Le lac sacré, un conte de Loussiné Terteryan
Photo : YsaArt (merci)
Auteure de contes et d'un livre publié (La plume magique), Loussiné Terteryan a également publié récemment un article ici sur les légendes arméniennes et une recherche :
La revoici avec un conte issu de son imagination mais empruntant son art aux légendes de l'Arménie, dont elle m'a proposé sa publication ici.
Le lac sacré
… Loin très loin, derrière des vallées qui se trouvent derrière des monts couverts de neige éternelle, il existe un lac situé sur le Père Montagne. Ceux, qui l’ont vu, racontaient qu’il était le plus haut placé et le plus beau de tous les lacs de la planète. L'histoire de la naissance du lac est due à l’amour du Père Montagne et d’une étoile perdue dans le ciel nocturne et tombée dans ses bras.
Le jour, lorsque les dieux retrouvent leur étoile perdue, l'obligent à retourner à sa place dans le ciel. Elle résiste mais enfin cède. La veille de son retour, le cœur d’étoile s’alourdit et elle commence à pleurer. Les larmes d’étoile débordent sur la cime de la Montagne: le lendemain à l’aube, le cœur de Montagne fut creusé et un lac de larmes de sa bien-aimée s’était formé : le lac sacré....
-Comment as-tu appris cette histoire, grand-mère ? - demanda Annie à sa grand-mère qui était en train de lire cette incroyable histoire.
-C’est ma grand-mère qui me l’a racontée - répondit la grand-mère.
-Et elle ? D’où elle l’a apprise, elle-même ? - redemanda Annie.
-De sa grand-mère - dit la grand-mère. Et ajouta, - cette dernière l’a apprise de sa grand-mère et ainsi de suite. Et nous ne saurons jamais qui l’a racontée pour la première fois. Mais veux-tu savoir ce qui s’est passé ensuite ?
-Oui ! Bien sûr, vas-y raconte-moi, s’il te plait.
L’étoile qui s’appelait Astghik n’arrivait pas à oublier la Montagne. Et un jour elle réussit à échapper à la vigilance des dieux et aller rendre visite à son amoureux. C’est ainsi qu’elle a pris l’habitude d’attendre que tous les dieux s’endorment pour pouvoir courir vers la montagne chaque minuit.
Lorsqu’elle se précipitait vers la Montagne ses cheveux en feu illuminait le ciel nocturne et à chaque fois, lorsqu’elle courait, on pourrait voir l’astre qu'on croyait tomber. Après avoir retrouvé le Père Montagne, le matin avant que les dieux ne se réveillent, elle s’envolait et reprenait sa place au ciel.
Mais un jour un des dieux maléfiques qui ne dormait pas cette nuit-là, repéra et découvrit le secret des amoureux. Ainsi il observait les rencontres cachées de la Montagne et de l’Etoile. Ce fut le dieu le plus jaloux de tous qui se nommait Vishap.
Une fois, il se transforma en dragon et alla se cacher dans les alentours du lac sacré. Comme le lac était la fille de la Montagne et d’étoile, elle comprit le plan de Vishap.
Quand la nuit tomba, comme d’habitude, Astghik se précipita vers la Montagne et sa fille le lac sacré.
"lac sacré-le dragon se cache" - Photo YsaArt (merci)
Donc cette nuit-là, comme on peut deviner, tout n’allait pas se passer comme c’était prévu. L’Etoile descendit sur la cime de la Montagne et se pencha pour donner un bisou à sa fille le lac sacré et c’est ainsi qu’elle lui montra le reflet du dragon caché.
Astghik poussa un cri et s’évanouit. Le dragon l’attrapa et l’enleva dans les profondeurs des eaux du lac.
-Où il l’a emmenée ? Raconte, s’il te plait, grand-mère - demanda Annie.
-Aie patience, dit la grand-mère. Et en arrangeant ses lunettes, continua.
...La douleur qui débordait la fille lac lui faisait pleurer des jours entiers. C'est ainsi qu’un jour, les eaux du lac sortirent de leurs bords et partirent en bas de la montagne. Les eaux donnèrent naissance à une belle cascade et une rivière.
À son tour, le Père Montagne souffrait à cause de sa séparation avec son étoile ainsi que de la peine de sa fille-le lac. Il ne pouvait plus supporter cette situation. Il cherchait à trouver comment sauver son amour et retrouver le calme.
-Et qu’est-ce qu’il a fait ? - demanda Annie impatiente.
-Tu verras bien. Le Père Montagne devrait trouver une issue. Il était immense, poussant mais il était immobile, ce qui à son tour, le rendait faible dans ces circonstances. Donc il réfléchissait jour et nuit à comment pouvoir sortir de son corps de montagne.
-Est-ce possible ? - cria Annie.
-Bien sûr, ma chérie - répondit sa mamie.
Et elle continua son histoire.
Lire la suite ci-dessous :
… Il faut savoir que chaque montagne a un ami savant ou sage. Donc notre héros, c’est-à-dire, le Père Montagne avait aussi un ami qui s’appelait Tir. Mais le problème était que le Père Montagne ne choisissait pas leurs rendez-vous. C'était Tir qui venait à sa rencontre à chaque fois qu’il sortait prendre un peu d’air car il habitait sur la cime de la Montagne voisine nommée Tirinkatar. Tir aimait se promener et quand il fatiguait, il s’asseyait sur les pierres dites sucrées pour manger du miel qu’on pouvait récupérer dans les alentours de ces pierres.
Ce jour-là, lorsque Tir contemplait le ciel et l'étudiait très attentivement, car la nuit est la période la plus propice pour réaliser des observations du ciel. Alors Tir pourrait voir l’étoile filante et son atterrissage sur la cime de son ami le Père Montagne. Il n’ignorait pas que son ami et l’étoile s’aimaient. Tir savait que Astghik devrait revenir avant l’aube. Mais cette fois-ci Astghik tardait, ce qui inquiéta Tir.
Perdu dans ses pensées, triste et désespéré le Père Montagne gémit :
-Si seulement tu me rendais visite mon ami Tir !
À peine prononcé ces mots que voilà, Tir apparaît : sa barbe très longue et grisâtre et sa tunique argentée donnent au sage un air de magicien mythique. Et justement, il l’était.
La Montagne s’exclama :
-Je cherchais à te voir, mon ami.
-Je ne l’ignore pas cher ami. C’est pourquoi je suis venu. Je suis également au courant de ton problème. Je te dirais ce qu’il faut faire pour sauver ta bien-aimée. Tu sais mieux que moi, que c'est inadmissible pour un dieu de violer une loi établie par l’ordre divin. Toi et l’étoile, vous êtes allés contre la volonté des dieux. Tu n’avais pas le droit de tisser ce lien d’affection avec elle. Elle était destinée au ciel et pas à la terre. Donc je n’ai qu’une façon de t'être utile. Mais ton âme incarcérée dans les profondeurs de ton être pourrait établir un lien amoureux avec Astghik. Et mon conseil est de faire appel à ton esprit. Il n'ajouta plus un mot.
Tir disparut en laissant son ami réfléchir sur son sort. Le Père Montagne devrait faire appel à son esprit. Mais le problème est que son âme a été condamnée et c’était également par la volonté divine. L’âme était incarcérée dans les profondeurs de la montagne. Pour qu’elle ne sorte jamais de là-bas, les forgerons lui enfonçaient les chaînes à chaque fois que la Montagne voulait la libérer.
- Pourquoi grand-mère ?
-Parce qu’on avait peur qu’il sorte en évoquant le volcan et désordre dans le monde des hommes. À chaque fois lorsqu'une éruption volcanique provoque des dégâts matériels et des morts parmi l'espèce humaine mais aussi chez d'autres espèces animales ou végétales, ce phénomène constitue une catastrophe naturelle ayant un impact local ou mondial et pouvant bouleverser les habitudes animales et humaines. Les hommes la désignent comme la fin du monde, - répondit-elle.
Le Père Montagne était en train de songer à comment faire sortir son esprit incarcéré des profondeurs mais le faire en sorte que les hommes n’aient pas peur.
Donc il y songeait longuement mais ne savait pas comment le réaliser. C’est là que sa fille le lac est venue à son aide. La rivière, qui prenait sa source d’elle et traversait presque le monde entier, apprenait beaucoup de choses et les transmettait au lac. Ainsi la rivière lui avait raconté que pour pouvoir faire appel à nos esprits, il fallait se concentrer et atteindre aux profondeurs de son être.
C'est facile à dire mais bien difficile à réaliser. Et cela reste très théorique. Mais le Père Montagne n’avait plus de temps à perdre. Il se concentra et se plongea dans les profondeurs de son être. C’est là qu’il rencontra le jeune homme incarcéré. Car son âme, contrairement à lui, a su rester jeune. Le jeune et beau Mher (c’est ainsi qu’on le nommait) ressentit son cœur battre fort.
-Tu es toujours ici Mher ? - demanda la Montagne.
-Oui, j’y suis depuis des siècles. Nous n’ignorons pas tous les deux que j’y suis incarcéré par la volonté divine. Le conseil des dieux a décidé de me sacrifier au profit de la paix et de la préservation de l’ordre établi. Mais je n’ai jamais voulu le désordre ou le chaos. Mon tempérament est ainsi et je dois subir. C’est une sorte de punition que je subis, – expliqua Mher.
La Montagne réclama :
-L’heure est venue, je vais faire endormir les forgerons qui enfoncent les clous de tes chaînes et je vais te libérer ! Je ne peux pas perdre Astghik, nous ne pouvons pas.
La Montagne prit son souffle, d’abord il le fit sortir et ensuite, il cria pour se débarrasser de l’amertume et de la douleur qui pesaient sur son cœur et son âme. Mher a su choisir le moment propice et s’envola par la fumée du volcan. Le volcan éternua et Mher se trouva sur la lave. L’esprit de Montagne ne se perdit pas et sauta dans les eaux du lac sacré. D’où il nagea vers la cascade. Et c’est la cascade qui l’amena vers la rivière.
La Montagne après avoir fait sortir son âme de captivité, se calma. Le volcan aussi. La lave se figea…
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...
Mher nageait depuis des heures. Il s’apercevait que le monde avait bien changé depuis qu’il l'avait quitté. Il était ému et en même temps impressionné. Une âme rebelle ne supporte pas la prison.
Maintenant, il nageait depuis des heures et il ne savait plus quoi faire. Mher était resté dans la profondeur de Père-Montagne depuis des siècles et maintenant, en sortant, il ne reconnaissait plus son entourage.
Tout était bizarre pour lui car tout avait bien changé. Étant très longtemps coupé du monde, Mher avait tout oublié. Il ignorait où il nageait et ce qu’il devrait faire précisément.
Alors comment doit-il s’en sortir, grand-mère ? - demanda Annie.
-Si tu écoutes sans m’interrompre, tu le sauras bientôt.
….Mher nageait et nageait, la fatigue l’envahissait et il ne voyait pas la fin de son voyage. Il commençait à comprendre que la rivière lui jouait un mauvais tour. Mais était-ce possible ? Il se demandait si la rivière était la fille du lac qui à son tour était la fille de la Montagne. C’est-à-dire, si elle était sa petite fille.
En réalité, ce n’était plus la même rivière. Il y a longtemps, Mher avait changé de rivière sans s’en rendre compte. Donc il nageait vers une direction qui lui était complètement inconnue et il n’était même pas au courant.
Soudainement, un immense ouragan se monta. Mher ne put plus nager car l’ouragan rendait la nage impossible. Tout d'un coup, il l’attrapa et le porta vers l’horizon où le dieu du soleil Areg était en train de se coucher. Mher était tellement épuisé qu’il se laissa faire.
L’ouragan avait été envoyé par le dieu Aram qui était le frère jumeau du dieu Areg. Ces deux frères Aram-le maître des orages et Areg-le soleil régnaient dans le ciel.
Lorsqu’ils descendaient sur terre, ils avaient l’habitude de séjourner dans les temples qui leur étaient dédiés.
Un de ces temples nommé Odzaberd ce qui signifie la forteresse de serpents était leur résidence principale sur la Terre.
Ainsi l’ouragan emmena Mher dans cette forteresse. Mher a reconnu les lions et les taureaux en or qui protégeaient les portes de la forteresse des dieux jumeaux Areg et Aram.
Lorsque notre héros est descendu au pied de la forteresse, il s’est retrouvé nez à nez avec un de ces taureaux. Les taureaux en or accompagnaient le dieu Aram et les lions en or-Areg.
Le premier qui attaqua Mher fut un de ces taureaux du nez duquel jaillissait le feu. Mher le regarda droit dans les yeux, qui éclataient à leur tour. Le taureau fut perturbé. Le moment était bien choisi pour Mher qui l’attrapa par les cornes et le renversa. Le taureau en or du dieu Aram renversé, ce ne pouvait signifier qu’une chose : la victoire pour Mher ! L'autre taureau fit une révérence au vainqueur et se retira.
Ensuite, Mher se trouva nez à nez avec le lion. Ce dernier bondit et attaqua Mher, qui à son tour se jeta sur le lion. Il l’attrapa et voulut le déchirer en deux morceaux (comme c’était son habitude) mais se souvint que ce fut le lion du dieu Areg. Il le lacha. Le lion ne se lança plus. Il était déjà vaincu.
Tout ce temps-là, Areg et Aram suivaient Mher et ses prouesses. Lorsque Mher vainquit le lion, il ne leur restait qu’une chose, ouvrir les portails devant le héros.
Mher entra dans le temple Odzaberd où les prêtres et prêtresses faisaient des révérences à Mher et chantaient des odes pour faire éloges au héros.
Les dieux étaient assis sur leurs trônes.
Areg était jeune, grand, son corps ressemblait à une statue en or: il possédait une barbe en feu, les cheveux étincelants et quand il jetait son regard sur quelqu’un ses yeux comme deux petits soleils le brûlaient. Areg était beau à couper le souffle.
Quant à Aram, il ressemblait à son frère, pourtant ce dieu maître des éclairs et des ouragans possédait une beauté plus violente. Il possédait une épée qui envoyait des éclairs qui étaient capables de tuer sur le champ. Tous connaissaient le caractère imprévisible du dieu maître d’orages : il était beau, juste mais cruel en même temps.
Aram lui jeta un regard perçant et demanda :
-Pourquoi es-tu sorti de ton corps ? Qui te l’a autorisé ?
-J’étais obligé Maître de feu et d’éclair, - répondit-il.
-Quelle obligation ?
-L’étoile filante, la jolie Astghik est incarcérée par le dragon, oh le puissant Aram !
-Pourtant l’étoile avait été prévenue de ne plus descendre sur terre. Les dieux ne l'approuvent pas. L'ordre céleste devrait être respecté - intervint Areg.
-Je le sais bien. Mais quand l’amour a été interdit et pourquoi les dieux n’ont pas approuvé notre amour ? - rétorqua Mher.
-Donc vous vous aimez ? Je l’ignorais complètement. Ce n’est pas ce que Vishap nous a présenté.
-Vishap ? Le dieu des eaux souterraines ? - cria Mher.
-Oui lui ! Il nous a dénoncé et parlé des désobéissances de l’étoile la jeune Astghik aux mille tresses argentées. Les dieux pensaient que cette jeune étoile avait des ambitions pour déranger l’harmonie sur la Terre mère - expliqua Areg.
-Maintenant vous voyez, oh maîtres de Soleil et des Éclairs, qu’il vous a mis sur une fausse route. Je ne lui faisais jamais confiance. Mais pourquoi l’a-t-il fait ? C’est la question - dit Mher.
-Pour le savoir tu dois passer par la spirale des épreuves, c’est la loi divine que tu n’ignores point - lança Aram.
Ensuite Areg et Aram ont mis en route Mher en lui offrant un taureau ailé comme accompagnateur.
Mher monta le taureau et ce dernier l'emporta dans le ciel. Il se dirigea à la recherche de nouvelles aventures.
-Laissons Mher sur sa route et retournons vers le Père-Montagne et le lac sacré, déclare la grand-mère imitant les conteuses d’autrefois.
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...Le lac avait le cœur serré à chaque fois, lorsque le dragon remuait ses profondeurs. Mais pourquoi les remuait il ? Depuis qu’il a enlevé l’étoile, la belle Astghik, il la forçait à marcher sans cesse dans les profondeurs du lac. Astghik, qui était habituée à la liberté et au vol d’étoile, souffrait terriblement.
Comme le lac sacré pouvait ressentir aussi les tourbillons des eaux souterraines, il souffrait beaucoup. Astghik pleurait les jours et les nuits sans savoir quand il faisait nuit et quand Areg se levait dans l’horizon. Elle donnerait toutes les étoiles du ciel pour pouvoir encore une fois voir comment Areg montait vers l’horizon dans son char avec ses 12 accompagnateurs. La lumière du jour ainsi que la Lune lui manquait beaucoup.
-Et ensuite ? Grand-mère, raconte, s’il te plait, demande Annie.
La grand-mère sourit et dit :
-Au loin l’horizon s’empourpra et Mher comprit que le dieu Areg allait se coucher. La pénombre s’installait. Il devrait descendre pour trouver un endroit sûr pour dormir. En atterrissant, la première chose qui attira le regard de Mher fut une sculpture de beauté et de dextérité extraordinaire. En avançant dans cette ville qui était inconnue pour Mher, il a pu constater que les statues, les maisons et toutes les constructions n’étaient que des chef-œuvres d’art inégalé.
Mher voudrait savoir qui était le maître de cette cité. En s’approchant d’une taverne, il laissa son taureau et y entra. L’aubergiste lui proposa à boire et à manger. Après avoir repris ses forces, Mher commença à se renseigner sur cette ville exquise.
L’aubergiste raconta que ce fut la demeure du dieu Tourk et la cité nommée Anguegh était sa résidence terrestre où il se reposait très souvent. Tourk vivait dans les deux mondes, ceux du souterrain et du terrestre. Tourk dit Angueghéen avait une passion – la sculpture et l’architecture. Il se recueillait très souvent au bord de la mer et en décrochant d'immenses morceaux de pierre de rocher, avec ses ongles sculptait des merveilles. Mais en même temps, il surveillait les frontières de sa cité et s’il arrivait que des bateaux ennemis voulaient y accoster, il les noyait en lançant vers eux les mêmes pierres arrachées des rochers.
-Comment pourrais-je voir votre gouverneur Tourk Angueghéen ? - demanda Mher.
-Actuellement, il n’est pas dans la cité, il est au souterrain, répondit l’aubergiste.
Le petit matin, quand Areg s’apprêtait à se lever, Mher quitta l’auberge et avant de partir à la recherche de Tourk, renvoya le taureau d’Aram.
La splendide ville d’Anguegh le fascinait à chaque recoin. Mais il n’était pas plus intéressé par sa beauté que par son maître.
Qui mieux que Mher pourrait savoir que le passage de ce monde vers le monde souterrain devrait être effectué par un portail. Ce genre de portails étaient d’habitude dissimulés dans les caves des montagnes.
Etant donné que Mher connaissait les montagnes et les caves comme les doigts de ses mains, il se dirigea vers la chaîne de montagnes entourant la cité.
Il marchait beaucoup ou pas assez, nous ne le saurons jamais mais enfin il arriva vers la montagne où Tourk avait l’habitude de prendre son repos. Il était au bord de la mer et on dirait qu’il attendait Mher.
-Bonjour Tourk ! - salua Mher.
-Bonjour Mher, - répondit-il. - Je t’attendais depuis longtemps.
-Moi, je m’apprêtais à aller te chercher dans l’au-delà - dit Mher.
-Tu n’iras pas encore l’au-delà. Ce n’est pas le moment. C’est pourquoi je suis venu à ta rencontre ici.
Tourk lui expliqua ce qu’il devrait faire pour pouvoir combattre le Vishap. Mher resta réticent. Il savait que Vishap gouvernait les eaux des souterrains et que Tourk et Vishap se connaissaient bien. Ils étaient assez proches l’un à l’autre.
Tourk lut ses pensées et sourit.
-Je ne suis juge ni de toi ni de Vishap. Ce n’est pas mon combat. Et toi, tu n’étais pas sorti de la profondeur depuis près de trois millénaires, tu ignores beaucoup de choses. Pour te rassurer, je pourrais ajouter que je te devais cette information.
Mher fit ses adieux à Tourk, le remercia et prit son chemin. Ses aventures étaient sur le point de démarrer.
Donc, Mher se dirigeait vers la mer de couleur abricot qui se trouvait derrière les sept montagnes et sept villages. Il devrait franchir ce chemin à pied. Durant le premier jour, notre héros passa une partie de son chemin sans obstacle, la même histoire pour les autres jours suivants mais le dernier jour au bout de son chemin, il rencontra une étrange division de chemin où les trois dêvs (une sorte de démons) l’attendaient.
Les dêvs sont des créatures monstrueuses qui ont l’habitude de s’implanter aux croisements de chemins et poser des obstacles ainsi que d’imposer des défis pour les héros traversant des routes fatidiques. S'ils y arrivaient, ils continuaient leur chemin, sinon, partaient vers une direction inconnue d’où personne ne revenait.
Mher savait ce qui l'attendait. Il n’avait pas peur mais appréhendait de faire attention aux ruses des dêvs, car ils pourraient brouiller son esprit. Le premier dêv possédait trois têtes et il était de couleur rouge. C’est lui qui salua Mher en premier :
-Mher quel vent t’amène chez nous ?
-Le seul vent qui m’accompagne est toujours le même: Charbahar.
Cette situation ressemblait à un quizz. Le dêv posait des questions et Mher devait répondre correctement sinon l’adversaire obtenait le droit de le prendre en otage. Il lui restait encore deux questions à répondre.
-D’accord, - dit-il. -D’où vient-il Charbahar ?
-Du nord.
-Où il se dirige ?
-Vers le sud.
C’était au deuxième dêv, de couleur noir avec sept têtes, d’imposer ses épreuves.
-Le village voisin est empesté depuis deux ans. Serais-tu en mesure de le sauver ? - demanda-t-il.
Mher n’ignorait pas que c’était le dêv noir qui avait empesté le village. Il savait également que sous la troisième tête du dêv se cachait l’antidote de cette peste. C’est pourquoi il l’attrapa avec ses mains nues et égorgea sa troisième tête. Mais sous la troisième tête il n'y avait rien. À peine coupée, la tête repoussa. Il est connu que les dêvs sont immortels, c’est pourquoi les membres de leurs corps se rétablissent insentanément.
C’est évident que Mher n’avait pas coupé la bonne tête, il devrait couper la troisième tête à compter de l’autre côté, c’est-à-dire, de côté droite et non de gauche.
Donc il attrapa la troisième tête comptée à droite : le sang commença à couler et inonda le village. C'est ainsi que la peste a disparu du village.
Maintenant, c’était au dêv blanc, avec ses dix têtes, de lancer le dernier défi.
Le dernier dêv était au courant que Mher voulait partir le plus vite possible ainsi, il commença à faire semblant qu’il était occupé par d’autres tâches et ne montrait pas son intention de présenter son défi. Mais cette fois également Mher n’était pas ignorant de quel genre de jeu jouait avec lui le dêv. Il suffirait de montrer son impatience et...
En réalité le troisième défi consistait à rendre Mher impatient, après quoi il serait vaincu. Par conséquent, Mher s’allongea sur l’herbe et fit mine qu’il s’apprêtait à dormir.
Mher était très intelligent car il savait que les dêvs étaient les créatures les plus impatientes au monde. Donc le dêv blanc, avec ses dix têtes, tombèrent en colère et perdirent leur patience et éclatèrent en rage :
-Tu peux continuer ton chemin Mher !!! Tu as vaincu !
C’est ainsi que Mher surmonta les épreuves des dêvs et continua sa route.
Areg était en train de rentrer de son tour et se préparait à dormir. L’horizon s'empourpra. Avant d’entamer la partie suivante de son voyage, Mher devait dormir et il cherchait un endroit sûr où passer la nuit.
Actuellement, il se trouvait quelque part au bord de la mer. La mer était de couleur abricot et avec l’horizon empourpré, il se constituait une image stupéfiante. Mher cherchait à regarder une grotte aux alentours des rochers qui entouraient la plage de la mer couleur abricot. Il aperçut une vielle femme sortir d’une des grottes où elle devait habiter.
-Bonsoir grand-mère ! Comment ça va ? – dit-il.
La vieille femme l’apercevant soupira :
-Bonsoir fils ! J’aimerais bien te répondre que tout va bien mais je ne peux pas ! Malheureusement !
-Pourquoi qu’est-ce qu’il se passe ?
-Le Dakhanavar s’est établi chez moi depuis des années et ne veut plus partir. Je ne sais plus comment continuer cette abominable cohabitation.
Dakhanavar était un vampire mythique qui s’installait dans les grottes et qui ne buvait pas de sang de ses cohabitants, ni de ses voisins mais celui des visiteurs et des étrangers qui passaient aux alentours et étaient hébergés chez les habitants.
Mher le connaissait également. Il demanda à la femme :
-Pourriez-vous m’héberger seulement pour cette nuit ?
-J’aimerais bien fils, mais tu ne connais pas Dakhanavar, il va te faire dormir et durant la nuit il boira ton sang. C'est pourquoi je ne laisse personne faire escale chez moi.
-Ce n’est pas ton problème grand-mère, fais-moi confiance. Je saurais comment vaincre ce monstre, - la rassura-t-il.
Lorsque Mher entra dans la grotte, il rencontra Dakhanavar perché sur le plafond. Il regarda Mher avec un sourire malin. Il le salua de la tête et demanda :
-Seriez-vous assez aimable pour fermer la porte de la grotte, je suis un peu enrhumé ce dernier temps.
Mher acquiesça. En réalité, ce n’était pas le rhum qui dérangeait le vampire mais la peur de Dakhanavar de rencontrer les derniers rayons du soleil de la journée. Personne ignore que les vampires ne supportent pas la lumière. Leurs âmes noires ne désirent que la pénombre profonde.
La vieille femme s’inquiétait beaucoup pour Mher. Pourtant lui, il ne montrait pas de signe de peur.
Dakhanavar était un stratège, car il avait l’habitude de piéger et de boire le sang de plusieurs voyageurs. Mais il ignorait que Mher n’était pas un voyageur ordinaire, qu’il le connaissait bien.
Il faut savoir que notre héros avait un plan pour comment se débarrasser de lui et sauver la vieille femme qui s’est montrée tellement gentille avec lui.
Le seul secret consistait au sommeil : si Mher tombait de sommeil, Dakhanavar allait profiter de cette situation et boire son sang jusqu’à tout égoutter dans ses veines. C’est ainsi que Mher entama une longue conversation avec Dakhanavar et la mena jusqu’au moment où le vampire tombait de sommeil.
Au petit matin Mher sortit de la grotte pour dire bonjour au dieu Areg ainsi que faire sa prière matinale, pourvu qu’il l’aide dans ses futures aventures. Il oublia de fermer derrière lui la porte de la grotte. Areg envoya ses rayons vers les profondeurs de la grotte. C’est ainsi que Dakhanavar se réveilla à cause des brûlures sur son corps qui sentait les effets de la lumière des rayons envoyés par Areg.
Comme on peut le deviner, Dakhanavar est tombé de sommeil et pas Mher. C’est pourquoi il ne pourrait pas s'échapper des rayons.
Le vampire était vaincu et la vieille femme libérée.
Mher était content et il devait quitter la grotte et son habitation. Mais la vieille femme ne le laissa pas partir sans recevoir ses remerciements.
La femme lui dit :
-Mher, je sais que tu dois partir loin dans la mer, je sais que tu dois arriver jusqu’à l’île qui se trouve au milieu de la mer couleur abricot. Pour te remercier je vais appeler le poisson géant qui t’emmènera jusqu’à cet endroit.
L’immense poisson l’attendait au bord de la mer. Mher monta sur son dos et il commença à gravir des immenses vagues de la mer couleur abricot.
Le chemin parcouru était très long ou pas... Personne ne le saura car ce n’est pas un chemin que les mortels pourraient un jour franchir. Pouvoir le franchir était une prouesse pour des héros comme Mher.
Enfin, l’île magique s’est montrée au milieu de l’horizon. Mher reconnut le palais de la déesse de la mer - Tsovinar aux cheveux en or et aux yeux azurs. Sa beauté était inégalée. Elle était belle avec un cœur gentil mais de caractère imprévisible car à chaque moment, elle pourrait bondir et dans sa colère dévaster tout sur son chemin.
Elle possédait un tempérament de tsunami.
Tsovinar n’a jamais aimé le Vishap et elle seule pourrait indiquer la façon de le vaincre. Voilà pourquoi Tourk conseilla à Mher de faire recours à son aide.
En retrouvant la terre ferme de l’île sous ses pieds, Mher avança. Le magnifique et imposant palais de la déesse se dressait vers le ciel. Mher se trouvant devant les grilles du palais, cherchait du regard quelqu’un à qui s’adresser. Soudain elles se sont ouvertes toutes seules et notre géant entra. Devant les portes du palais, il rencontra deux chevaux de mer qui ouvrirent les portes pour le laisser rentrer.
La belle déesse l’attendait déjà. Mher fit une révérence devant la déesse et la salua :
-Oh la belle aux yeux azurs ! Oh la jolie Tsovinar ! Je sais que Tourk t’avait déjà parlé de mes malheurs et il t’avait déjà prévenu de ma visite.
-Bien sûr le brave Mher. Au nom du dieu Areg, je conjure de ruiner le méchant Vishap. Il doit être puni, je soutiens ton combat.
-Donc serais-tu prête à m'aider à vaincre et libérer ma bien-aimée ?
-Bien sûr ! Oh brave Mher.
Il existait une épée et un cheval qui avaient été conçus spécialement pour Mher et seulement avec l’aide desquels il pourrait vaincre le dragon nommé Vishap.
C’était sous la mer couleur abricot que se trouvaient le cheval mythique nommé Orage et l’épée magique nommée Éclair. Mher n’avait qu'à les récupérer pour retourner vaincre le dragon Vishap. Donc la déesse Tsovinar ordonna à l'un de ses chevaux de mer de l’accompagner vers l'endroit dans la mer où était cachée l’épée et le cheval mythiques.
L’Orage était très content de sortir des profondeurs de la mer et partir pour des batailles contre le mal. L’épée aussi était prête.
Mher monta sur son cheval, rangea son épée et s’envola sur son cheval vers les montagnes de Massis.
Les montagnes de Massis étaient celles qui pourraient procurer l’accès vers le monde souterrain où le méchant Vishap gardait en otage la belle Astghik.
Ces montagnes étaient connues par leurs deux cimes dont une appelée Sisse (la plus petite) et l’autre Massis (la plus grande).
L’Orage descendit sur la cime de Massis.
Comme Massis étaient à la frontière des deux mondes terrestre et souterrain, elles abritent des créatures très différentes parmi elles: on peut rencontrer des gentilles ainsi que méchantes. Donc les plus célèbres de ces créatures sont les démons nommés Kajks. C’étaient des braves démons qui protégeaient ces fameuses frontières des visites inappropriées.
Les Kajks étaient connus pour leur caractère imprévu : ils pourraient punir mais également devenir amis : cela dépendait des gens et des circonstances. C'est pourquoi tantôt les Kajks étaient justes, tantôt insidieux.
Mher cherchait le tunnel qui menait vers le monde souterrain. Il existait une caverne dans la montagne qui servait de sortie tel un portail pour accéder au monde de l’au-delà. Et cette caverne-là était surveillée par les fameux Kajks.
Mher chevauchait les grottes et les allées de la montagne Massis. Il la chercha plus ou moins longtemps, nous ne le saurons jamais mais enfin voilà, il discerna les voix des Kajks.
Un d’entre eux entendit les pas du cheval de Mher et reconnut l’Orage. Ce Kajk prévint ses camarades. Ils se sont préparés avec leurs arcs tous pointés vers Mher.
Le commandant des Kajks fixant Mher du regard et de son arc, dit :
-Ce n’est pas un endroit pour les promenades. Et d’un coup, il baissa son arc. Mais qui je vois, c’est notre ami Mher ! Comment as-tu pu sortir ? Qui avait besoin de ta force et de ton arme ?
-Je suis sorti pour sauver ma bien-aimée Astghik, l’étoile.
-Ah, oui, bien sûr nous sommes au courant de ton malheur. Si tu veux, nous allons t’accompagner dans ta lutte contre le maître des eaux souterrain, le féroce dragon Vishap ?
Mher était content d’entendre cette proposition, bien sûr qu’il était d’accord.
Cette armée rassemblée à l’improviste, pris le chemin vers l’au-delà. Les Kajks ont accompagné Mher vers la caverne. Au travers de cette dernière, ils ont pu franchir le portail des deux mondes....
La triste pénombre régnait dans ce monde de souterrain. Mher adorait la lumière et ce n’est pas au hasard qu’il tomba amoureux de l’étoile. Mais le monde de l’au-delà n’était pas compatible avec la lumière. Comment Astghik supportait cette situation, elle qui n’était née que pour vaguer dans le ciel et émettre de la lumière ? La pauvre ! Pensait Mher.
Les torches allumaient le chemin de nos héros. Les Kajks avaient l’habitude de circuler dans les deux mondes, c’est-à-dire, terrestre et souterrain. Mher également car n’oublions pas qu’il a été très longtemps incarcéré dans les profondeurs de Père Montagne.
Mher faisait complètement confiance aux Kajks qui le dirigeaient dans les tunnels d’un immense labyrinthe souterrain. C’était une construction gigantesque qui rendait la pénétration dans ce monde quasiment impossible ainsi que la sortie d’ici.
Le chemin parcouru jusqu'à maintenant semblait long et ennuyeux mais ce qui les attendait allait devenir encore plus compliqué. Soudain une agitation perturba les rangs de l’armée de Kajks. Mher comprit qu'il se passait quelque chose de grave. L’armée de Mher était entourée par l’armée de Vishap. Cette dernière consistait en des fantômes maléfiques qui n’avaient rien à craindre car ils étaient tous morts depuis très longtemps. C’étaient les âmes perdues des méchants qui, après la mort, se recueillaient chez le dragon Vishap.
Il n’était pas évident de s’avancer dans ce labyrinthe noir et les attaques des fantômes ont rendu encore plus insoutenable la tache de l’armée de Mher. Les Kajks, qui avaient l’habitude de croiser les fantômes bien souvent, connaissaient comment les vaincre sans trop d'efforts.
Les Kajks ont commencé à chanter et à danser leur chanson et danse de victoire :
-On nous appelle les Kajks
Hey, hoy, Kajks!
Ce n’est pas pour rien
Qu'on nous nomme Kajks
Hey, hoy, Kajks!
Car nous le sommes les Kajks
C’est-à-dire, braves, très braves !
Ni mortel, ni immortel ne nous a jamais pu vaincre
Car nous sommes les Kajks, hey, hoy Kajks.
Les fantômes ont bouché leurs oreilles et se sont enfuis. Mher était stupéfait :
-Était-ce aussi facile que ça ? Ils ont eu peur de la musique ?
Car Mher ignorait que les fantômes ne supportent pas la musique et la danse, ils en avaient une phobie.
Les Kajks se sont regardés et ont éclaté de rire. Leur commandant expliqua à Mher que c’était un monde où la force manquait. Pour vaincre quelqu’un il faudrait simplement de la malice et du courage. Si quelqu’un a peur et tombe dans les pièges de Vishap, il est vaincu. Par contre, si quelqu’un arrive à vaincre sa peur et ne pas tomber dans les pièges, il sort d’ici encore plus fort et presque invincible ou immortel. Donc comme Mher était déjà immortel, en sortant d’ici sain et sauf, il deviendrait invincible.
L’armée a repris son chemin dans le labyrinthe. Mais aussitôt un autre obstacle se dressa devant eux : les tunnels du labyrinthe ont été engorgés par une épaisse fumée.
Le commandant des Kajks dit :
-Voilà un indice qui nous sera utile. Nous nous rapprochons du palais de Vishap et il me semble qu’il dort. C’est sa fameuse fumée qui sort de ses narines lorsqu’il dort et ronfle.
Mher demanda :
-C’est-à-dire, cette fumée n’est pas dangereuse ?
-Non !
En suivant, l’armée Mher arriva à sa destination. Un morose palais de basalte noir se dressait devant eux.
Le commandant des Kajks proposa à Mher:
-Nous pouvons entrer et finir avec ce monstre avant même qu’il se réveille.
-Non, -rétorque Mher. - Je vais me battre contre lui quand il sera réveillé et au courant de ma présence. Je ne suis pas comme lui. Je ne peux pas attaquer quelqu’un qui dort ou qui n’a pas les forces égales aux miennes.
Le commandant acquiesça.
Mher cria de toute sa force :
-Hey Vishap ! C’est moi Mher! J'en suis sûr que tu me connais. Je suis venu pour libérer Astghik. Si tu n’as pas oublié comment se battre contre les hommes, sors et montre-moi ton visage. Sinon, cours, cours comme un lâche de toute ta force.
Quelques secondes passées, la fumée cessa de sortir mais aucune réponse de la part du Vishap. Après avoir attendu un long moment, le commandant des Kajks dit :
-Il n’est plus dans son palais. Je t’avais dit quel était son mode d’emploi. Ses mots d’ordre sont “la cruauté, la ruse et la trahison”.
-Pourquoi penses-tu qu’il n’est plus dans son palais ? -demanda Mher.
-Parce qu’il sait que nous t'accompagnons et que tu n’es pas seul. Donc il aura besoin de son armée. Il est allé rassembler la sienne. Je suis sûr qu’il va cacher Astghik dans un endroit plus sûr que ce palais.
Heureusement, dans ce monde souterrain, le dragon ne pourrait pas voler donc il n’avait qu’une façon pour se déplacer. Et lorsqu’il se déplaçait à pied, son immense queue laissait des traces derrière lui, qui à leur tour se remplissaient d’eau. C’est ainsi que le maître des eaux des souterrains créait des milliers de canaux et de rivières.
Donc pour l’armée de Mher c’était relativement facile de repérer les traces du dragon Vishap. Par contre, ce n’était pas évident de marcher dans la boue et l’eau qui se crée après le passage du dragon.
Après avoir marché très longtemps dans les boues et l’eau boueuse du souterrain, soudain Mher a reconnu les profondeurs de la montagne, Père Montagne, c’est-à-dire, sa montagne.
Il est évident que le dragon a réuni son armée et est venu camper aux pieds de Père Montagne. Mais pourquoi a-t-il choisi cet endroit ?
Une féroce bataille devait se produire.
En sortant de derrière la Montagne les Kajks et Mher se sont retrouvés nez à nez avec l’armée de dragons avec à la tête le dragon Vishap.
Mher attendait ce moment depuis longtemps. Il a monté son fameux cheval Orage et en sortant son épée Éclair a crié :
-Dis-moi Vishap pourquoi as-tu kidnappé Astghik ? C'est seulement contre les femmes que tu arrives à te battre ou tu oseras te battre contre des hommes braves ?
-Ha, ha, ha !!! - le Vishap commença à éclater de rire. C’est le pays qui s’allonge au pied de cette montagne qui m’intéresse, grogna Vishap. Car c’est le centre des centres et c’est là que le ciel s’embrasse avec la terre, c’est là que les aubes sont les plus clairs et les couchers de soleil les plus majestueux. Ce n'est pas au hasard que la montagne est nommée le Père. En m’emparant de ce territoire, je pourrais arriver à éteindre mon règne sur le monde entier. Je pourrais tout englober par la pénombre et les eaux souterraines. Le souterrain ne me suffit plus. Je veux étendre mon pouvoir et mon envol.
Le commandant des Kajks dit :
-Voilà un autre fou qui rêve de régner sur tout et partout : le ciel, la terre et le souterrain. Vishap tu es né du chaos et de la fumée, il y a 100 mille ans, as-tu vu quelqu’un qui a réussit cette tâche tout seul ? Libère Astghik et rentre chez toi. Nous te promettons d’oublier tout.
Le Vishap a bondi et s’est envolé au ciel, ensuite, il est descendu et a craché du feu jaillissant vers l’armée de Mher. La bataille avait été lancée. Les autres dragons ont suivi l’exemple du maître dragon. Les Kajks et Mher se défendaient avec leurs boucliers et attaquaient avec leurs épées et arcs. L’Eclair de Mher était imbattable. La cime de montagne s’illuminait de feux et d’éclairs, les cris des Kajks et les grognements des dragons ont tétanisé le monde entier.
Cette bataille pourrait durer des décennies mais Mher devrait décider de son issue bientôt. Il était au courant que le Vishap était immortel mais par contre, on pourrait le pétrifier si seulement on arrivait à percer son cœur de pierre. Ce n’était possible qu’avec l’épée Éclair et c’était Tsovinar qui en a parlé à Mher. Et depuis le début de la bataille Mher cherchait un moyen de se rapprocher de lui pour pouvoir lui percer le cœur.
L’Orage s’est lancé dans la direction de Vishap et Mher, sans perdre un moment, en regardant droit dans les yeux du dragon, le perça au cœur avec l'Éclair. Vishap émit un cri abominable. Il avait les yeux écartelés et la gueule grande ouverte lorsqu’il s'immobilisa. Devant les yeux de tout le monde, il se transforma en pierre. Tout s'est passé très vite et au bout de quelques minutes Vishap n’était qu’une statue de pierre.
Dans un chaos total, son armée était en train de courir dans tous les sens mais les Kajks les ont tous attrapés et ont percé leurs cœurs.
C’est ainsi qu'aux alentours de la Montagne, des gigantesques statues de dragons se sont dressées.
Mher a vaincu le dragon mais il ignorait où ce dernier avait caché Astghik. Comment la retrouver ? Soudain à l’horizon, il aperçut des jeux des lumières tels que Astghik avait l’habitude de lancer dans le ciel à chaque fois qu'elle voulait communiquer avec Mher.
L’Orage n’attendit pas que Mher lui ordonne et il s’est lancé vers les lumières.
Quand les deux amoureux se sont retrouvés, Astghik raconta que Vishap avait changé sa prison avant la bataille. Mais dans la précipitation il la laissa sans attaches. Astghik s’est libérée très facilement et a envoyé des lumières pour donner le signal à Mher.
Pour vivre leur amour et loin des lois des dieux et des démons, Astghik et Mher ont renoncé à leur immortalité. Ils ont fondé une famille aux pieds de Père Montagne. Ils ont vécu leurs vies tranquilles et ont rendu leur dernier souffle le même jour et au même moment. L’essentiel, c’était qu’ils ont vécu une vie longue et heureuse. Et ça, ils ne l'échangeraient pas contre aucune immortalité au monde.
-Mamie et la rivière et le lac sacré ? - demanda Annie.
-La montagne, le lac et la rivière sont toujours là : et les statues des dragons qu’on nomme les vishaps sont toujours là aussi où ils ont été pétrifiés il y a des millénaires. Les mortels, c'est-à-dire, les scientifiques, essayent de résoudre le secret de ces monuments énigmatiques mais n’y arrivent pas car ils ne croient pas aux contes et légendes - la grand-mère finit son histoire.
-Et comme on dit à la fin de chaque conte de fée, chère Annie, trois pommes sont tombées du ciel : une pour celui qui a écouté cette histoire jusqu’au bout, la deuxième pour celui qui l’a racontée et la troisième pour ceux qui l’ont lue...
Merci à Loussiné Terteryan pour son joli texte et pour son exclusivité.
Et oui, les Vishap sont toujours là... (Arménie)
Yves Herbo, Sciences-Faits-Histoires, 20-04-2021, 08-2021
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