Cultes et sacrifices humains en Europe
Le portique de Roquepertuse, (vers aix en Provence), Musée Borély, Marseille, IIIe siècle Av. JC
Lorsque l'on fait une recherches de données concernant les sacrifices humains sur internet et les médias, on tombe invariablement en tête des données sur les sacrifices humains pratiqués par les anciennes civilisations précolombiennes des Amériques centrales et du sud. Ceci étant tempéré par le fait également prouvé que certaines de ces cultures ont préféré utiliser des figurines pour sacrifier aux dieux et qu'il n'est pas non plus prouvé que cette pratique ait été constante et le fait de tous les rois et élites religieuses sur la longueur temporelle. Mais il y a un fait tout aussi certain, c'est que les choses ont été "pires" à ce niveau parmi les cultures protohistoriques en Europe, du bassin méditerranéen, et en Asie (d'où proviennent d'ailleurs logiquement les pratiques perpétuées par les amérindiens des Amériques, puisqu'ils en venaient).
En effet, de nombreuses découvertes et études nous prouvent indéniablement que le sacrifice humain et par exemple le culte des têtes coupées, était très répandu en Eurasie et le bassin méditerranée, de la fin du néolithique jusqu'à l'Antiquité et même le Haut-Moyen-Age. Les pratiques des Gaulois par exemple, au sujet du culte des têtes coupées sont de plus en plus documentées, mais également au niveau des Ibériques par exemple. L'Europe ayant fait l'objet de plusieurs migrations préhistoriques et historiques, les origines de ce type de culte aux dieux sont assez mal définies, la probabilité étant que ses origines proviennent de l'Est (Caucase, Asie Mineure, Inde), origine de toutes ces migrations.
Une récente étude par exemple, semble prouver que 500 mots gaulois sont semblables au langage dravidien, une vaste culture provenant de la région Inde-Pakistan, qui a migré vers les Balkans et la Mer Noire (y répandant entre autres des symboles de paix comme la swastika, à priori de façon pacifique, influence et symboles que l'on retrouve jusqu'à l'ouest de l'Europe, semblant possiblement indiquer les origines des Gaulois et Celtes (ces derniers ayant intégré auparavant le dravidien). Une étude encore actualisée en ce moment, dans laquelle certaines de mes recherches et compilations de données ont d'ailleurs été intégrées :
nos-ancetres-les-gaulois-les-slaves-et-l.pdf (1.14 Mo)
Des anciens textes connus nous parlent de ces pratiques de sacrifices humains et cultes liés, les exemples ne manquent pas : la page de ce site recense 26 citations antiques nous parlant de ces pratiques sacrificielles : http://www.arbre-celtique.com/approfondissements/druidisme/inventaire-txt/sacrifices-hum.php
Les recherches et études ne sont pas toutes récentes (voir plus bas pour des études récentes), puisque cette publication scientifique datée de 1903 en parle déjà :
REMARQUES SUR LA PLUS ANCIENNE RELIGION GAULOISE (Suite) 1
Rites
Sacrifices humains et suicides. — Le plus célèbre (2) des rites gaulois, et en réalité le plus banal de tous, fut celui des sacrifices humains «pour apaiser les dieux» 3. Les textes le mentionnent dès l'année 277 4 chez les Galates (Celtes) de Grèce et d'Asie, et nous le retrouverons peu à peu chez toutes les hordes de la race (nous sommes en 1903 - la notion de race a toujours cour).
De toutes les variétés du sacrifice humain 5, nous ne connaissons, dans les temps anciens, que ce qu'on peut appeler le sacrifice de guerre pour la nation tout entière 6.
1. Voyez Revue des Études anciennes, les trois derniers fascicules de 190a, I. IV, p. 101-114, 217-234 et 71-286.
2. C'est le gros reproche que leur fait Cicerón, Pro Fonteio, X, ai ; mais il ne faut pas oublier que le Pro Fonteio est un plaidoyer contre les Gaulois.
3. Cicerón : Si quando aliquo meta adducti deos placandos esse arbitrantur... Deos immortales arbitrentur hominum scelere et sanguine facillime posse pl acari. — Cf. Lucain, I, 444-5 : Inmitis placatur sanguine diro Teutates; César, VI, 16, 3: Nisi non posse deorum immortaliam numen plac ari arbitrantur (remarquez la ressemblance qui existe entre le texte de César et celui de Cicerón). — Jusqu'à preuve du contraire,
on peut penser que ces victimes humaines étaient destinées seulement aux plus grands dieux, " aux dieux communs " de la nation (cf. Revue, 1903, p., 220); chez les Germains, Tacite ne parle que de sacrifices à Mercure (Germanie, IX), ou à des dieux fédéraux (XXXIX).
4. Justin, XXVI, 2. On remarquera avec quel soin la tradition du Brennos de l'Allia, que j'ai toujours soupçonnée d'avoir été retouchée par un Gaulois, écarte tout sacrifice sanglant des détails de cette geste.
5. Sacrifice « pour la santé » d'un homme (César, VI, iG, 2); sacrifice « judiciaire » de condamnés (VI, 16, 5; Diodore, V, 3a); sacrifice « d'expiation » pour sacrilège (VI, 17, 5; Strabon, IV, 4, 6); etc.
6. Für das Volk, comme dit Grimm (p. 36), traduisant le coeso publiée de Tacite,Germanie, XXXIX.
Ce sacrifice lui-même se présente sous deux formes et à deux moments différents. — Avant la bataille 1, si les présages sont trop menaçants, les Gaulois égorgent jusqu'à leurs femmes et leurs enfants, « pour racheter leur vie et la victoire 2, » ce qui n'exclut pas, sans doute, d'autres victimes humaines d'importance moins grande. C'est ce que firent les Galates avant leur grand combat contre Antigone, en 277. Le sacrifice de ces vies était donc à la fois un rachat d'autres vies que les dieux paraissaient désirer, et un achat de la victoire. — Après la bataille, s'ils sont vainqueurs, ils sacrifient leurs prisonniers, comme récompense de l'appui que les dieux leur ont accordé 3.
Si les Gaulois sont vaincus, il arrive assez fréquemment qu'ils égorgent les blessés et s'égorgent eux-mêmes : « affaissé jusqu'à la mort, » dit Diodore du vaincu de Delphes, « Brennos rassembla ses hommes, et, s'entretenant avec eux, il leur conseilla de le tuer, lui et les blessés; » conseil qui fut suivi en ce sens que Brennos s'égorgea et que son successeur fit mourir les blessés et les éclopés, au nombre, dit-on, de vingt mille 4. Je ne doute pas que ce formidable égorgement et que ce suicide du chef n'aient été parfois une manière de sacrifice.
Dessin B. Lambat - Site JF Bradu
1. Cf. chez les Sicambres (Florus, II, 80, a4) : Viginti centarionibus in crucem actis hoc velut sacramento sumpserunt bellum. C'est pour cela que les supplices ordonnés par Vercingétorix avant la campagne de 5a (César, VII, 4 et 5) doivent être regardés comme des sacrifices.
2. Le caractère religieux de ce massacre est indiqué par Justin (XXVI, a), c'est-à dire, ne l'oublions pas, par le Gaulois Trogue. Pompée : Extis cum magna caedes interitusque omnium praediceretur, non in timorem, sed in furorem versi, sperantesque deorum minas expiari caede suorum posse, conjages et liberos trucidant... Itaque quasi scelere vitam victoriamque redemissent... Cf. César, VI, 16, 3 : Pro vita hominis nisi hominis vita redditur. — Comme sacrifices de victimes semblables, c'est-à-dire choisies, en cas de grand péril, dans la parenté môme, voyez celui de Mésa le Moabite (II Rois, III, 27); celui de Hakon en Norvège (Golther, p. 55a). Celui de Jephté (Juges, XI) est un sacrifice après voeu, ce qui n'est pas la même chose. Tylor (Histoire de la Civilisation, trad, fr., t. II, p. 5 12 et 519) croit que « les plus frappants
de ces exemples » de victimes prises dans la parenté « se rencontrent chez les peuples sémitiques »; mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas là une illusion de tradition, et que les Sémites aient été plus enclins que d'autres à ce genre de sacrifices. — Voyez, à propos de ces passages, les théories nouvelles de MM. Hubert et Mauss sur le sacrifice (Année sociologique, t. II, 1897-8, notamment p. i34).
3. Nous verrons plus loin les différentes catégories de ces sacrifices après la guerre.
4. Diodore, XXII, 9; Pausanias, X, a3, G. — De même chez les Bretons, vaincus par Agricola, constabat saevisse quosdam in ron juges ae Uheros, tanquam misererentur (Tacite, Agricola, XXXVIII).
L'échec était une preuve que les victimes d'avant le combat n'avaient point été agréées par les dieux 1, ou que la lutte avait été entachée par une faute religieuse qu'il fallait expier 2. La certitude de la défaite, du désarmement et de l'esclavage était souvent, chez les Gaulois, le signal du suicide collectif, consommé dans une sorte de délire sacré 3.
Le suicide, même en temps de paix, fut un acte si commun chez les Gaulois qu'il est bien difficile de ne pas voir en lui une variété du sacrifice, soit spontané, soit plutôt provoqué par la conviction que les dieux l'exigeaient.
1. Les premières victimes n'ayant pas plu à Odin, Éric le Suédois lui promet, en échange de la victoire, sa propre mort ou son suicide au bout de dix ans (Golther, p. 55a). Comparez la devotio de Décius en 340 (Tite-Live, Vili, g): les victimes ne sont qu'à moitié favorables; le premier engagement est un échec, alors Décius « se dévoue ».
2. Les Grecs paraissent bien avoir attribué au suicide de Brennos un motif religieux, « la volonté d'un dieu » outragé, mais, il est vrai, d'un dieu grec. Valère-Maxime, I, i, g : Apollinis tempïum ingressus, dei volúntate in se manus vertit; Pausanias, X, a3, ia : Τή ot'tôoï πλέον. Cf., note 3, le suicide des Sénons, regardé comme une δίκη. — II est possible, cependant, qu'il y ait eu souvent un motif plus humain à ce suicide ou à cet égorgement. Je remarque que Brennos et Cichorios firent mourir les blessés avant de εϊς οικεία έπανελθεΐν (Diodore, XXII, 9), et que les Sénons s'entre-égorgèrent ούκ ε'χοντες £τι πατρίδας ες δς διαφύγωσι (Appien, Celtica, XI) : la mort fut donc peut-être pour eux soit un moyen de revivre, mais libres et en armes, dans le séjour des morts, soit de revenir simplement chez eux par voie de migration dans d'autres corps, comme ces nègres esclaves qui se suicidaient pour renaître dans leur propre pays (Tylor, II, p. 6).
3. J'emprunte ces expressions à Appien, Celtica, XI, parlant du suicide des Sénons en 283 : Τστερον δε Σένονες ουκ έχοντες 'έτι πατρίδας ες ας διαφΰγωσι, συνέπεσον ες χείρας υπό τόλμης τω Δομετίω, κα\ ήττώμενοι σφδς αυτούς ύ π 'οργής διεχρώντο μα-νικώς, et Appien ajoute: Κα\ δίκη μεν ήδε παρανομίας. Le récit est répété dans les mêmes termes Samnitica, VI. — En 225, en Cisalpine, Άνηρόεστος εί'ς τίνα τόπον συμφυγών μετ' ολίγων προσήνεγκε τας χείρας αυτω κα\ τοις αναγκαίο ις (Polybe, II, 3 1). — Les Galates en 189 (Florus, I, 37 — II, 11,6): Alligati miraculo quidam fuere, cum catenas morsibus et ore temp tassent, cum offocandas invicem fauces praebuissent. — Les Gaulois (ou Ligures) des Alpos, en 118 (Orose, V, i4, 5) : Cum se... bello impares fore intellegerent, occisis conjugibus ac liberis, in flammas sese projecerunt ; qui vero... capti fuerant, alii ferro, alii suspendió, alii abnegato cibo, sese consumpserunt. — Des Celtibères en 195 se suicident, parce qu'on leur enlève leurs armes, nullam vitam rati sine armis esse (Tite-Live, XXXIV, 17). — Silius Italiens dit à peu près de même des Cántabros (III, 329-331) : Nec vitam sine Marte pati. Il s'agit, dans ce cas, du suicide des vieillards, contraint ou spontané (cf. Schrader, p. 36). — Voyez ce que dit Nicolas de Damas des Ombriens, apud Stobée, VII, 3g. — Suicide collectif des Numantins en 133: Rhoecogene duce... in ultimara rabiem furoremque conversi (Florus, I, 34 = 11, 58, 15; Appien, Hispánica, XCVI). — Suicide des Vénètes, en 56: Dion Cassius, XXXIX, A3 (détail qui ne se trouve pas chez César). — Suicide de Cantabres au temps d'Auguste (Florus, II, 33, 50; Strabon, III, 4, 17)· — Suicide de Sacrovir et de ses compagnons en 21 ap. J.-C. (Tacite, Annales, III, 46): Illic sua manu, reliqui mutuis ictibus occidere : incensa super villa omnes cremavit.
— Suicides individuels de Gaulois :
César, I, 4, 4?; VI, 3i, 5; Hirtius, Vili, 44, a; Plutarque, Virtutes mulierum, XX; Amatorius, XXII; Tacite, Annales, III, 4a*, etc. — Strabon fait justement remarquer (III, 4, 17), a propos du suicide des Cantabres, que cela n'est point le propre d'une race : Κοινά δέ χα\ ταΰτα προς τα Κελτικά εΌνη χα\ τα θράκια κα\ Σκυθικά.
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