mercredi 25 août 2021

Techniques avancées de l'élevage au début du néolithique

Techniques avancées de l'élevage au début du néolithique


Moutonsprehistoriqueanalyses 

CRÉDIT Alejandro Sierra

Lorsque les chercheurs parlent de techniques avancées précoces, on entend souvent parler de techniques liées à la pierre et la construction, mais la surprise vient ici de preuves de techniques avancées dès le début du néolithique au niveau de l'élevage des moutons. Une surprise car ces modifications des rythmes de reproduction saisonniers et de l'alimentation des moutons déjà très élaborées au début du néolithique prouvent aussi que ces méthodes et l'élevage ne peuvent que provenir d'une période encore plus lointaine dans la préhistoire. Et que ces méthodes ne peuvent logiquement pas tellement provenir d'un pastoralisme classique, tel qu'encore pratiqué régionalement dans le monde entier.

Une autre chose étonnante, c'est que ces preuves ne sont pas issues d'une étude scientifique faite en Asie (origine de la domestication du mouton : son agriotype, l'Ovis orientalis, se trouve en Asie Centrale et du Sud-Est, mais par une étude poussée faite en Europe, plus précisément dans le site néolithique de la grotte Chaves à Huesca, dans la région centrale des Pyrénées en Espagne (5600-5300 avant notre ère - l'an 0) !

Comme la recherche moderne semble le prouver de plus en plus, la majorité des innovations et nouvelles techniques préhistoriques (comme la navigation, la domestication et élevage des animaux, l'agriculture organisée, les canaux d'irrigation et barrages, les premières constructions d'habitation en dur, etc...) proviennent d'Asie. Il est bien sûr possible que toute ancienne traces de telles structures aient disparue totalement en Europe, un territoire plus petit et entièrement "terraformé" par une présence intense et constante de l'homme par rapport aux grands espaces asiatiques, mais les faits sont là pour l'instant.

Cette nouvelle recherche a été coordonnée depuis le laboratoire d'archéozoologie du département d'antiquité de l'UAB (Universitat Autonoma de Barcelona), avec la participation de chercheurs de l'Université de Saragosse, du Musée d'Histoire Naturelle de Paris et de l'Institut catalan de paléocologie humaine et d'évolution sociale (IPHES) à Tarragone et vient de faire l'objet dans un premier temps d'un communiqué de presse, puis dans le Journal of Archaeological Science: Rapports à paraître en juin 2021 :

Il y a plus de 7500 ans, les premiers agriculteurs ont jeté les bases de stratégies d'élevage qui persistent aujourd'hui

Les résultats, une première preuve exceptionnelle de l'alimentation et de la reproduction précoces des troupeaux de moutons domestiques dans la péninsule ibérique, sont actuellement le premier exemple de modification des rythmes de reproduction saisonniers des moutons dans le but de les adapter aux besoins humains.

Le projet comprend des approches techniques basées sur l'analyse des isotopes stables et le micro-usure dentaire des restes d'animaux d'il y a plus de 7500 ans trouvés dans le site néolithique de la grotte Chaves à Huesca, dans la région centrale des Pyrénées en Espagne.

" La modification des rythmes de reproduction saisonniers du bétail a représenté une étape importante pour les sociétés préhistoriques, permettant d'avoir accès à la viande et au lait tout au long de l'année, ce qui a à son tour eu un impact énorme sur l'alimentation, sur l'économie et sur l'organisation sociale des premières communautés agricoles, et jeté les bases des stratégies agricoles qui se poursuivent actuellement. Jusqu'à très récemment, on pensait que l'élevage du néolithique en était à ses débuts, alors que de nouvelles possibilités d'analyses biogéochimiques aient été utilisées dans cette étude et ont révélé des pratiques d'élevage pleinement consolidées depuis le début du néolithique ", explique le Dr Maria Saña, chargée de cours au Département de Préhistoire de l'UAB et coordinatrice du projet.


Moutonsprehistoriqueanalyses

L'étude sur les restes d'animaux trouvés sur le site de la grotte Chaves à Huesca, dirigée par l'Universitat Autònoma de Barcelona, ​​obtient de nouvelles données sur le contrôle de l'élevage et de l'alimentation des premières fermes de moutons domestiqués trouvés dans la région méditerranéenne occidentale au cours de la Néolithique. La modification de leurs cycles naturels d'accouchement a affecté leur physiologie et a entraîné des périodes prolongées de fertilité. CRÉDIT Alejandro Sierra


La domestication des moutons n'a pas eu lieu dans la péninsule ibérique. Son agriotype, l'Ovis orientalis, se trouve en Asie centrale et du sud-est. " Ce qui est surprenant, c'est la rapidité avec laquelle les moutons sont intégrés dans les stratégies d'élevage et leur énorme importance économique dans les premières périodes du néolithique. Ce que nous constatons, c'est une adoption rapide et réussie, qui démontre que leurs mécanismes d'adaptation à la fois au nouvel environnement et leur nouveau rôle économique étaient bien connus et contrôlés par une partie des communautés humaines. Les pressions sélectives exercées sur l'espèce étaient artificielles, elles poursuivaient des objectifs spécifiques et étaient bien définies. Ces nouvelles preuves représentent un tournant dans la recherche sur les animaux, la domestication et les origines de l'élevage."

YH : C'est aussi la preuve que soit ces cultures n'ont pas oublié et se sont transmis fidèlement ces techniques en migrant de l'Asie vers l'ouest, soit que les relations avec l'Asie étaient constantes, avec des voyages (maritimes et fluviales ?) dans les deux sens. Je rappelle ici cette étude génétique sur les toutes premières migrations Europe-Asie-Asie-Europe, mais qui ont été suivies de nombreuses autres au fil du temps : 

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/genetique-adn/genetique-une-nouvelle-migration-ancienne-en-europe-inconnue.html


La recherche s'est concentrée sur l'étude de l'élevage de moutons dans la grotte néolithique de Chaves (5600-5300 avant notre ère) dans les contreforts des Pyrénées, un site qui est " spectaculaire pour la qualité et le nombre de restes récupérés. Par rapport aux niveaux néolithiques de la faune, ses 12 754 vestiges reconnaissables représentent au moins trois fois ce que l'on trouve dans d'autres sites néolithiques de la péninsule, les moutons et les chèvres domestiques étant l'espèce la plus nombreuse et la plus grande présence de porcs de tous les sites néolithiques avec animaux et au type d'établissement stable connu pour être dédié à l'élevage, et dans une grande grotte qui avait 3.000 mètres carrés d'espace habitable ", affirme Pilar Utrilla, professeur à l'Université de Saragosse et directeur des interventions archéologiques.

YH : Nous avons donc ici en quelque sorte une sorte de ferme d'élevage intensif, pratiquant des techniques modernes il y a environ 7500 ans et sédentarisée sur une longue période...

Lire la suite ci-dessous :

Les résultats obtenus sur le site de Chaves montrent que dans la péninsule ibérique, la naissance des agneaux a également eu lieu en automne et en hiver, ce qui est désormais considéré comme un accouchement " hors saison optimale, aspect qui contraste significativement avec les régimes d'élevage documentés dans d'autres parties de l'Europe pendant le néolithique, les naissances se produisant principalement au printempsLa modification des cycles naturels de mise bas des moutons sauvages a affecté la physiologie des animaux de cette espèce, prolongeant leur période de fertilité. C'était le résultat d'un contrôle humain plus intense et continu, modifiant les interactions entre les femelles et les mâles, une stratégie d'élevage qui recherchait une plus grande prévisibilité de la production animale. "

L'étude démontre également que ce contrôle accru et cette pression sélective ont également eu un effet sur le régime alimentaire et les mouvements de l'espèce. En appliquant pour la première fois une combinaison d'analyses de micro-usure dentaire et d'isotopes stables C-13 et O-18 sur des échantillons séquentiels de bioapatite d'émail des deuxième et troisième molaires, les scientifiques ont pu détecter que le troupeau de moutons de Chaves ne mangeait pas beaucoup alimentation variée, ni chez les moutons ni tout au long de l'année. Les résultats du micro-usure dentaire montrent que les moutons néolithiques avaient une alimentation plus contrôlée que les animaux sauvages vivant dans les mêmes types d'environnements et qui paissaient sur de bonnes couvertures végétales, avec encore très peu d'impact humain sur leur vie. Les moutons paissaient près de la grotte pendant la majeure partie de l'année et étaient probablement aussi nourris avec du fourrage. La vérification de l'utilisation de fourrage extraordinaire est également une nouveauté. « Les résultats de ce que les moutons de la grotte de Chaves ont mangé sont surprenants par rapport à ce à quoi nous nous attendions. Nous avons pu documenter des régimes alimentaires composés de différences intensives et établies entre les moutons jeunes et adultes, et ces caractéristiques peuvent être liées à un contrôle strict sur l'élevage durant ces premières périodes du néolithique », déclare le Dr Florent Rivals, professeur de recherche ICREA à l'IPHES.

" Les résultats obtenus sur l'élevage et l'alimentation des moutons de la grotte de Chaves sont essentiels pour la découverte des systèmes économiques dans les premières sociétés agricoles de la péninsule ibérique. La nouvelle méthodologie appliquée dans cette étude sera sans aucun doute fondamentale pour poursuivre l'étude de l'élevage dans les temps préhistoriques ", conclut le Dr Alejandro Sierra.


Sources : https://www.eurekalert.org/pub_releases/2021-04/uadb-en042121.php

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352409X21001474


Autres informations sur la Grotte de Chavesgrotte classée au patrimoine de l'humanité dans la localité de Bastarás (es), commune de Casbas de Huesca, comarque de Hoya de Huesca, province de Huesca, communauté d'Aragon:


Grottedechaves

Photo : origine inconnue (voir site lien plus bas)


Tout d'abord, il est difficile de reconstituer l'histoire de sa découverte, tout ce qu'on sait sur elle sont des premières publications scientifiques la concernant dans les années 1980. Les premières fouilles montrent plusieurs strates, avec une première occupation et de l'industrie lithique remontant au Solutréen et Salpétrien (- 19 700 ans BC), puis deux couches Magdaléniennes (-12 950 à - 12 020 ans BC) puis une couche à cheval entre le Mésolithique et le Néolithique (- 5 600 à - 5 300 ans BC). Sur ses 3000 mde superficie, seuls 100 m2 ont pu être fouillés avant la destruction sur 3 mètres en profondeur par des paysans, bien que l'endroit ait été une propriété privée cloturée, appartenant à la famille d'un homme politique espagnol accusé de par ailleurs pour son implication dans le charbonnage anti-écologique (voir plus bas le lien).

Heureusement, les fouilles précédentes ont permis de sauvegarder de nombreux artefacts lithiques, des céramiques et de nombreux ossements d'animaux, mais aussi des artefacts très intéressants, comme des galets peints de figures symboliques et anthropomorphes que certaines études ont rapproché (figures et lithiques triangulaires - trapéziens, mais aussi des groupes anthropomorphes et des symboles complexes (étoiles/soleils) notamment à la culture Vinça (Roumanie) (qui a possiblement été aussi identifiée ailleurs dans les pyrénées, mais aussi sur le site controversé de Glozel (un lieu de passage de ce groupe vers les Pyrénées ?) et en Italie, Corse.  Voir à ce sujet ce très intéressant document :

Chaves prehistoireartetsocietesChaves prehistoireartetsocietes (2.91 Mo)

https://www.researchgate.net/publication/282322446_Les_galets_peints_de_la_grotte_de_Chaves


Le Solutréen du Haut-Aragon (Huesca) : les grottes de Chaves et Fuente del Trucho

Dans la partie centrale des Pyrénées (Haut-Aragon), les grottes de Chaves et Fuente del Trucho livrent un Solutréen à pointes à cran de type méditerranéen. En Fig. 1 – Carte du bassin de l’Èbre avec les sites référencés. Bulletin de la Société préhistorique française 2007, tome 104, no 4, p. 797-807 ce qui concerne la grande grotte de Chaves, le niveau solutréen supérieur est retenu par une série de blocs d’effondrement qui ont partiellement préservé le matériel des ruissellements : il s’agit d’un foyer qui ne dépasse pas 2 m2. La présence de 13 pointes à cran sur 89 pièces retouchées livre un indice de cran de 22,47, suivi d’un IB de 21,34, d’un IG de 10,1 et d’un GP de 31,4. La récolte de 354 lames (dont 13 avec traces d’usure), 186 éclats, 790 micro-éclats, 21 lames à crête, 15 chutes de burin et 5 nucléus permet d’envisager une forte densité du niveau originel, pour une épaisseur de la lentille conservée entre 5 et 10 cm (Utrilla, 1989). La date de 19700 ± 310 BP pour ce niveau sans pointe à pédoncule et ailerons semble un peu ancienne par rapport au Levant espagnol. Cependant, elle est attestée dans le Languedoc dans des niveaux similaires du Salpêtrien ancien à la Salpêtrière (19530 ± 270 BP), avec des pointes à cran et sans pointe à retouche plate, et dans le Solutréen supérieur d’Oullins (vers 20000 BP) ou la Rainaude (vers 20300 BP), avec des pointes à cran abrupt (Bazile, 1987) (fig. 3). Parallèlement, la mesure du cran des pointes de Chaves présente des caractères plus proches des grottes françaises que de celles du Levant espagnol : un L/ A de 5,59 pour la Salpêtrière, 5,34 pour Chaves contre 3,85 au Parpalló ou 3,76 à Ambrosio. De plus, la retouche inverse à la base des pointes est présente tant sur les exemplaires de Chaves que dans le Languedoc, comme à la petite Grotte de Bize (Sacchi, 1986) ou les grottes d’Oullins, la Salpêtrière, Cadenet ou la Rouvière, dans des niveaux contemporains (Bazile, 1980 et 1990). Par contre, au Levant, la retouche inverse à la base des pointes apparaît très tardivement (Villaverde, 1992). La voie qui parcourt le bassin du Cinca-Segre assure facilement la liaison avec le Languedoc via la Cerdagne et les vallées de la Têt et de l’Aude (Utrilla et Mazo, 1994). "

https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_2007_num_104_4_13624

Pour finir, voilà le site qui donne quelques informations sur la destruction partielle du site assez récemment (mais les scientifiques en parlent aussi dans d'autres liens visibles sous les liens ci-dessus - on pourrait s'étonner éventuellement de la destruction ou oubli volontaire de certains sites à travers le monde de sites archéologiques qui posent problèmes de connaissances...) : https://www.avalancha.org/fr/la-spoliation-de-la-grotte-de-chaves-a-guara/

Ce site nous parle des techniques d'élevage historiques, mais ne prévoit pas bien sûr des techniques préhistoriques plus avancées que supposées par les sciences modernes : http://andreboyer.over-blog.com/2018/09/l-evolution-des-techniques-d-elevage.html


Notons que plusieurs scientifiques parlent aussi de techniques d'animation étonnantes à la préhistoire, voir liens ci-dessous:


Articles en lien :

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/preuves-autre-histoire/civilisation-genante-la-culture-vinca.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/culture-vinca-un-etonnant-four-deterre.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/auvergne-france-les-mysterieux-souterrains-annulaires.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/glozel-authentifie-cela-change-tout-1.html

https://www.sciences-faits-histoires.com/blog/preuves-autre-histoire/techniques-d-animations-au-temps-de-la-prehistoire.html

http://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/incroyable-techniques-cinematographiques-au-paleolithique.html


Yves Herbo et Traductions, Sciences-Faits-Histoires, 22-04-2021, 08-2021

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