Étonnantes analyses d'un bracelet en obsidienne datant du 8e millénaire avant JC !
La Cappadoce Turque recèle bien des mystères et ses paysages étranges aux rochers comme des dents, ou torturés par les éléments, renforcent l'impression d'être dans un autre monde. Très vieux et énigmatique. Par exemple, c'est dans cette région que l'on a trouvé et analysé l'un des premiers squelettes prouvant une intervention chirurgicale poussée : une trépanation sur une jeune femme âgée entre 20 et 25 ans, à l'époque du plus ancien village en brique découvert, Asikli Hoyuk, datant au moins de 10 000 ans avant JC. Des fouilles récentes ont révélé que ce village était plus important et plus peuplé qu'on ne le pensait.
L'analyse des nombreux outils et les méthodes de fabrication de ces premières maisons ont démontré qu'elles étaient entièrement faites de plâtre rose et d'argile jaune, y compris le sol pour l'isoler parfaitement. Les habitants se faisaient enterrer dans le sous-sol de leurs propres maisons, dans la position de l’œuf (ou du fœtus). Cette région renferme également les plus beaux travaux sur l'obsidienne de l'époque, qui a largement été utilisée et mise en valeur. C'est d'ailleurs le plus ancien bracelet d'obsidienne recensé à ce jour, découvert en 1995 sur le site de Asikli Hoyuk, qui est enfin analysé par des techniques dignes de ce nom (en 2011 !) :
L'étonnante technicité des artisans du 8e millénaire avant J.C.
Reconstitution numérique du bracelet
"Des chercheurs de l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul (IFEA, CNRS/MAEE (1)) et du Laboratoire de tribologie et de dynamiques des systèmes (LTDS, CNRS/Ecole centrale de Lyon/Ecole nationale d'ingénieurs de Saint Etienne) ont analysé le plus ancien bracelet en obsidienne (2) recensé à ce jour, découvert en 1995 sur le site turc d'Asikli Höyük. En étudiant la surface de l'anneau et ses micro-reliefs avec des méthodes high-tech développées par le LTDS, les chercheurs ont révélé l'étonnante technicité des artisans du 8e millénaire avant J.C. Une maîtrise impressionnante pour la Préhistoire récente, digne de nos techniques de polissage actuelles. Ces travaux publiés dans le Journal of Archaeological Science de décembre 2011 éclairent les sociétés du Néolithique, des communautés encore très énigmatiques.
Le bracelet en obsidienne étudié, daté de 7500 avant J.C, est unique. Il s'agit du premier témoin d'un artisanat de l'obsidienne qui n'a connu son essor que plus tard aux 7ème et 6ème millénaires av. J.C., un artisanat qui a par ailleurs produit toutes sortes d'objets de prestige et notamment des vaisselles et des miroirs. Présentant une forme complexe et un épaulement (3) central singulier, il mesure 10 cm de diamètre et 3,3 cm de large. Découvert en 1995 sur le site exceptionnel d'Asikli Höyük en Turquie et exposé depuis au Musée archéologique d'Aksaray, cet anneau a été étudié en 2009 après la reprise des fouilles par Mihriban Özbasaran, Professeur à l'Université d'Istanbul au département de Préhistoire.
Fouilles à Asikli Höyük
Laurence Astruc, chercheuse CNRS à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul (IFEA, CNRS/MAEE) et ses collègues l'ont analysé avec des technologies informatiques très puissantes développées par Hassan Zahouani (ENISE) et Roberto Vargiolu (ECL), chercheurs au LTDS (CNRS/Ecole centrale de Lyon/Ecole nationale d'ingénieurs de Saint Etienne). Mises au point pour l'industrie afin de caractériser les "effets peau d'orange" sur les tôles de voitures peintes, ces méthodes dites "d'analyse multi-échelle de topographie de surface" ont été adaptées à l'étude des micro-reliefs sur les objets archéologiques. Avec un but: déterminer toutes les opérations réalisées sur leur surface.
Appliquées au bracelet, ces méthodes ont révélé que cet objet a été produit dans le cadre d'un artisanat ultra-spécialisé. Les analyses réalisées ont montré une régularité presque parfaite du bracelet. La symétrie de l'épaulement central est extrêmement précise, au degré et à la centaine de micromètres près. Ce qui laisse penser que les artisans de l'époque ont utilisé des patrons pour contrôler sa forme lors de sa fabrication. La finition de la surface du bracelet (très régulière, à l'aspect de miroir) a nécessité l'utilisation de techniques de polissage complexes permettant d'obtenir des qualités de poli à l'échelle du nanomètre, dignes de celles de nos lentilles de télescope.
Réalisés en collaboration avec l'Université d'Istanbul sous la direction de Laurence Astruc, ces travaux ont été financés par l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du programme "Obsidiennes, pratiques techniques et usages en Anatolie" (ANR 08-Blanc-0318). Dans ce programme, le bracelet d'Asikli Höyük est le premier objet à être étudié parmi une soixantaine d'autres objets polis en obsidienne.
En collaboration avec l'Université de Manchester et avec le British Museum, l'équipe de Laurence Astruc analyse désormais des objets de prestige découverts sur les sites Halaf de Domuztepe en Anatolie centro-orientale et d'Arpachiyyah en Irak."
Appliquées au bracelet, ces méthodes ont révélé que cet objet a été produit dans le cadre d'un artisanat ultra-spécialisé. Les analyses réalisées ont montré une régularité presque parfaite du bracelet. La symétrie de l'épaulement central est extrêmement précise, au degré et à la centaine de micromètres près. Ce qui laisse penser que les artisans de l'époque ont utilisé des patrons pour contrôler sa forme lors de sa fabrication. La finition de la surface du bracelet (très régulière, à l'aspect de miroir) a nécessité l'utilisation de techniques de polissage complexes permettant d'obtenir des qualités de poli à l'échelle du nanomètre, dignes de celles de nos lentilles de télescope.
Réalisés en collaboration avec l'Université d'Istanbul sous la direction de Laurence Astruc, ces travaux ont été financés par l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du programme "Obsidiennes, pratiques techniques et usages en Anatolie" (ANR 08-Blanc-0318). Dans ce programme, le bracelet d'Asikli Höyük est le premier objet à être étudié parmi une soixantaine d'autres objets polis en obsidienne.
En collaboration avec l'Université de Manchester et avec le British Museum, l'équipe de Laurence Astruc analyse désormais des objets de prestige découverts sur les sites Halaf de Domuztepe en Anatolie centro-orientale et d'Arpachiyyah en Irak."
Sources :
(1) MAEE, Ministère des Affaires étrangères et européennes.
(2) Verre volcanique, riche en silice, de toute couleur (grise, vert foncé, rouge ou noire...):matériau à comportement mécanique fragile.
(3) Changement brusque de diamètre sur une pièce cylindrique.
Références : http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=9858
(2) Verre volcanique, riche en silice, de toute couleur (grise, vert foncé, rouge ou noire...):matériau à comportement mécanique fragile.
(3) Changement brusque de diamètre sur une pièce cylindrique.
Références : http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=9858
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-le-bracelet-d-asikli-hoyuk-un-incroyable-polissage-vieux-dea-10a-000a-ans-28521.php
Astruc L., Vargiolu R., Ben Tkaya M., Balkan-Atl? N., Özbasaran M., Zahouani H., Multi-scale tribological analysis of the technique of manufacture of an obsidian bracelet from Asikli Höyük (Aceramic Neolithic, Central Anatolia), Journal of Archaeological Science 38 (2011): 3415-3424.
Astruc L., Vargiolu R., Ben Tkaya M., Balkan-Atl? N., Özbasaran M., Zahouani H., Multi-scale tribological analysis of the technique of manufacture of an obsidian bracelet from Asikli Höyük (Aceramic Neolithic, Central Anatolia), Journal of Archaeological Science 38 (2011): 3415-3424.
Autre découverte importante en Turquie : une stèle mentionnant Hadad et l'âme
«Un boeuf pour le dieu Hadad, un bélier pour le dieu Shamash, et un bélier pour mon âme qui se trouve dans cette stèle», peut-on lire sur la tèle retrouvée en Turquie. Photo: Université de Chicago
2008
- ce sont des archéologues américains qui ont découvert cette stèle en
2006, une traduction et une datation provisoire a été révélée fin 2008.
La stèle a été écrite pour un haut fonctionnaire de la cité-royaume de
Sam'al, au sud-est de la Turquie, un site maintenant appelé Zincirli.
«J'ai placé dans une chambre éternelle un festin, un boeuf pour le dieu
Hadad, un bélier pour le dieu Shamash, et un bélier pour mon âme qui se
trouve dans cette stèle» peut-on lire selon la traduction des chercheurs de l'Université de Chicago, retranscrite dans le New York Times.
Cette stèle revêt une importance reconnue pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le dieu Hadad, dieu de l'orage Hittite puis Assyrien a probablement une origine très humaine, et ensuite, on sait que le roi Ben-Hadad (fils de Hadad),
ennemi des israélites, est mentionné à plusieurs reprises dans la Bible
et les textes hébraïques. On le savait déjà, mais c'est une
confirmation de plus du fait que les grands rois étaient souvent déifiés
après leur mort et donc que, souvent, lorsque l'on parle de "dieux"
dans l'antiquité ancienne, on parle aussi souvent de vrais personnages
plus anciens encore. Et surtout, la mention d'une âme séparée du corps, selon ce texte, est une grosse surprise, car
à l'époque (-800 avant JC d'après les datations), les peuples sémites, y
compris les israélites, croyaient que le corps et l'âme étaient
inséparables. L'idée d'une âme immortelle, fondamentale dans la culture pharaonique égyptienne depuis des millénaires, n'avait pas été reprise ailleurs au Moyen-Orient. Certains exégètes, dont Tom Harpur, avancent que le judaïsme tardif et le christianisme ont tiré leurs notions de base, comme la séparation de l'âme et du corps, des Égyptiens, grâce à l'unification de la région par Alexandre le Grand.
Jean-Marc Michaud,
professeur de théologie à l'Université de Sherbrooke et membre du
Laboratoire des études sémitiques anciennes du Collège de France,
confirme que la découverte est très importante. « Il n'y a pas beaucoup de traces de contacts entre l'Égypte et cette région à cette époque, dit-il. Alors, on peut penser que l'idée d'une séparation âme/corps serait née par elle-même, ou alors empruntée à une autre culture que celle de l'Égypte.
Un siècle après, chez les philosophes présocratiques, on a l'idée de la
séparation entre le corps et l'âme. Ils ont peut-être été inspirés par
un concept de cette région de l'Asie mineure, plutôt que par des idées égyptiennes.»
Le
judaïsme d'alors ne croyait pas à la séparation de l'âme et du corps,
et pour cette raison interdisait la crémation, comme la plupart des
peuples sémites. Le sud-est de la Turquie était au tournant du premier millénaire avant notre ère dominé par le royaume hittite,
puis a connu une relative indépendance sous la forme de cité États,
avant de passer sous la coupe assyrienne. Le site où on a découvert la
stèle a été fouillé par une expédition allemande voilà plus d'un siècle,
et est resté en friche jusqu'aux travaux de l'Université de Chicago,
qui ont commencé en 2006. L'inscription de la stèle a été dévoilée à la
mi-décembre 2008 au congrès annuel de la Société de littérature
biblique, à Boston.
Notons que les découvertes en Turquie, en plus de Gobekli Tepe (12.000 ans Av. JC minimum), sont assez extraordinaires pour être signalées :
Yves Herbo, Sciences, F, Histoires, 09-12-2011, up 06-12-2014
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