Proxima Centauri : un signal radio étrange de plus
Proxima Centauri (ESA/HUBBLE-NASA), l'étoile la plus proche de nous
Historiquement parlant, c'est le troisième signal de cette sorte qui est maintenant détecté en provenance de l'espace : des signaux ayant des caractéristiques techniques, distances et fréquences entrant dans le domaine de l'artificiel possible, et non encore résolus. Les milliers de “sursaut radio rapide” (FRB) maintenant repérés et même dans notre galaxie, ont pu être identifiés comme provenant de magnétars (des sortes de cadavres d'étoiles) disséminés dans l'univers visible. Mais deux signaux posaient encore question à la science, jusqu'au nouveau de Proxima Centauri, celui de "WOW !", dont j'ai parlé ici : https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/astronomie-espace/le-signal-spatial-non-identifie-wow-localise.html
et celui de "SHGb02 + 14a": En mars 2003 Le projet Seti @ home, géré par l'Université de Californie à Berkeley avec des observations du radiotélescope Green Bank et du télescope Arecibo récemment effondré (mais qui va être reconstruit à priori), a également découvert un signal intrigant. La rafale d'ondes radio de 1420 MHz, connue sous le nom de SHGb02 + 14a, a été observée trois fois avant de disparaître. Le signal se trouve dans la zone tranquille du «trou d'eau» du spectre électromagnétique, que les scientifiques considèrent comme une bande intéressante pour les civilisations extraterrestres pour diffuser des signaux interstellaires.
La bande de ciel étudiée par Arecibo : la trainée bleue foncée est notre galaxie, la ligne pourpre est la ligne de visée du télescope pour repérer les signaux radios.
" La tempête avait été déclenchée par un article du magazine New Scientist, qui a rendu compte du signal candidat le plus prometteur de SETI @ home à ce jour, et a spéculé sur ses origines possibles. Comme tous les 5 milliards de signaux potentiels de SETI @ home, ce candidat, étiqueté SHGb02 + 14a, s'est vu attribuer un score numérique représentant la probabilité statistique qu'il s'agit bien d'un signal extraterrestre intelligent. Son score relativement élevé l'a placé parmi les 200 «meilleurs candidats» sélectionnés pour les séances de réobservation ciblées qui ont eu lieu en mars 2003 à l'Observatoire de la radio d'Arecibo. Cependant, de tous les candidats ciblés lors des séances, SHGb02 + 14a était l'un des très rares à être confirmé lors des réobservations, et le seul dont le score à l'issue des séances a effectivement augmenté.
Bien que cela rende SHGb02 + 14a intéressant, les chances qu'il représente réellement un signal intelligent de l'au-delà restent extrêmement minces. Le hasard seul rendrait probable qu'au moins un des milliards de candidats détectés par SETI @ home soit observé à trois reprises, comme ce fut le cas pour ce candidat. De plus, comme nous l'avons signalé dans la mise à jour SETI @ home du 17 mai 2004, le fait que la fréquence de ce candidat dérive rapidement rend extrêmement improbable qu'il s'agisse d'une transmission d'extraterrestres. A cause de la dérive, a expliqué Werthimer, «si nous avions regardé le ciel même quelques secondes plus tard, nous n'aurions pas trouvé de correspondance» pour ce candidat. Un signal qui dérive si rapidement qu'il ne peut être entendu que quelques secondes à la fois à une fréquence donnée ne peut être détecté que par chance aveugle.
De plus, David Anderson, directeur du projet SETI @ home, de l'UC Berkeley, a souligné que SHGb02 + 14a est un candidat d'un type connu sous le nom de «gaussien à correction barycentrique». Une véritable transmission de ce type, a-t-il expliqué, resterait dans une fréquence à bande étroite plus ou moins fixe, et ne dériverait pas rapidement comme ce signal."
http://seticlassic.ssl.berkeley.edu/Candidates/SHGb02+14a/SHGb02+14a.html
" La fréquence du signal a une dérive rapide, ce qui correspondrait à son émission depuis une planète en orbite près de 40 fois plus vite que la Terre autour du Soleil. Chaque fois que le signal était détecté, il était à nouveau à environ 1420 MHz, la fréquence d'origine avant toute dérive."
Alors que les études sur le signal WOW ! aient repris suite aux dernières publications (voir lien de l'article mentionné plus haut et plus bas), voilà donc qu'une autre publication annonce la détection d'un signal radio inattendu en provenance du système stellaire le plus proche du nôtre, le triple système Alpha du Centaure, dont la plus proche de ses trois étoiles par rapport au Soleil s'appelle Proxima Centauri, une naine rouge autour de laquelle tourne pour l'instant deux planètes, dont l'une légèrement plus grosse que la Terre et dans une zone à priori habitable. Inutile de dire qu'un tel signal, possédant un certain pourcentage de possible artificialité, dans le voisinage immédiat de notre propre planète, paraît peu probable selon nos critères actuels et connaissances, y compris des lois du hasard.
Cette fois-ci, un faisceau étroit d'ondes radio a été capté pendant 30 heures d'observations par le télescope Parkes en Australie en avril et mai de l'année dernière (2019). L'analyse du faisceau est en cours depuis tout ce temps et les scientifiques n'arrivent pas encore à identifier un coupable terrestre tel qu'un équipement au sol ou un satellite de passage.
Lire la suite ci-dessous :
Le dernier «signal» est susceptible d'avoir une explication banale bien sûr, mais la direction du faisceau étroit, autour de 980 MHz, et un changement apparent de sa fréquence dit cohérent avec le mouvement d'une planète ont ajouté à la nature alléchante de la découverte. Les scientifiques préparent actuellement un article sur le faisceau, nommé BLC1, pour Breakthrough Listen, le projet de recherche de preuves de la vie dans l'espace.
Le faisceau qui semble provenir de la direction de Proxima Centauri, une étoile naine rouge à 4,2 années-lumière de la Terre, n'a pas été repéré depuis l'observation initiale, selon un individu de la communauté astronomique qui a demandé l'anonymat car le travail est en cours. « C'est le premier candidat sérieux depuis le 'Wow! signal », ont-ils dit.
Lancé en 2015 par Yuri Milner, un investisseur scientifique et technologique basé dans la Silicon Valley, le projet Breakthrough Listen écoute le million d'étoiles les plus proches de la Terre dans l'espoir de détecter des émissions extraterrestres errantes ou intentionnelles. L'effort de 10 ans a été annoncé à la Royal Society de Londres lorsque le regretté Stephen Hawking a qualifié l'œuvre « d'une importance critique ». S'exprimant lors de l'événement, Hawking, qui a vu l'avenir de l'humanité dans les étoiles, a déclaré: « L'humanité a un besoin profond d'explorer, d'apprendre, de savoir. Nous sommes également des créatures sociables. Il est important pour nous de savoir si nous sommes seuls dans l’obscurité. »
Le défi pour les astronomes sur Breakthrough Listen, et d'autres consacrés à la recherche d'une vie intelligente dans les cieux, est de repérer les « technosignatures » potentielles parmi le babillage incessant des ondes radio provenant des équipements sur Terre, des phénomènes cosmiques naturels et du matériel en orbite autour de la planète.
Bien que trop faible pour être vu à l'œil nu, Proxima Centauri a fait l'objet d'un examen minutieux de la part des astronomes. Au moins deux planètes sont connues pour orbiter autour de l'étoile. L'une est une géante gazeuse et l'autre serait un monde rocheux environ 17% plus massif que la Terre. Connue sous le nom de Proxima b, la planète contourne son étoile tous les 11 jours et se trouve dans la soi-disant «zone habitable», où la température est idéale pour que l'eau coule et s'accumule.
Mais cela ne signifie pas que de l'eau est présente sur Proxima b. Malgré son emplacement apparemment confortable, la planète pourrait bien être hostile à la vie. En 2017, des scientifiques de la Nasa ont utilisé des modèles informatiques pour montrer que si Proxima b avait une atmosphère semblable à la Terre, elle pourrait facilement être dépouillée par le rayonnement intense et les éruptions solaires déclenchées par son étoile mère. Sous ces coups, la planète vieille de 4 milliards d'années aurait pu perdre toute son atmosphère en 100 millions d'années. Cependant, le suivi des études de cette naine rouge pourrait démontrer qu'elle pourrait faire partie des "très calmes", à voir !
Pete Worden, ancien directeur du centre de recherche Ames de la Nasa en Californie et directeur exécutif des Breakthrough Initiatives, a déclaré qu'il était important d'attendre et de voir ce que les scientifiques du projet ont conclu: « L'équipe Breakthrough Listen a détecté plusieurs signaux inhabituels et étudie attentivement. Ces signaux sont probablement des interférences que nous ne pouvons pas encore expliquer complètement. Une analyse plus approfondie est actuellement en cours. »
Contrairement aux ondes radio produites naturellement par le cosmos, les chuchotements extraterrestres ressembleraient beaucoup aux transmissions que les humains utilisent pour communiquer. De tels signaux couvriraient une gamme très faible de fréquences radio. Ils présenteraient également une « dérive » caractéristique indicatrice d’un rapprochement ou d’un éloignement de la source par rapport à la Terre. Cet indice permettrait donc de savoir si la source radio provient d’un objet cosmique éloigné, comme une planète orbitant autour d’une étoile.
« Seule la technologie humaine semble produire de tels signaux », souligne Sofia Sheikh. « Notre WiFi, nos antennes-relais de téléphonie mobile, nos GPS, nos radio-satellites, tous émettent des signaux qui ressemblent exactement à ceux que nous recherchons. C’est pourquoi il est très difficile de déterminer si quelque chose provient de l’espace ou d’une technologie humaine ».
Au fil des décennies, les astronomes ont détecté de nombreux signaux candidats. Certains provenaient de sources astronomiques précédemment inconnues, comme les pulsars, ces corps d’étoiles mortes tournant rapidement sur eux-mêmes qui diffusent des ondes radio dans le cosmos. Les premiers sursauts radio rapides connus, de brèves explosions d’ondes radio toujours aussi mystérieuses, étaient dans un premier temps considérés comme des signaux artificiels (mais maintenant comme des magnétars). Les perytons, signaux provenant d’explosions moins puissantes d’émissions radio, ont également suscité de nombreuses interrogations, jusqu’à ce que les scientifiques découvrent leur origine : le four à micro-ondes.
Malgré un signal faible, BLC-1 a passé tous les tests utilisés par l’équipe Breakthrough pour filtrer les millions de signaux générés par les humains. Sa largeur de bande était étroite, sa fréquence semblait dériver et il a disparu lorsque le champ de mire du télescope a été déplacé sur un autre objet que Proxima. Au cours des jours suivants, quatre signaux similaires ont été détectés. Certains d’entre eux étaient cependant des interférences radio et ont été écartés.
« Notre algorithme est très optimiste quant à ce qui peut relever de la technologie extraterrestre », explique Sofia Sheikh. « Mais cette découverte est passionnante, car c’est la première fois que nous parvenons à l’étape où l’algorithme trouve quelque chose de vraiment intéressant ».
Seth Shostak, de l’Institut SETI, estime que si, contre toute attente, BLC-1 est une carte postale provenant de notre système stellaire voisin, alors, d’un point de vue statistique, la Voie lactée doit être remplie de civilisations qui communiquent. « Dans ce cas, il y aurait plus d’un demi-milliard de sociétés au sein de notre propre galaxie. C’est énorme ».
« Il a des propriétés particulières qui l'ont amené à passer bon nombre de nos contrôles, et nous ne pouvons pas encore l'expliquer », a déclaré Andrew Siemion, chercheur principal de Breakthrough Listen, à Jonathan O'Callaghan et Lee Billings pour Scientific American. BLC-1 est un faisceau étroit d'environ 982 mégahertz. Ce signal est une fréquence beaucoup plus étroite que ce que les scientifiques peuvent généralement observer à partir d'appareils fabriqués par l'homme comme les satellites et les engins spatiaux.
De plus, il y a un décalage apparent de la fréquence du faisceau, ce qui rend la découverte particulièrement convaincante car elle imite la dérive observée lorsque les planètes en mouvement émettent des signaux. « C'est le signal le plus excitant que nous ayons trouvé dans le projet Breakthrough Listen, car nous n'avons jamais eu de saut de signal à travers autant de nos filtres auparavant », Sofia Sheik, étudiante diplômée de la Pennsylvania State University et membre de l'équipe Breakthrough dirigeant l'analyse du signal.
« Je pense que nous finirons par nous convaincre que [BLC-1] est une interférence », déclare Andrew Siemion. « Cette observation aura pour résultat final de rendre nos expériences plus efficaces à l’avenir ».
Bien que la fréquence d'oscillation aide les scientifiques à écarter une explication terrestre du signal, le faisceau pourrait provenir d'un satellite mobile ou d'un autre appareil. Avec le grand volume de technologie spatiale en orbite autour de la Terre et au-delà, il peut être extrêmement difficile de déterminer quels signaux peuvent ne pas être d'origine humaine, écrit l'astronome Seth Shostak.
L’équipe rédige actuellement deux publications qui décrivent le signal, ainsi qu’une analyse de suivi encore inachevée, qui sortiront en 2021. (L’annonce de la détection a été révélée par le journal The Guardian avant que l’étude ne soit prête pour publication...).
« S'il y avait une vie intelligente là-bas, elle se serait certainement répandue beaucoup plus largement à travers la galaxie. Les chances que les deux seules civilisations de toute la galaxie soient voisines, parmi 400 milliards d'étoiles, repoussent absolument les limites de la rationalité.
Ce ne sont pas seulement les statistiques qui semblent mauvaises. Proxima b est si proche de son étoile parente qu'elle est verrouillée, comme la lune l'est sur la Terre. Un côté est le jour éternel, l'autre dans l'obscurité perpétuelle. « Il est difficile d'imaginer comment vous pouvez avoir un système climatique stable et tout ce dont vous avez besoin pour obtenir des bactéries, qui sont robustes, jusqu'aux formes de vie animales intelligentes, qui ne le sont certainement pas », a ajouté Lewis Dartnell, astrobiologiste et professeur de communication scientifique à l'Université de Westminster. « Mais j'aimerais avoir tort. »
https://www.nationalgeographic.fr/espace/mysterieux-signal-radio-detecte-pres-de-proxima-centauri
https://www.nytimes.com/2020/12/31/science/radio-signal-extraterrestrial.html
Archives sur les signaux de l'espace :
https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/sciences/histoires-de-la-science-les-pulsars.html
https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/sciences/histoires-de-la-science-un-pulsar-russe.html
Yves Herbo et traductions, Sciences-Faits-Histoires, 05-01-2021, 10-02-2021
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