole, selon les chercheurs, « prédit substantiellement … tout ce qui est comparable en Afrique ou en Asie occidentale à ce jour ».
Ceci, combiné à la preuve des peintures, concluent-ils, ne laisse aucun doute que les Néandertaliens partageaient une pensée symbolique (art figuratif) avec les premiers humains modernes et que, autant que nous puissions en déduire actuellement, les Néandertaliens et les premiers humains modernes étaient cognitivement indiscernables.
Yves Herbo : Les chercheurs confirment ce qui est soupçonné depuis le début du 21ème siècle grâce à la multiplication des découvertes allant dans le même sens (voir ci-dessous). Mais il convient d'être aussi prudent, car d'autres récentes découvertes, cette fois-ci sur l'ancienneté de l'Homme Moderne (située maintenant par certains anthropologues comme étant entre 500.000 ans et 300.000 ans avant maintenant avec les découvertes faites au Maroc et en Israel), pourraient faire que l'Homme Moderne soit aussi ancien que néandertalien... et pourrait également avoir pénétré en Europe bien plus tôt qu'imaginé jusqu'à présent... sans compter le mystère des Denisoviens sibériens, qui pourraient avoir eu les mêmes capacités, et plus tôt encore que les deux cités, ainsi que la présence d'un possible ancêtre en Europe...
Sources :
http://science.sciencemag.org/content/359/6378/912.full
http://advances.sciencemag.org/content/4/2/eaar5255
Liens vers les études sur les néanderthaliens présentes sur ce blog :
Yves Herbo et traductions, Sciences-Faits-Histoires, http://herboyves.blogspot.com/, 24-02, 03-03-2018
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